Signes et témoins

Dans la force de l'Esprit

P. Albert Perrier, spiritain


Le P. Albert Perrier est Rédacteur de la Revue Saint-Joseph d’Allex. Il a été auparavant missionnaire à Madagascar et l’Ile Maurice et formateur de missionnaires. Il évoque quelques grandes étapes de la vie spiritaine.

L'expérience de la vie selon l'Esprit Saint dans les Instituts qui lui sont consacrés ressemble à celle de l'Eglise : fidélité de leurs membres comme baptisés, enfants du Père et disciples de Jésus, et comme apôtres de l'Evangile. Cependant des nuances de cette fidélité apparaissent à travers le don spécifique fait à un institut lors de sa  fondation, et à travers tout ce qui est vécu dans le développement de sa tradition et des adaptations qu'ils est amené à vivre pour aujourd'hui.
Pour l'institut missionnaire des Spiritains, un texte des Actes des Apôtres peut permettre de souligner le cheminement habituel de l'Esprit au cœur des décisions missionnaires qu' Il guide. C'est celui de la mission de Paul et Silas, "le Saint-Esprit les empêchant deux fois d'annoncer la Parole en Asie(Ephèse et Smyrne) et en Mysie, et leur ouvrant au contraire la route de la Macédoine (Grèce). Ils sont alors convaincus que Dieu vient de les appeler à y annoncer la Bonne Nouvelle" (Ac 16, 6-10).

La Règle de vie spiritaine s'ouvre sur ces recommandations :  "Au cœur du peuple de Dieu, et parmi d'autres vocations multiples et diverses, suscitées par l'Esprit Saint, nous, Spiritains, sommes appelés par le Père et "mis à part" (Ac 13, 2) pour annoncer, à la suite de son Fils, la Bonne Nouvelle du Royaume. Nous répondons à cet appel dans un Institut religieux missionnaire, la Congrégation du Saint-Esprit sous la protection du Cœur Immaculé de Marie. Les charismes de nos Fondateurs, Claude Poullart des Places et François Libermann, et la fidélité à notre tradition, nous incitent à répondre de manière créative aux besoins d'évangélisation de notre temps" (n° 1 et 2). 

Une double fondation

A la source, Claude Poullart des Places, en peu de temps mais intensément, lance l'œuvre des pauvres écoliers. C'est le 27 mai 1703, en la fête de la Pentecôte, qu'il consacre ses jeunes aspirants au sacerdoce au Saint-Esprit sous la protection de l'Immaculée Conception. Il assure à ses élèves une longue et solide formation en leur communiquant sa mystique de pauvreté et sa hantise des âmes abandonnées.
Lui-même a une forte spiritualité, puisée dans une congrégation mariale. Celle qu'il connaît au moment de sa fondation est active au collège de Clermont, devenu Louis le Grand en 1681. Les Règles et Constitutions du Séminaire du Saint-Esprit, selon sa pensée, soulignent ceci : "L'institut a pour but d'éduquer des pauvres clercs qui soient prêts à tout : servir dans les hôpitaux, évangéliser les pauvres et même les infidèles, non seulement accepter mais aimer de tout cœur et à préférer aux autres postes les plus humbles et les plus laborieux pour lesquels on trouve difficilement des titulaires." De bonne heure, les Spiritains, nom donné aux anciens élèves du Séminaire du Saint-Esprit, se tourneront vers les missions lointaines.
Vers les années 1830, les Spiritains, forts de leur reconnaissance légale, essaient de se regrouper et de retrouver les orientations de leur institut. Ils ont de larges territoires missionnaires, mais peu de personnel. De son côté, Libermann fait une expérience spirituelle qui le conduit à participer activement à l'initiative de l'Oeuvre des Noirs. Avec Le Vavasseur et Tisserant , il lui donne forme définitive sous le nom de la congrégation du Très-Saint-Cœur de Marie, en 1841. Rome va plaider pour une fusion des deux sociétés en raison de leur commune orientation missionnaire vers l'Afrique. C'est fait en 1848. Le P. François Libermann, alors supérieur général de la Congrégation du Saint-Esprit sous l'invocation de l'Immaculé Cœur de Marie, donne à ce geste une dimension pratique et missionnaire : "Les deux congrégations ne font plus que la seule congrégation du Saint-Esprit. Nous avons abandonné notre propre fondation pour nous unir à la société du Saint-Esprit, afin d'avoir plus de facilité de faire du bien aux populations noires." Ainsi, dans ce temps de re-fondation, le P.  Libermann se montre un homme de sagesse spirituelle et de grande prudence, docile à la fois devant ce qu'il considère être des appels de Dieu et ferme dans les choix qu'il fait.

Des chemins de sainteté

C'est une histoire tantôt toute simple tantôt plus engagée que deux Bienheureux, les Pères Jacques-Désiré Laval et Daniel Brottier, ont marquée à côté d'autres Spiritains.
Jacques-Désiré Laval débarque à Port-Louis (capitale de l'Ile Maurice actuellement), le 14 septembre 1841. C'est de lui qu'on dira "qu'il fait tout de travers", car il invente sa méthode apostolique tout simplement auprès des esclaves noirs libérés. Il décide ainsi de partager l'extrême pauvreté des gens qui lui sont confiés. Renonçant au français parlé par les autres prêtres dans leurs sermons, il se met tout de suite à apprendre le créole usité par le peuple. Lorsqu'il cherche des collaborateurs, là encore il agit humainement tout de travers : il donne sa confiance aux Noirs, même illettrés. Il commence par choisir un jeune homme d'une vingtaine d'années, infirme au surplus pour en faire un catéchiste. Il travaille ainsi pendant 23 années, laissant "son souvenir dans tous les cœurs."
En 1923, le cardinal Dubois, archevêque de Paris, demande aux Spiritains de prendre en charge l'Orphelinat d'Auteuil. C'est une œuvre alors peu attrayante : raison qui eut attiré Poullart des Places et Libermann. Le responsable nommé s'appelle Daniel Brottier. Quand il meurt le 28 février 1936, Auteuil et ses annexes accueillent 1400 orphelins. Il laisse ce message d'avenir : "Je puis disparaître d'un jour à l'autre. On pourra cependant envisager l'avenir sans trop d'inquiétude, car j'ai créé maintenant, autour des jeunes d'Auteuil, un réseau d'amitié et de dévouement que je considère comme indestructible." Le projet éducatif assure une formation humaine scolaire et professionnelle, permettant aux 5000 jeunes d'aujourd'hui d'accéder à l'autonomie et de s'épanouir.
Au cœur du Chapitre général de 1992 (assemblée importante de délégués Spiritains), à Itaïci (Brésil), ce message a été délivré comme un hommage envers nos anciens : "Notre histoire et notre dynamisme missionnaires sont enracinés principalement dans l'esprit et le charisme de nos anciens qui ont sacrifié leur vie sur notre terre africaine. Parmi les confrères qui sont enterrés à Bagamoyo (Tanzanie), plusieurs moururent très jeunes. Leur courage et leur enthousiasme nous donnent vitalité et courage pour poursuivre à notre tour notre difficile apostolat à la fois dans la formation de jeunes missionnaires et dans les missions. C'est en regardant ce que nos aînés ont accompli dans le passé que nous pouvons aujourd'hui développer notre propre identité spiritaine."

Aujourd'hui, la mission s’est élargie

Dans sa Lettre de Pentecôte 2002, notre Supérieur Général, le P. Pierre Schouver nous disait : "L'Esprit souffle quand nous faisons mémoire de nos fondateurs et des témoins de notre histoire. En cette Pentecôte, nous portons notre attention sur notre passé et notre présent en Afrique, le continent où nous avons investi le plus au cours de notre histoire.
L'Afrique n'est plus seulement un lieu où les Spiritains vont en mission. Ce continent est entré dans notre Congrégation avec environ 1000 membres africains. Et, depuis Libermann surtout, la mission en Afrique a imprimé sa marque sur notre famille religieuse. Un Spiritain brésilien nous disait que les Spiritains qu'il avait rencontrés portaient en eux l'expérience de l'Afrique dont ils parlaient sans cesse…
Les confrères africains sont partie prenante dans les nouvelles initiatives spiritaines sur tous les continents où ils sont eux aussi témoins d'une vitalité nouvelle venue d'Afrique. Dans cette histoire complexe marquée par l'Afrique, nous apparaissent les traces de l'Esprit dont nous ne savons ni d'où il vient ni où il va (Jean 3,8)." 
Témoin des voies de la Mission, il a encore souligné que "des frontières sont ouvertes en Extrême-Orient." Il se fait l'écho d'une orientation du Chapitre Général d'Itaïci (Brésil) et de sa réalisation au Pakistan, aux Philippines et à Taïwan : "Nous avons entendu un appel pour l'extension de notre activité missionnaire vers le monde asiatique."
Pour notre congrégation missionnaire, l'Esprit suscite au fur et à mesure de son histoire, les fondateurs, les missionnaires de l'Evangile en les conduisant dans sa lumière et sa force. Nous en sommes témoins !