Vie Spirituelle


Marie, Mère de tous les Peuples, dans tous les siècles.



Monique Chavanne, écrivain

Dans sa foi brûlante, Marie, l'adolescente de Nazareth avait accepté d'être la jeune mère de Bethléem. Lors de sa visite à Elisabeth elle n'avait pu se retenir de chanter sa joie devant sa cousine émerveillée. En devenant mère du Messie annoncé elle rendait possible le salut de tous les hommes dans tous les siècles de siècles :
« désormais, tous les âges me diront bienheureuse...
Son amour s'étend d'âge en âge...
en faveur d'Abraham et de sa race, à jamais ».(Lc 2)


Le salut promis au peuple juif s'étendait bientôt jusqu'aux extrémités de la terre. Cette Bonne Nouvelle du Fils de Marie concernait l'univers entier: " Allez par le monde entier, proclamez l'Evangile à toutes les créatures. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé, celui qui ne croira pas sera condamné." (Marc 16, 15-16)

Marie avait été choisie. " Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu."" Je suis la servante du Seigneur. Que tout se passe pour moi comme tu l'as dit ! " .Son acceptation généreuse, presque enthousiaste, allait lui conférer la grandeur d'une maternité universelle et rassembler tous les habitants de la terre, présents, passés et à venir.

Marie a révélé cette sollicitude dès le commencement de la vie publique de Jésus. A Cana, son intuition permet le miracle du vin. Au Golgotha sa foi et son courage la tiennent au pied de la Croix, accueillant Jean, et, à travers lui, tous les humains.

Depuis deux mille ans la présence spirituelle, mais cependant concrète de Marie nous rassure à propos de sa protection maternelle. Les diverses apparitions délivrent aux hommes, avec une régularité pressante, un message de conversion. Ces messages présentent, dans leur forme, bien des points communs :
- Ils sont adressés à des enfants ou à des personnes modestes vivant simplement.
- Ils demandent la prière, principalement celle du Rosaire.
- Ils demandent la pénitence.
- Ils dénoncent la froideur, le manque d'amour des chrétiens en général, des personnes consacrées en particulier.

Au cours des siècles, dans divers pays du globe, Marie se manifeste dans sa douleur de mère préoccupée par l'avenir de ses enfants. Proches de notre époque voici quatre apparitions célèbres:
A Paris, rue du Bac, les 18 et 19 juillet 1830, Marie visite Catherine, jeune novice chez les sœurs de saint Vincent de Paul. Elle demande qu'on frappe “la médaille miraculeuse”, dont les rayons frappent tendrement la terre. Catherine obtient de son confesseur la fondation des “enfants de Marie”. Le nom seul évoque la préoccupation maternelle de la Vierge Mère.
A La Salette, le 19 septembre 1846, Marie s'adresse à deux jeunes bergers, Mélanie et Maximin. Elle pleure, comme une mère pleure en voyant ses enfants se précipiter dans le malheur: " Si je veux que mon Fils ne vous abandonne pas, je suis chargée de le prier sans cesse... Vous aurez beau prier, beau faire, jamais vous ne pourrez récompenser la peine que j'ai prise pour vous autres. " Tant il est vrai que Dieu Lui-même ne peut renoncer à sa Justice qui est une réponse à l'amour. Si le moindre signe d'amour envers Jésus appelle aussitôt sa miséricorde il ne peut passer outre à notre liberté. Marie est là pour nous arracher un consentement et nous tirer des griffes du mal. N'a-t-elle pas été créée par Dieu pour être l'instrument de sa miséricorde ?
A Lourdes, le 11 février 1858, Marie apparaît à Bernadette, fillette non instruite et de famille très pauvre. Les apparitions se succèdent pendant les jours suivants et, le 24, la Dame précise: " Pénitence ! Pénitence ! Pénitence ! Priez Dieu pour les pécheurs ! Allez baiser la terre en pénitence pour les pécheurs ! " Le 2 mars Elle demande: " Allez dire aux prêtres qu'on vienne ici en procession et qu'on y bâtisse une chapelle. "
A Fatima, le 13 mai 1917, Marie apparaît à trois jeunes bergers. Elle leur demande, avec douceur, prières et sacrifices en réparation des péchés du monde. Elle conclut: " ... vous devrez beaucoup souffrir, mais la grâce de Dieu sera votre réconfort. récitez votre chapelet tous les jours pour obtenir la fin de la guerre et la paix du monde. "

Plus près de notre temps encore, plusieurs apparitions, sur l'origine desquelles l'Eglise ne s'est pas encore prononcée, témoignent toutes d'une exigence de prière, de pénitence, mais aussi de partage et de charité fraternelle. Délicatesse de la Vierge: à chaque intervention elle emploie la langue ou le patois du pays !

Toutes les manifestations de Marie, crient ses efforts inouïs pour nous permettre d'échapper au malheur et d'accéder au bonheur dans la paix, bonheur voulu par Dieu, dans la justice et la charité. Toutes elles appellent à la conversion, au choix de Dieu et des valeurs qui mènent à Lui, au renoncement au péché, pour participer, si peu que ce soit, à la Rédemption du monde. 

La Vierge Mère présente souvent le chapelet comme une arme incontournable et encourage les enfants à le réciter. Pourquoi une telle prédilection envers une prière répétitive ? Il est vrai que les trois mystères, composés de cinq dizaines, permettent la méditation de toute l'histoire du salut, dans laquelle le cœur de Marie est intimement lié à celui de Jésus. Quel est l'avantage d'un récitatif aussi monotone ? Les lèvres, occupées à murmurer ou à proclamer ces paroles confiantes, tiennent ainsi l'esprit attentif ou tout au moins orienté vers la contemplation des mystères. Continuellement, jour après jour, l'âme s'imprègne, avec l'assistance de Marie, de la substance même de l'avènement du salut dans le monde. Encore faut-il que ces réalités s'inscrivent dans le cœur des hommes et qu'ils en vivent. Là est la part, toute petite, de leur participation.

Chapelet, prière du chapelet, pénitence...Les interventions mariales se succèdent et les messages se ressemblent. C'est dire que Marie se répète et se répète, ce qui est signe d'un souci permanent, jamais lassé, d'une mère attentive. D'aucuns jugent ce leitmotiv usé, y accordent peu d'attention, ou, pire, concluent à l'irrecevabilité. Au contraire il faut y voir l'insistance inquiète, douloureusement tourmentée, d'une mère qui voit ses enfants périr. Quelle est la mère qui ne redise inlassablement, tous les jours au besoin, des conseils de prudence à ses enfants ? Elle n'est apaisée qu'après avoir accumulé ses injonctions: " Ne roule pas trop vite ! Couvre-toi ! Méfie-toi de la fréquentation de telle personne ! etc ... " C'est à force de répétitions que la maman s'estime un peu rassurée. Et encore ! Il faut donc voir, dans ces injonctions renouvelées de Marie une des manifestations de sa maternité attentive, aujourd'hui comme hier, et jusqu'à la fin des temps. Il faut y discerner l'urgence malheureusement renouvelée de ses mises en garde, leur accorder la plus grande considération. Car, même s'il existe des aurores, les ténèbres sont présentes en bien des points de notre terre, jusque dans nos cœurs.

Dans son encyclique Redemptoris Mater  (La Mère du Rédempteur) Jean-Paul II souligne l'amour maternel de Marie. Il écrit, à propos de l'icône de Vladimir, vénérée depuis le douzième siècle, actuellement conservée en Russie: “ Regard (de la Vierge) qui exprime son amour maternel pour son Fils, mais aussi pour tous les hommes dont elle apprend, par la croix, à devenir la mère. “

Paul VI dit de Marie qu'elle est la Vierge qui écoute. Quoi de plus important pour une mère ? Dans le diocèse d'Evry existe un point d'accueil et de pèlerinage appelé “ Notre-Dame de l'Ouye “, la Vierge qui écoute tous ses enfants.

Thérèse de l'Enfant Jésus écrivait: " On sait bien que la Sainte Vierge est la Reine du ciel et de la terre, mais elle est plus mère que reine, et il ne faudrait pas faire croire ( comme je l'ai souvent entendu dire ) qu'à cause de ses prérogatives elle éclipse la gloire de tous les saints... Une mère qui fait disparaître la gloire de ses enfants ! Moi je pense tout le contraire, je crois qu'elle augmentera de beaucoup la splendeur des élus... Quand on a prié la Sainte Vierge et qu'elle ne nous a pas exaucé, il faut la laisser faire sans insister, et ne plus se tourmenter... "

Quant au poète Charles Péguy (XXe siècle) il déclare:
-Il y a des jours où les patrons et les saints ne suffisent pas...
-Alors il faut prendre son courage à deux mains
-Et s'adresser directement à celle qui est au-dessus de tout...
-A celle qui intercède.
-La seule qui puisse parler de l'autorité d'une mère...

Saint Maximilien-Marie Kolbe, martyr des nazis, priait ainsi, dans « Totus Tuus »,  cette Mère en qui il se confiait:
Vraiment, ta seule présence attire les grâces
qui convertissent et sanctifient les âmes,
puisque la Grâce jaillit du cœur de Jésus
sur nous tous, en passant par tes mains maternelles.

Tout autour de nous, parmi le peuple obscur que nous formons, des milliers de personnes témoignent aujourd'hui de la protection maternelle de Marie. Tant de malades, de mourants, de prisonniers, de captifs torturés assurent avoir reçu d'Elle force et consolation. Chaque année, à Lourdes par exemple, les guérisons du cœur, dans la foi retrouvée, illuminent les vies. Parfois la guérison du corps en est les signe visible. Tel condamné, dans les prisons de l'Est, raconte que, sur le point de mourir de froid, s'étant confié à Marie, il avait aussitôt ressenti une douce et pénétrante chaleur. Il avait ainsi échappé à la mort, à la grande stupéfaction de ses bourreaux.

Dans la vie quotidienne chacun peut constater le secours ferme de Marie, dirigeant inlassablement les cœurs vers son Fils. Les jeunes en quête d'orientation n'implorent jamais en vain  Marie. Elle sait parfaitement discerner la bonne route, insuffler le courage de s'y engager, éloigner les obstacles, maintenir la joie et la paix du cœur. Des centaines peuvent le dire, pour peu qu'on leur donne la parole !

Alors, avec elle nous pouvons chanter: Mère de tous les temps, de tous les peuples, toi qui, par ton Fils, de toute éternité, donne-nous la vie.
Avant que fussent implantées les montagnes,
avant les collines, (tu fus) enfantée;
avant qu'il eût fait la terre et la campagne
et les premiers éléments de la poussière du monde.
Quand il affermit les cieux, (tu étais) là... (Prov. 8, 25-27)


Ainsi au delà des grandes manifestations mariales dont nous parlent les medias, le recours à Marie par tant de chrétiens anonymes et de communautés dans tous les peuples de la terre constitue un témoignage majeur de la maternité spirituelle de Marie. Cet hommage universel à Marie dans le mystère du salut, fait partie de la vie de l’Eglise.