Signes
et témoins
Au Foyer de Charité,
Marie est la « Maîtresse de maison »
P. Nicolas Ruffieux, Spiritain
Le Père
Ruffieux, Suisse, est responsable du Foyer de Charité de Bangui. On sait la
place faite à Marie dans ces Foyers. Il a bien voulu témoigner ici de la
présence de Marie au Foyer d’une capitale Africaine comme Bangui, où les
détresses à présenter à une Mère n’ont pas manqué ces dernières années.
Le
Père responsable de l'ensemble des Foyers de Charité, nous a demandé
dernièrement de rechercher en communauté « qui est la Vierge Marie pour vous ?
». Ce fut l'occasion de plusieurs partages en famille. Ce n'est pas souvent que
nous nous posons la question comme cela. Avec une maman, il y a toujours une
discrétion et un respect qui ne poussent pas à « étaler ». Et pourtant il y a
des moments où il est bon de vivre un émerveillement !
Dans
les Foyers de Charité, nous aimerions vivre les richesses de la famille de
Nazareth. Nous n'aimons pas parler communauté 'quand nous évoquons l'ensemble
des personnes engagées devant Dieu dans notre fraternité de Bangui. Nous
préférons le mot famille. Et Marie fait partie de notre famille. Chacun dans la
famille a une ou plusieurs tâches. Moi, Père Spiritain, je suis le responsable
de l'ensemble. Pourtant, celle que l'on appelle responsable est Marie‑Elisabeth
; elle est chargée de l'harmonie de la famille et du Centre Nutritionnel. Marie‑Louise
et Annick sont responsables de l'Accueil, Rosine de la cuisine, Robert,
infirmier, veille sur beaucoup de choses au Dispensaire... et Marie est la
maîtresse de maison:
la Maîtresse de maison.
A
l'entrée du Foyer, il y a la statue de la Vierge. C'est elle qui accueille
la première. Il est préférable d'annoncer la couleur, de dire très simplement
et discrètement le climat de notre maison. Nous vivons avec elle, c'est elle à
qui nous avons remis les clefs de la maison, elle a une grande responsabilité
dans ce lieu d'accueil qu'est le Foyer.
Chaque
réunion communautaire commence par le chapelet. "C'est important pour nous
de nous mettre d'abord dans le climat de notre engagement! Nous ne pouvons pas
prendre une décision, une orientation, faire le choix d'une dépense ou d'un
accueil sans l'écouter, sans mettre nos grandes options ou nos petits palabres
de famille dans ses mains.
Tous
les jours a l'eucharistie, nous redisons notre prière de consécration, l'acte
d'abandon a Jésus dans les mains de Marie de St Louis‑Marie Grignon de
Montfort. « C'est pour nous l'occasion de nous offrir en même temps que Jésus,
de nous donner totalement de reprendre conscience de ce don chaque jour. Ces paroles
nous serrent un peu le ventre par leur densité, leur absolu et nous sentons que
nous avons bien de la peine a en saisir toute la dimension. Comment le vivre
dans notre quotidien ? Nous nous rendons compte qu'il ne nous est pas possible
de l'accomplir pleinement, mais nous avons a être sur le chemin. Cette grande
exigence rejoint la radicalité de l'Evangile et de la Parole de Dieu. Notre
offrande n'est pas liée à une 'bonne disposition' mais se concrétise dans tous
les instants de notre vie avec ses 'hauts et ses bas' et particulièrement dans
les moments les plus difficiles. Nous touchons alors l'identité de notre Foyer,
son intimité ».
Marie
est aussi pour notre famille la « mère de l'Espérance ». « Nous avons vécu des
moments difficiles sous les balles lors des mutineries de l'armée et de la
dernière tentative de coup d'Etat. En ces moments‑là, nous nous rappelons
plus fort que Marie est la maîtresse de maison et que le Foyer, toute la
famille est dans ses mains ». Nous accueillons aussi dans notre Centre
Nutritionnel des enfants dénutris : une centaine par jour, nouveaux ou enfants
déjà en traitement. Que de misère ! et que de lutte pour permettre a ces
enfants de retrouver un peu de force et de santé et pour redonner confiance et
sourire aux mamans. La « mère de l'Espérance » nous aide à avoir, plus qu'un
regard humanitaire, son regard et son cœur pour chacun.
Nous
n'aimons pas les exagérations de références a Marie, cela ne nous semble pas
bien correspondre a la discrétion de la Vierge. Nous préférons habiter notre
cœur de son regard et de sa tendresse maternelle qui nous font voir Jésus dans
les plus démunis.
Marie
est présente dans nos retraites et nos récollections.
La
première mission des Foyers de Charité est d'annoncer la Parole de Dieu dans
des retraites et des récollections. Combien nous sentons qu'il est important
d"avoir le regard et le cœur de Marie, que ce soit le Père lorsqu'il donne
les enseignements ou les membres de la famille quand ils assurent l'accueil et
les taches de la maison.
D'abord
parce que « Marie nous conduit toujours a Jésus » et que les enseignements sont
toujours centrés sur le baptême qui nous rend participants a la vie du Christ.
Nous annonçons l'alliance nouvelle et éternelle, une alliance du sang qui crée
une nouvelle parenté, une alliance qui nous confère la dignité de fils et de
filles de Dieu. Celle qui, avec St Joseph, a éduqué Jésus de Nazareth est celle
qui nous précède dans le chemin des cœurs. Elle nous introduit dans une
attitude profonde qui nous met humainement debout, qui nous met sur le chemin
d'une croissance. Elle nous aide à avoir ce cœur qui veille, « qui garde et
médite chaque événement de notre vie dans son cœur » et le met en référence à
celui qui s'est manifeste comme le Dieu tout proche de nous.
Marie
restera aussi toujours (« les dons de Dieu sont sans repentance ») celle qui
nous donne Jésus, qui donne Dieu au monde. C'est pour cela que nos retraites et
récollections se font toujours dans le silence. Dieu veut nous parier. L’Esprit‑Saint
veut habiter nos cœurs et nous combler de la paix et de la joie intérieure qui
habitent celui de Jésus. C'est le profond désir de la Vierge de nous voir
ressembler à son Fils, elle est le canal du don de Dieu.
Dans
nos retraites, nous recevons beaucoup de personnes qui sont
déboussolées, blessées, marquées par les violences de la guerre : des parents
tues, des viols, des vols, des cases détruites, des discriminations
interethniques que personne ne désire, des envies de vengeance que l'on ne
voudrait à aucun prix ... Beaucoup s'interrogent : « Pourquoi en suis‑je
arrivé là ? »Beaucoup disent : « j'ai pardonne, j'ai fait beaucoup
d"efforts pour pardonner, mais ça revient toujours, aidez‑moi Père
je ne sais pas pardonner comme il faut ». De mon côté, je leur explique qu'ils
ont bien pardonné, mais que la blessure est là et qu"une blessure se
guérit comme une blessure. En chrétiens, nous essayons de trouver ce regard de
la « vengeance de Dieu qui sauve », la « vengeance de l’Amour » à l'image du
regard de Marie qui, au pied de la croix, porte son indicible souffrance pour
que les hommes soient sauvés par le sacrifice de Jésus. Qu'il est bon de
trouver le regard de Marie. Il voit, même dans la souffrance, le moyen d'aimer.
A chaque événement qui nous touche, joie ou peine, il nous apprend à aimer, a
louer Dieu.
Merveille
que ces moments de prière et de silence ! J'en entends les effets : « Je ne
peux plus vivre comme avant », « Dieu m'a parlé au fond du cœur », « ]"ai
trouve une paix que je ne connaissais pas ». Merveille que ce mystère de mort
et de vie de Jésus, de Marthe Robin notre fondatrice, dans lequel Marie nous
introduit
L'accompagnement
spirituel.
Beaucoup
de personnes nous demandent un accompagnement spirituel. Elles viennent de
toute la ville. Mais comment arriver à trouver le temps pour cela et surtout le
climat favorable ? Les moyens de transport sont très limités et ces entretiens
trop rapides n'aidaient pas à un réel cheminement. Nous avons tenté de trouver
une solution et nous proposons maintenant des week-end d'accompagnement dans
un climat de prière et de silence. La discrétion de la Vierge, son art de «
porter et de méditer tout cela dans le cœur » aide les accompagnes et les
accompagnateurs à vivre ces temps de discernement autrement que dans le stress
d'un rendez-vous trop court. Nous vivons alors mieux cette confiance en Marie,
sûrs qu'elle nous conduit toujours à Jésus.
Notre
Pape Jean‑Paul II nous dit que le Magnificat est le chant de toute l'Eglise.
Nous sommes d'Eglise et nous chantons avec vous tous: « Le Seigneur fait
aujourd'hui pour nous des merveilles, saint est son nom » !
Nicolas Ruffieux