Le week-end des débuts
du Renouveau
Charismatique
Mme Patti Mansfield,
Patti Mansfield est titulaire d'un BS (Bachelor of
science, diplôme clôturant
le Cycle des Undergraduate studies, d'une durée de quatre ans,
équivalant à la licence) de professorat de français obtenu à l'université
Duquesne (USA) en 1968, dirigée par la Congrégation du Saint Esprit. Dans son
livre « Comme une nouvelle Pentecôte" elle a rassemblé les
souvenirs des participants au week-end du 17-18 février 1967. Nous relevons ici
quelques extraits de son témoignage. (Ed. de l’Emmanuel 1992 pp 71-86)
« Le Tout-Puissant
a fait pour moi de grandes choses. Saint est son nom » (Lc
1,49). Ces mots de la Vierge Marie me
serviront d'introduction. Pendant toute
ma vie le Seigneur s'est montré miséricordieux envers moi, me donnant la foi
catholique, une famille aimante, de bons amis, une bonne santé et une
magnifique maison. J’ai été à l'école dans un établissement Public secondaire à
Irvington, dans le New Jersey, où je côtoyais des élèves de religions
différentes. Mes meilleurs amis étaient
juifs pour la plupart. Je me suis donc
posé des questions sur les particularités du christianisme. Etre chrétien,
c'est croire en Jésus-Christ. Cela je
le savais et je croyais en lui.
Néanmoins, arrivant en fin d'études, le désir d'approfondir mes
connaissances religieuses grandit en moi.
Je décidai donc de trouver un établissement catholique où je pourrais
étudier la théologie et me lier, avec des jeunes partageant ma foi.
Un institut de Boston retint tout d'abord mon
attention, mais la perspective d'une bourse couvrant l'intégralité de mes frais
de scolarité me conduisit à l'université Duquesne de Pittsburgh, en
Pennsylvanie. L'établissement porte
comme nom officiel
Université Duquesne du Saint Esprit, et pour devise
«
Spiritus est qui vivificat ». Il est géré par un ordre missionnaire, les
pères du Saint Esprit. Plus tard, le
lien existant entre Duquesne et le Saint Esprit me parut des plus significatifs
!
Les études théologiques m'aidèrent, sans pour
autant assouvir ma soif de Dieu. En fait, je ne désirais pas seulement
approfondir mes connaissances sur Lui, mais aussi mieux Le connaître, établir
avec Lui une relation plus intime, plus intérieure.
J'étais en seconde année quand une amie, Mary Ellen
Belfiore, m'invita aux réunions de Khi rô.
J'essayai d'esquiver cette invitation sous divers prétextes
imaginaires. Pour tout dire, si je
désirais mieux connaître le Seigneur, j'en éprouvais aussi de la peur : que se
passerait-il si Ses projets sur moi entraient en conflit avec les miens ? S'il
me demandait d'entrer au couvent ? Ne risquerais-je pas d'être alors considérée
comme trop versée dans la religion ? Ma vie sociale n'allait-elle pas s'en
ressentir ? Finalement, le jeudi de l'Ascension 1966, j'acceptai de me rendre à
un pique-nique. Séduite par l'amitié
chaleureuse des étudiants, je décidai de me joindre à eux dès la rentrée
universitaire suivante.
Jamais je
n'oublierai ma première réunion de Khi rô au mois de septembre 1966. La discussion portait sur des extraits de la
Bible ; moi, je restais assise dans mon coin, espérant bien que personne ne
demanderait mon avis : je ne connaissais rien aux Ecritures et préférais cacher
cette ignorance. Avant de nous séparer,
nous avons chanté un office divin abrégé en utilisant le livre
Morning
Praise and Evensong (Louange du matin et du soir). Le chant grégorien retentit au plus profond
de mon coeur. «
Il y a quelque chose de si vrai dans tout cela, ai-je
pensé,
c'est pour cela que j'ai été créée... » Bien que nouvelle
dans le groupe, j'y fus très bien accueillie et ne tardai pas à y forger de
vraies amitiés.
La préparation
L’annonce d'une
retraite pour les 17-19 février 1967 me mit mal à l'aise. Aussi extraordinaire que cela puisse
paraître, venant d'une école privée, je n'avais jamais participé à une
récollection ! Des sentiments contradictoires m'habitaient : d'un côté,
j'aspirais à y aller afin de me retrouver en présence de Dieu ; de l'autre, je
craignais qu'il ne s'y produisit un événement susceptible de changer ma vie.
La lecture des
chapitres 1 à 4 des
Actes et du livre
La Croix et le poignard me
fit forte impression. Je ne comprenais
rien à tout ce que dit Wilkerson sur l'effusion de l'Esprit et les charismes,
par exemple le parler en langues. En
revanche, le fait qu'un homme fût vraiment capable, à notre époque, de
connaître la volonté de Dieu m'a saisie.
Que le Seigneur pût parler à l'auteur, dans la prière, et le guider par
des signes m'a stupéfiée. Au fil de ma
lecture, le désir grandit en moi d'être aussi conduite par le Seigneur.
«Est-ce
que ce ne serait pas extraordinaire, ai-je alors pensé,
qu'une personne
aussi simple que moi pût Le sentir guider sa vie ?» Finalement, j'en
conclus que cette aide devait sans doute être réservée à des gens sortant de
l'ordinaire, à des gens ayant une mission à remplir : prêtres, religieuses et
ministres du culte, par exemple.
Néanmoins, le livre
refermé, j'eus assez de foi pour me tourner vers Dieu et prier. Seule dans ma chambre de la cité
universitaire, je me suis agenouillée au pied de mon lit :
«Seigneur, je
crois que j'ai déjà reçu ton Esprit Saint dans le baptême et dans la
confirmation, mais s'il peut développer son action en moi, je le désire
». Je rouvris les yeux et, regardant autour de moi avec espérance, je n'ai
reçu ni vision, ni ange, ni entendu de voix.
J'étais déçue car ma confiance était au plus haut après la lecture de
La
Croix et le poignard...
« Je ne raconterai jamais à âme qui vive
la demande que j'ai adressée au ciel, ai-je pensé,
ça n'a
apparemment pas marché » J'avais conclu par erreur que, sous prétexte de
n'avoir rien vécu de spectaculaire sur le moment, Dieu n'avait pas entendu ma
prière. En fait, Il l'avait entendue et
il se préparait à y répondre... d'une façon bien plus éclatante que je ne
l'aurais imaginé.
Veni Creator Spiritus
Quelques jours plus tard, environ vingt-cinq
étudiants de Khi Rô sont arrivés à la maison de retraites "l'Arche et la
Colombe". Ma chambre se trouvait
dans la petite maison "la Colombe".
A ma grande consternation, en défaisant mes valises, je me suis aperçue
que j'avais oublié mon matériel de maquillage.
Et il s'agissait d'une retraite mixte ! Je me suis alors rappelée que
j'étais venue rencontrer Dieu et non un "petit ami".
Au début de chaque réunion, nous avons chanté, en
anglais et sur la mélodie grégorienne, le magnifique Veni
Creator Spiritus, "une
prière plus qu'un chant', nous avait dit un de nos professeurs le vendredi
soir. Il nous avait invités à reprendre
l'hymne à plusieurs reprises pour demander le Saint Esprit.
« Nous
continuerons à le répéter jusqu'à ce que vienne l'Esprit » avait-il
dit.
Marie, épouse du Saint Esprit
Vendredi soir, dans la chapelle, un des
responsables éleva devant nous une statue de la Vierge la représentant en prière
les mains levées au ciel.
« Marie, souligna-t-il, est une femme de
foi et de piété ». Tandis qu'il parlait, j'observai en lui un changement
qui me frappa de stupeur : lorsque j'étais son
élève, cet assistant en théologie me paraissait particulièrement tendu et
nerveux. Or, tandis qu'il parlait de la
mère du Christ, son visage rayonnait d'une paix et d'une joie que je ne lui
avais jamais connues. «
On dirait qu'il est rempli de l'Esprit », ai-je
pensé. Je n'avais jamais employé cette
expression, «
rempli de l'Esprit ». Elle semblait pourtant bien adaptée
à la situation. Bien sûr, nous
ignorions tous que nos professeurs avaient été bel et bien
«remplis de
l'Esprit » quelques semaines auparavant.
A mon avis, avoir attiré notre attention sur Marie
au début de la retraite était un signe.
Elle était là lors de l'Annonciation, quand le Verbe s'est fait
chair. Elle était là lors de la
Nativité pour donner Jésus au monde.
Elle était là au pied de la Croix, pour notre Rédemption. Elle était à la Pentecôte, quand l'Eglise
est née. Dieu voulait sans doute aussi
qu'elle fût avec nous quand l'Esprit se manifesterait. Comment celle que les Pères de l'Eglise
appelaient « l'épouse du Saint Esprit » pouvait-elle être absente
quand Celui-ci était à l'oeuvre ?
Il convaincra le monde de son péché (Jn 16,8)
Après la méditation sur Marie, j'ai pris part à la
première cérémonie pénitentielle de ma vie, ce qui m'a profondément
marquée. L’Evangile de Jean nous dit
que lorsque l'Esprit viendra, il convaincra le monde de son péché. Les jeunes membres de Khi rô avaient beau
être merveilleux, le groupe n'en avait pas moins un grand besoin de pénitence :
nous connaissions nous aussi les discordes, critiques et récriminations. L’Esprit a agi pendant cette cérémonie
pénitentielle, car Il nous a fait connaître notre péché. En écoutant mes camarades prier et
reconnaître leur péché, je compris que nous étions tous les mêmes, que nous
avions tous besoin de la miséricorde divine.
Pour la première fois de mon existence, j'ai adressé au Seigneur une
prière spontanée à haute voix pour verser aussitôt après des larmes de
confusion tout en me reprochant cet accès de sensiblerie : je voulais que la
retraite m'apporte un bienfait profond, durable, qui ne reste pas dans un
registre émotionnel.
Jésus, sois vivant pour moi !
Le samedi, j'accueillis fraîchement l'annonce que
l'enseignement sur le chapitre 2 des
Actes serait présenté par une
épiscopalienne. Dès ses premières
paroles («
Je ne sais quoi dire, mais j'ai demandé l'aide du Saint
Esprit »), j'étais confortée dans mon sentiment. «
Elle aurait pu avoir
la politesse de préparer son exposé ! » ai-je songé, indignée, à ma
honte. En réalité, l'Esprit travaillait
tandis que cette femme admirable parlait.
Oui, Il était vraiment à l'oeuvre.
Quand elle a affirmé qu'on pouvait vraiment
connaître Jésus-Christ, je suis restée sceptique. Elle disait qu'on pouvait percevoir la puissance de l'Esprit dans
nos vies quotidiennes. «
Ce serait trop facile ! ai-je réfléchi ;
elle
n'a pourtant plus vingt ans, elle devrait savoir que la vie n'est pas
si simple ! » Pourtant, elle n'avait pas fini de parler que j'aspirais à
vivre la même chose qu'elle.
« Jésus, sois vivant pour moi ! »
ai-je alors noté.
J'ai conservé mon carnet de ce week-end. Voici mes notes sur l'exposé :
« … Jésus,
sois vivant pour moi !
Qu'arrive-t-il
quand on reçoit l'Esprit ?
Dans les
Ecritures, nous voyons la chaleur,
le feu, le don des langues.
Nous ne devons
pas utiliser les dons pour nous-mêmes,
mais pour le Seigneur. Si tu ne les utilises pas, tu
les perdras.
Si tu oses croire, ose recevoir.
Je me réjouis de
mes infirmités.
Ensuite tu ne
seras pas sainte, mais forte. »
Après l'exposé, mon
groupe de partage se demanda pourquoi on parlait si souvent de
« recevoir
Jésus », « recevoir le Saint Esprit ». N'avions-nous pas déjà reçu le
premier par le baptême, le second par la confirmation ? Un conseiller
universitaire, présent dans mon groupe, répondit à nos questions de la
façon
suivante : il est vrai que le Christ, comme l'Esprit, nous ont été donné par
les sacrements ; toutefois notre jeunesse nous a empêchés de participer en
toute conscience à ces actes d'engagement; au seuil de l'âge adulte, il nous
faut accepter, activer les dons ainsi offerts.
Qui dis-tu que
je suis ?
Le professeur nous a
fait part d'une autre idée qui m'a frappée de plein fouet. Un jour, il avait demandé à un jeune de
décrire ce que représentait le Christ dans sa vie.
« C'est comme une
large lanière autour de mon être, avait répondu celui-ci, elle m'unifie
; sans elle, je me désagrégerais... » Je m'arrêtai net dans mes réflexions
: c'était bien la grande question, la question ultime :
« Que représente
Jésus dans ta vie ? » Je restai abasourdie, comme si le Christ
lui-même me demandait :
« Et toi, Patti, qui dis-tu que je suis ? »
Pour être honnête,
si je connaissais et aimais le Sauveur, il n'était pas pour autant au centre de
ma vie. Je ne le considérais pas comme
celui qui m'unifiait, celui dont dépendait toute ma personne, tout intérêt, tout
dessein. A vrai dire, c'était moi qui
tenais les rênes, du moins je le pensais.
Un lien me rattachait bien à Jésus, mais un lien de confort... mon
confort. J'aurais pu résumer ma relation
à Lui par la prière suivante:
« Seigneur, bénis mes projets. Fais ce que je veux. Et selon mon calendrier, c'est-à-dire
maintenant. Amen. » Bref, au fil des partages, j'ai découvert que je
devais me convertir, remettre ma vie dans les mains de Jésus-Christ, le laisser
régner sur toute chose…
Au cours de la
discussion, cette question nous avait été posée :
« Etes-vous prêts à être
des fous ? » … David Mangan avait par ailleurs émis la suggestion suivante
: ne pouvions-nous pas, maintenant que nous étions adultes, laisser l'Esprit
reçu dans la confirmation agir librement en nous ? Pourquoi ne pas demander à
notre aumônier de clore la retraite par une cérémonie où nous renouvellerions
notre confirmation, comme nous renouvelons nos promesses de baptême à la vigile
pascale ? J'avais été chargée de faire
remonter notre partage à tout le groupe :, quand j'en vins à la proposition de
mon camarade, la réaction ne fut pas des plus enthousiastes !
« Etes-vous
prêts à accepter l'action de l'Esprit en vous ? » a demandé un
professeur. Je ne concevais pas très
bien ce que cela entraînerait ; en revanche je savais que j'attendais davantage
de Dieu. J'avais peur mais j'étais
prête.
Ensuite, David et
moi, nous sommes allés marcher dehors en poursuivant nos réflexions. Nous sommes tous deux tombés d'accord sur le
fait que, même si personne d'autre ne voulait renouveler sa confirmation, nous,
nous le désirions. Et nous le
ferions. De retour à la maison, nous
avons communiqué notre décision au professeur d'histoire présent dans notre
groupe.
« Parfait ! nous répondit-il.
Le Christ a envoyé ses disciples "deux par deux". »
Je demande un
miracle
Au plus fort de mon
espérance, j'écrivis sur une feuille
« Je demande un miracle » et
l'affichai avec une punaise pour que chacun la vît. Je n'avais pas la moindre idée du prodige attendu ; je souhaitais
simplement voir Dieu manifester sa puissance.
Quand plus tard j'ai regardé mon papier, une main anonyme y avait
ajouté:
« Moi aussi ».
Il faut souligner que, quand l'Esprit se
manifesta plus tard dans la soirée, il choisit de descendre d'abord sur David Mangan
puis, très vite et de façon similaire, sur moi. Or, l'un comme l'autre nous avions voulu, même si cela
représentait une démarche personnelle, renouveler notre confirmation et
demander à l'Esprit d'agir librement en nous : le Seigneur n'attendit pas la
liturgie de clôture pour répondre à notre prière.
Il était prévu de
fêter un anniversaire le samedi soir cette fête n'a jamais eu lieu. Une sorte d'indifférence régnait dans le
groupe, les gens allaient et venaient.
En fait, un peu avant le moment où la fête aurait dû commencer, une
coupure d'eau se déclencha dans la maison.
En raison d'une défaillance de la plomberie, nous informa-t-on, nous
risquions de devoir rentrer plus tôt que prévu. Des étudiants sont alors montés à la chapelle pour remettre cette
situation dans la prière. A la suite de
quoi ils tournèrent un robinet. Et
l'eau jaillit. A toute force ! Le
devions-nous à une intervention divine ou à celle d'un ouvrier, je ne
sais. Pour ma part, je ne faisais pas
partie du groupe qui s'est réuni à la chapelle. J'ai assisté cependant aux réactions : pour nous, Dieu désirait
la prolongation de notre séjour et avait agi en conséquence.
Au cours de mes
méditations, j'ai souvent noté que, dans les Ecritures, l'eau était une image
de l'Esprit. Jésus n'a-t-il pas déclaré
:
« Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive, celui qui
croit en moi ! selon le mot de l'Ecriture : De son sein couleront des
fleuves d'eau vive. Il parlait
de l'Esprit que devaient recevoir ceux qui avaient cru en lui... »
(Jn 7, 37-39) ? Certains ne pouvaient-ils pas dire de l'Eglise d'aujourd'hui :
«
Il n'y a plus d'eau. Tout est desséché. Nulle vie n'existe en elle. » ?
Pourtant, il suffit d'invoquer Jésus pour que le fleuve d'eau vive de l'Esprit
coule en nous ! Le week-end de Duquesne en fut un exemple spectaculaire.
Dans la chambre
haute
Voyant que la fête
ne commençait pas, j'ai décidé de circuler dans toute la maison pour appeler
les étudiants à se rassembler au rez-de-chaussée. Si j'étais nouvelle au Khi rô, je possédais en revanche une
certaine expérience de l'animation de groupes et de l'organisation d'activités
: il suffirait que les gens soient rassemblés pour que la fête commence... Ce
fut à ce moment que je fis un tour dans la chapelle: non pour prier... mais
pour demander aux personnes présentes de venir à la fête. Quand j'y pénétrai, je vis quelques
retraitants assis sur le sol, en adoration.
Je m'agenouillai devant l'autel.
Alors se produisit une chose à laquelle je ne m'étais pas attendue.
Par une grâce de
foi, j'avais toujours cru que Jésus était réellement présent dans le Saint
Sacrement. Je n'avais cependant jamais
éprouvé Sa gloire. Ce soir-là, étant
agenouillée devant Lui, mon corps se mit à trembler devant Sa majesté, mon
coeur fut rempli de crainte en Sa présence.
Il était là présent, le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs, le Dieu
de l'univers ! Sous l'effet de la crainte, je me suis dit :
« Va-t-en d'ici
tout de suite, si tu restes devant Dieu il va t'arriver quelque chose ! »
Et cependant, mon désir de demeurer en Sa présence était plus fort que ma
crainte.
Bill Deigan, le
président du Khi rô, entra dans la chapelle et s'agenouilla à mes côtés. Je lui ai raconté ce qui m'arrivait. «
Je
viens de parler à d'autres, me répondit-il. Il
se passe quelque chose d'imprévu. Reste ici à prier autant que tu le voudras. »
Devant le Seigneur
Jésus-Christ présent dans le Saint Sacrement, pour la première fois de ma vie,
j'ai prononcé ce que j'appellerai une
« prière de soumission totale ». Dans
le silence de mon coeur, j'ai songé :
« Père, je te donne ma vie ; quelle
que soit ta volonté sur moi, je l'accepte, même si je dois en souffrir
Apprends-moi simplement à suivre ton fils Jésus, et à aimer comme il a
aimé. »
L’instant d'après, alors qu'une minute plus
tôt, j'étais agenouillée, je me suis retrouvée prosternée, la face contre
terre, devant le tabernacle. Personne
ne m'avait touchée. Je n'avais jamais
rien connu de tel. Je ne sais comment
mais, prise dans toute cette histoire, j'avais perdu mes chaussures. Comme Moïse devant le buisson ardent, je me
trouvais sur une terre sainte. Allongée
sur le sol, j'étais inondée de la tête aux pieds du sentiment profond de
l'amour personnel de Dieu pour moi, de Son amour miséricordieux. J'étais spécialement frappée par la folie du
don ainsi offert : il est si peu mérité, répandu avec une telle profusion !
Vous, comme moi, nous n'arriverons jamais à nous en rendre dignes. Dans sa grande miséricorde, Dieu nous l'accorde
avec abondance et générosité. Notre
Dieu est un Dieu d'amour. Il nous a
créés par amour et nous a destinés à l'amour.
Nous sommes Ses enfants, nous Lui appartenons. Sa tendresse nous est acquise quoi que nous ayons fait, qui que
nous soyons.
En y réfléchissant,
les magnifiques mots de saint Augustin reproduisent tout à fait mes sentiments
d'alors :
«Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre coeur est sans repos
tant qu'il ne demeure en Toi. » Une supplication ardente montait du fond de
mon âme :
« Reste ! Reste ! Reste ! » J'aurais voulu en quelque
sorte mourir sur-le-champ pour me retrouver au Ciel avec le Seigneur.
Mais, je le savais :
si moi, dans ma pauvreté, je pouvais ainsi sentir son amour miséricordieux, sa
tendresse, sa compassion, il en allait de même pour chacun, oui, pour chacun de
nous. J'avais pour seul désir de
continuer à jouir de la présence du Seigneur.
Cependant, il me fallait partager mon expérience. Comme les apôtres après la Pentecôte, je
voulais
« publier ses merveilles », témoigner du Dieu vivant.
Je me suis levée
pour déclarer à l'assemblée :
« Je prie pour que cela vous arrive. » Cette
unique et brève rencontre avec l'Esprit du Seigneur m'avait plus appris qu'une
vie entière d'études n'aurait pu le faire.
La beauté, la bonté du Dieu vivant m'avaient ravie, son amour
miséricordieux m'avait comblée.
A qui le
dirais-je ?
Je suis tout de
suite allée me confier à l'aumônier. Il
me révéla que David Mangan s'était trouvé dans la chapelle une heure avant moi
et avait fait une expérience du même ordre.
Lui aussi, la venue du Saint Esprit l'avait submergé au point de le
faire tomber à terre. Je préfère dire
pour ma part que
«j'ai été fauchée par l'amour de Dieu ». Personne
n'avait touché David, pas plus que moi.
Cela était arrivé sans que nous sachions comment. Pareille expérience ne s'est jamais
renouvelée dans ma vie.
« Père, ai-je demandé à l'aumônier,
avec qui partager ce
qui m'est arrivé ? » Sa réponse est restée gravée dans mon coeur malgré les
vingt-cinq années écoulées :
« Le Seigneur te le montrera ». Je
lui ai demandé ensuite comment Dieu pouvait, pour son oeuvre, se servir d'une
personne aussi pauvre que moi. Jésus
est entré à Jérusalem monté sur un âne, m'a rappelé mon interlocuteur; il peut
employer qui il veut, ce qu'il veut.
Immédiatement après,
deux élèves du collège de filles de La Roche, nouvelles venues à la retraite,
se sont approchées de moi pour m'interroger :
« Que t'est-il arrivé ? Ton
visage a changé ! » La Bible nous dit que le visage de Moïse rayonnait
après s'être trouvé en présence de Yahvé.
Et saint Paul écrit:
« Et nous tous qui, le visage découvert,
réfléchissons comme en un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes
transformés en cette même image, allant de gloire en gloire par le
Seigneur qui est Esprit. » (2 Co 3,18).
Je ne m'étais pas aperçue de ma transformation, mais mes amies avaient
vu sur mon visage le reflet de l'action de Dieu en moi.
Comme une
nouvelle Pentecôte
L’aumônier m'ayant
assuré que le Seigneur me conduirait pour témoigner, je me suis lancée :
«
Je viens d'expérimenter ce dont nous parlons dans notre retraite » ai-je
expliqué à mes voisines. Pour une fille
qui craignait de parler de Jésus, je m'enhardissais bien vite !
« Venez avec
moi à la chapelle » , ai-je ajouté en les prenant par la main.
Nous nous sommes
toutes trois agenouillées devant le Sauveur présent dans le Saint Sacrement et
je me suis mise à prier à voix haute.
J'ignorais les mots qu'il fallait employer. Ma prière venait du coeur :
« Seigneur, quoi que tu aies fait
pour moi, fais-le aussi pour elles. » Sans le savoir, c'était l'effusion
de l'Esprit que je demandais. Ce fut là
sans doute la plus brève préparation à l'effusion dans l'Esprit
Une action
souveraine de l’Esprit
Je ne me souviens
pas que quiconque ait jamais annulé la célébration de l'anniversaire. Cependant, en une heure, la plupart des
étudiants se sont retrouvés à la chapelle.
L’Esprit les avait conduits à la véritable fête, celle de la "chambre
haute" : de même que l'Eglise est née à la Pentecôte dans une chambre
haute, de même le Renouveau charismatique est né dans une chambre haute. Ainsi l'a voulu Dieu Lui-même.
Nous étions à
genoux. Certains éprouvaient une telle
conscience de l'amour de Dieu à leur égard qu'ils ne pouvaient s'empêcher de
pleurer ont-ils témoigné par la suite.
D'autres riaient de joie.
D'autres, comme moi, ressentaient une terrible brûlure dans les mains ou
les bras. Certains entendaient des
petits bruits secs dans leur gorge, d'autres avaient des picotements sur la
langue. Nous ne connaissions rien de
précis sur les charismes. Nul doute que
nous nous serions mis à parler en langues sur-le-champ si nous avions su nous
abandonner.
Un professeur est entré dans la chapelle.
« Que va dire l'évêque, s'est-il exclamé,
quand il apprendra qu'une
bande de gamins a reçu l'effusion de l'Esprit ? » A l'époque,
l'évêque de Pittsburgh était Monseigneur John Wright, futur cardinal. En l'entendant, je me suis demandé la
signification de cette expression "effusion de l'Esprit". Nous ne comprenions toujours pas vraiment
l'événement et n'aurions jamais imaginé qu'il s'étendrait à l'Eglise toute
entière.
Tandis que l'Esprit
se manifestait, l'ennemi était aussi à l'oeuvre. Ainsi que je l'appris plus tard, une jeune femme se sentit
envahie d'une telle haine pendant notre adoration qu'elle fut obligée de
quitter la maison. Elle erra seule sur
une route jusqu'à ce que quelqu'un allât la chercher. Le lendemain, elle n'avait toujours pas trouvé la paix. Nous allions partir, la retraite terminée,
quand je la découvris recroquevillée sur le sol. L'assistant en théologie vint me trouver :
«Allez, Patti, il
faut expulser l'esprit du mal. » J'en suis restée stupéfaite. Je n'étais même pas sûre de croire aux
esprits du mal, quant à les chasser... ! Pourtant mon interlocuteur semblait
être au courant ; je lui ai donc fait confiance. Une fois près de l'étudiante, il m'a exhortée :
« Commande au
nom de Jésus que cet esprit du mal s'en aille. » J'ai obéi. Aussitôt, ma voisine s'est détendue. Soulagée, mais étourdie, elle nous a alors
confié son histoire : la veille au soir, alors que toutes les personnes
présentes dans la chapelle étaient dans la joie, elle avait senti monter en
elle une haine terrible pour ce qui se passait.«
Je détestais toute
l'assistance, mais surtout Patti », a-t-elle expliqué. Pourtant, nous nous connaissions à
peine. J'ai remercié le Seigneur de
m'avoir permis de participer à la prière qui avait rendu la paix à ma camarade.
Magnificat
Aux premières heures de la matinée, on nous
renvoya de la chapelle. Nous y serions
sans doute restés toute la nuit. Une fois dans ma chambre, ne parvenant pas à
trouver le sommeil, j'ai ouvert au hasard mon livre
Morning Praise and
Evensong. Mes yeux se sont arrêtés
sur le
Magnificat, le cantique de louange de Marie. Depuis ce jour, il est resté le mien, jamais
je n'ai donné mon témoignage sans avoir recours à un passage de cet hymne
magnifique …
Je débordais
d'émerveillement et de crainte face à l'oeuvre de Dieu sur moi et sur mes amis,
les
« affamés qu'Il avait comblés de biens ». Je soulignais au
stylo les paroles
«Son amour s'étend d'âge en âge sur ceux qui le craignent
» . A travers la toute récente et spectaculaire effusion de l'Esprit, son
amour s'était étendu sur notre génération.
Après le week end
Il n'y avait pas
deux jours que j'étais rentrée qu'un ami me demanda ce qui m'était arrivé. Il me raccompagnait chez moi, à pied, après
un cours de français quand il s'est exclamé :
« Patti, si je ne te
connaissais pas aussi bien je dirais que tu as bu ! » Bien entendu,
je ne manquai pas de lui rétorquer que c'était la même accusation qu'on portait
envers les apôtres après la Pentecôte :
« Ils sont pleins de vin doux ! »
(Ac 2,13)
Oui, j'avais bu,
mais non du vin !
« Goûtez et voyez comme Yahvé est bon » (Ps 34,
9) écrit le psalmiste. Quand l'Esprit
était descendu sur moi, j'ai goûté à l'amour enivrant du Père Eternel. Je connaissais, oui, je connaissais par mon
expérience personnelle la bonté du Dieu
vivant.
Je
vis la
crainte paraître sur le visage de mon ami. «
Tu vas pas te faire
religieuse, non ? » m'a-t-il demandé.
Je ne le pensais pas, lui ai-je confié, puis j'ai ouvert ma Bible, geste
étonnant pour mon camarade, et lui ai lu la prophétie
Joël citée dans
les Actes :
« Il se fera dans
les derniers jours, dit le Seigneur, que je répandrai de mon Esprit sur toute chair. Alors vos fils et vos filles
prophétiseront, vos jeunes gens auront des visions et vos vieillards des
songes. Et moi, sur mes serviteurs et
sur mes servantes je répandrai de mon Esprit. Et je ferai paraître des prodiges là-haut dans le ciel et
des signes ici-bas sur la terre. » (Ac 2, 17-19)
Mon camarade ne fut
pas le seul à éprouver de la crainte devant mes témoignages enthousiastes des
premiers jours. J’ai manqué de prudence et de délicatesse en parlant de ces
événements récents. Quand Fran, ma
compagne de chambre depuis trois ans, m'a demandé des nouvelles de la retraite,
je l’ai regardée en face :
«Tu veux vraiment savoir ce qui s'est passé?"
Après un signe de tête affirmatif de sa part, j'ai fermé la porte à clef puis,
saisissant sa main avec des yeux étincelants, je lui ai tout raconté. Résultat : elle a décidé de ne plus habiter
avec moi l'année suivante. J'ai même
découvert par la suite qu'elle avait téléphoné à mes parents pour s’inquiéter
de mon état mental !
Catholique et
charismatique
A mon retour, une de
mes premières préoccupations fut de me plonger dans les documents de Vatican II
pour y relever toutes les références au Saint Esprit et aux charismes. «
Si
intense qu'ait été mon expérience du Saint Esprit, me suis-je
promis,
si elle est contestée par l'Église, je préfère abandonner cette voie
plutôt que de renoncer à ma religion. » A ma grande joie, je n'ai trouvé
que des encouragements dans les documents conciliaires. Je me suis réjouie en lisant l'article 12 de
la constitution
Lumen gentium :
« Le Peuple saint
de Dieu participe aussi à la fonction prophétique du Christ, quand, surtout par
sa vie de foi et de charité, il
lui rend un témoignage vivant, et quand il offre à Dieu une hostie de
louange, le fruit de lèvres qui confessent son nom » (cf. He 13, 15)...
Oui ! Un sacrifice
de louange !... C'étaient bien de tels mots de louange que le Saint-Esprit
avait placés sur mes lèvres ! Loué soit Dieu !
« En outre, le
même Esprit-Saint, non seulement sanctifie et conduit le peuple de Dieu et l'orne de vertus par les sacrements et
les ministères, mais "partageant ses dons à chacun comme il le
veut" (1 Co 12, 11), il distribue parmi les fidèles de tout ordre
des grâces spéciales, par lesquelles il les rend aptes et prompts à se
charger de diverses oeuvres ou offices, profitables à la rénovation de
l'Église et au développement de sa construction, selon le mot de saint
Paul : "A chacun est donnée la manifestation de l'Esprit en vue du
bien commun " (1 Co 12, 7). Ces
charismes, qu'ils soient plus éclatants ou plus simples et plus largement
répandus, sont très appropriés et très utiles aux nécessités de l'Église
: il faut donc les recevoir avec action de grâces et consolation...
»
Oui ! Il faut
recevoir les charismes avec action de grâces et consolation ! C'est bien cela !
« Quant aux dons
extraordinaires, il ne faut pas les demander témérairement, ni avoir la présomption d'en espérer les fruits
de l'action apostolique , mais le jugement sur leur authenticité revient
à ceux qui président dans l'Eglise, et à qui il appartient spécialement,
non pas d'éteindre l'Esprit, mais de tout éprouver et de retenir ce qui
est bon. » (cf. 1 Th 5, 12 et 19-21)
Oui ! Il appartient
à l'Eglise de juger de l'authenticité des dons, mais elle ne doit pas éteindre
l'Esprit ! Alléluia !
Par ces textes
conciliaires, l'Eglise m'assurait de l'authenticité de mon expérience de
l'Esprit. Peu importe que certains m'observent avec suspicion ! Je connus un
immense soulagement en apprenant que je pouvais me trouver à la fois dans le
catholicisme et dans le renouveau charismatique, qu'il m'était inutile de
choisir.
A Dieu seul soit la gloire
Lors de la première
réunion de charismatiques catholiques, en septembre 1967 à Notre-Dame, nous
étions une cinquantaine dans la toute petite salle d'un bâtiment
préfabriqué. En 1973, lors d'un congrès
à la même université, nous étions trente-cinq mille dans un stade de football !
Aujourd'hui, nous sommes plusieurs millions à travers le monde. Dieu seul connaît le nombre exact de ceux à
qui Il a accordé cette grâce inestimable de l'effusion de l'Esprit. J'ai la certitude absolue qu'il n'est pas
possible d'attribuer ce résultat à une stratégie ou à une volonté
humaines. Aucun des premiers membres du
Renouveau charismatique, aucun de ceux qui en ont pris ensuite la direction, ne
peut s'en enorgueillir. C'est
entièrement l'oeuvre de Dieu ! A Lui seul louange et action de grâces pour la
nouvelle effusion de l'Esprit en ce temps, comme pour une nouvelle Pentecôte.
Mets dans le Seigneur ta réjouissance
Une des plus grandes
grâces de ma vie a été mon mariage avec Al Mansfield. Pendant des années, j'avais demandé au Seigneur de me donner un
"saint rempli de l'Esprit" et il a répondu à ma prière. Mon mari et moi avons compris que notre
rencontre était un appel explicite à vivre unis pour la gloire de Dieu.
«
Mets ta joie dans le Seigneur, il t'accordera plus que les désirs de ton
coeur » avais-je dans le coeur depuis très longtemps. Dieu a accompli sa promesse en me donnant AI
et nos quatre merveilleux enfants.
Ensemble, nous sommes maintenant engagés au service de notre bien-aimée
Eglise catholique, mais pour faire connaître la grâce de l'effusion de l'Esprit
et du Renouveau charismatique. Depuis
1971, nous avons en effet la chance de pouvoir nous consacrer à temps plein à
cette tâche.
Dans son amour, Dieu
a béni tous les membres de ma famille et bon nombre de mes meilleurs amis en
leur accordant l'effusion de l'Esprit.
Il m'a vraiment rendu une famille au centuple, puisqu'il y a ajouté des
frères et soeurs dans le Christ aux quatre coins du monde.
Oui, « le Tout-Puissant a fait pour moi de grandes
choses. Saint est son nom. » (Lc 1, 49)