Parole de Dieu


LA TENDRESSE DE DIEU DANS LA BIBLE

Lydie H.K. Rivière, Xavière

Sr Lydie, Xavière, a travaillé en Côte d’Ivoire pendant 25 ans ; elle s’est occupé notamment de la traduction en français fondamental de la Bible " Parole de Vie ", au sein de l’Alliance Biblique Universelle. Nous lui avons demandé de nous faire entrer dans la profondeur de la révélation de l’amour de Dieu à travers la Bible.
Un jour, paraît-il, on a demandé à Bernadette Soubirous : " Qu’est-ce que Dieu ? " ; elle a répondu spontanément : " Dieu est amour ", au lieu de réciter la formule du catéchisme : " Dieu est un pur esprit etc. " Beaucoup de chrétiens savent cela. Ce qu’ils savent moins, c’est que cette vérité profonde nous vient tout droit du Premier Testament, autrement dit de nos ancêtres dans la foi, le peuple d’Israël . Jésus, fils de ce peuple, témoignera par sa vie et sa mort, de la réalité de cette bouleversante expérience.

Témoignage du premier testament

Dans la Bible hébraïque, celle de Jésus, de Marie sa mère et des premiers disciples, Dieu se révèle à la fois comme un Dieu d’amour et de justice. Cette justice ne fait qu’un avec son amour ; elle déborde infiniment la justice humaine qui n’en est parfois qu’une caricature. Dans les Ecritures juives, le mot " amour " comprend plusieurs aspects qui expriment les relations entre Dieu et les êtres humains, et chacun de ces aspects est désigné par un mot hébreu différent :

Nous allons développer ce troisième sens pour qualifier l’amour de Dieu envers l’humanité et que l’hébreu traduit par raham. En français, le mot tendresse en est assez proche. En effet, ce terme qualifie l’affection qu’une mère éprouve pour son enfant, et en hébreu, cette douceur s’exprime par le terme rahamîm ou " entrailles ". De nos jours, ce terme physiologique n’évoque guère cette fine émotion qui bouleverse l’être aimant en profondeur.
Nous allons analyser tout d’abord les différents contextes dans lesquels ce mot est employé dans l’Ancien Testament. Puis nous examinerons ce que nous dévoile le Nouveau Testament.

La tendresse exigeante de Dieu
Quand le mot tendresse (raham) apparaît pour la première fois dans le Deutéronome (13, 18), le contexte est d’une violence extrême. Dieu demande aux Israélites de n’adorer que lui seul. Si, dans une ville, des gens sans morale les obligent à adorer d’autres dieux que le Dieu d’Israël, il faut brûler la ville et tous ses habitants, et ne jamais la reconstruire. Dieu montrera sa tendresse à ceux qui commettront cet acte de fidélité. Qu’est-ce que cela signifie dans le langage oriental de la Bible ? Faut-il prendre ce commandement au premier degré ? Ce texte fut vraisemblablement rédigé après l’Exil ; les déportés revenus de Babylone ont toutes les peines du monde à retrouver leur identité juive parmi une population qui a pactisé avec les étrangers restés en Israël. Les juifs du pays se sont unis à des femmes étrangères susceptibles de leur faire adorer des divinités autres que le Dieu unique. On voit bien la situation telle que décrite dans les livres d’Esdras et de Néhémie. Donc, l’écrivain sacré a voulu frapper les esprits. Dieu seul est Dieu, et les fils d’Israël ne doivent pactiser d’aucune manière avec les autres dieux. Brûler la ville et ses habitants, les vouer à l’anathème, est une méthode radicale, familière du livre de Josué, sans doute rédigé à la même époque, donc des siècles après le passage en Canaan. Nous devons lire ces textes avec l’intention théologique qui les a inspirés : la politique de la terre brûlée est incompatible avec la tendresse de Dieu. Il faut alors les interpréter autrement. C’est parce que Dieu seul est Dieu, qu’il est un Dieu de tendresse et de pitié, riche en grâce et fidélité, comme il l’a dit à Moïse, que nous devons nous séparer absolument de tout qui voile cette tendresse.

De nos jours, pactiser avec les fausses valeurs que sont l’argent, le sexe, la violence aveugle, le racisme, la guerre, l’injustice sociale, le fanatisme religieux, le libéralisme économique poussé à outrance etc., n’est-ce pas une attitude idolâtrique incompatible avec l’adoration d’un Dieu qui nous aime tous, avec le service des autres que nous devons considérer comme ses enfants, et donc comme des frères et sœurs ? Tout ce qui asservit autrui, individus ou continents entiers, est une idole qui ne peut coexister avec le Dieu révélé dans les Ecritures d’Israël.

Dans le dernier discours de Moïse rapporté par le Deutéronome (29,1-8), celui-ci rappelle aux Israélites tous les bienfaits accordés par Dieu depuis les fléaux envoyés aux Egyptiens, la sortie d’Egypte, la traversée du désert, le don de la manne et de l’eau, jusqu’à l’entrée dans la terre de Moab. C’est donc le moment de " passer dans l’alliance du Seigneur ", de devenir son peuple et de le reconnaître comme son Dieu, comme il l’a promis depuis toujours à Abraham, Isaac et Jacob.
Ce rappel et cet engagement vont de pair avec les exigences de sainteté et d’adoration du Dieu unique. Si par malheur, Israël devient infidèle, il encourra la colère, la jalousie et les malédictions du Seigneur. Le peuple bien-aimé verra son nom effacé de la terre, et Dieu ne lui pardonnera pas son idolâtrie. Maladies, blessures, soufre, sel et feu, malédiction, exil seront son lot.

Ces textes sont des relectures d’une expérience cuisante. Est-ce à dire que la tendresse de Dieu va de pair avec la jalousie et la colère ? Que Dieu se plaît à maudire ses créatures et à les détruire ? Certes non. Mais le langage oriental aime l’hyperbole.
Si l’écrivain biblique emprunte aux sentiments humains pour traduire l’attitude de Dieu face à l’infidélité de ses préférés, c’est pour nous signifier de quelle nature est la tendresse de Dieu pour son peuple. Les sanctions évoquées ont pour but de faire réfléchir Israël, et donc nous-mêmes, sur son comportement. Le respect confiant envers Dieu est le commencement de la sagesse (Siracide 1, 14). La tendresse de Dieu pour nous est exigeante. Elle n’est pas à confondre avec la faiblesse, et l’amour que les humains doivent lui porter en retour ne se confond pas avec le laxisme ou la médiocrité.
Si le peuple choisi fait ainsi retour à son Dieu, comme le fils cadet de l’Evangile (Luc 15, 21) ou la femme qui s’invite chez Simon le Pharisien (Luc 7, 38), ou Zachée, le percepteur d’impôts, (Luc 19), alors le Seigneur changera sa situation et montrera de nouveau sa tendresse à Israël. Ce sentiment n’est donc pas mièvrerie ou émotion douceâtre. Le Dieu qui se laisse émouvoir par la repentance de ses enfants, c’est le Créateur de l’univers, le Dieu juste qui sait rendre à chacun selon ses œuvres, le Dieu de vie (Deutéronome 30, 6).
Irénée de Lyon écrivait au début de l’Eglise : " La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant " et " la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu. " Voir Dieu, c’est découvrir son vrai visage, faire ce qui lui plaît. Et ce qui plaît à Dieu, c’est l’aimer et le servir. Or, nous le savons, cet amour et ce service se traduisent concrètement non seulement par la prière et le culte mais aussi par l’amour et le service des autres, quelle que soit leur race, leur religion ou leur culture.

La tendresse de Dieu dans l’Alliance
Nous trouvons confirmation de la tendresse de Dieu liée à l’Alliance dans le 2e livre des Rois (13, 23-25). Celle-ci se manifeste par une victoire politique de Joas, roi d’Israël (royaume du Nord), sur le roi d’Aram, Ben-Haddad. Le fait que le roi Joas recouvre les villes perdues est dû, dit le texte, à " l’alliance que Dieu a établie avec Abraham, Isaac et Jacob ". Malgré les défaites antérieures, Dieu " ne les avait pas rejetés de sa présence." " Il leur montra sa tendresse et se tourna vers eux ." Là encore, cette tendresse se manifeste sur fond de guerre et de violence.
Dans le 2e livre d’Isaïe, traditionnellement appelé " le livre de la consolation d’Israël ", écrit sans doute pendant l’Exil à Babylone, l’auteur rend courage à ses compatriotes en leur prédisant le retour à Jérusalem. Par trois fois, le mot " tendresse " est utilisé. Le contexte ici n’est ni la fureur ni la jalousie du Seigneur devant l’infidélité des Israélites, mais nous sommes en présence du Dieu saint et libérateur d’Israël. Il s’adresse à son peuple que les gens méprisent, détestent, écrasent sous une dictature impitoyable. A cause de l’alliance jadis scellée, Dieu dit aux prisonniers : " Sortez, venez à la lumière ! "
Tous ceux qui ont faim et soif, qui ont souffert du vent brûlant et du soleil, à ceux-là le Seigneur dit : " Avec tendresse, je les conduirai vers des sources fraîches " (Isaïe 49, 10). A ceux qui ont tant souffert, aux humiliés, il montre sa tendresse " (49, 13). Sous l’oppression, les exilés ont cru que Dieu les abandonnait, qu’il les avait oubliés. Mais le Seigneur affirme : " Est-ce qu’une maman oublie le bébé qu’elle allaite ? Est-ce qu’elle cesse de montrer sa tendresse à l’enfant qu’elle a porté ? " (49, 15). " Même si elle l’oubliait, moi je ne t’oublierai jamais. Vois, j’ai écrit ton nom sur la paume de mes mains " (49, 16).
Ce Dieu libérateur, fidèle à l’alliance, poursuit son peuple sans relâche. Il va le rassembler des quatre coins de l’horizon (49, 12). En effet, tel un époux fidèle, le Seigneur tout-puissant, le Dieu de toute la terre, qui avait caché son visage un moment, à cause de sa douleur devant l’infidélité de son peuple choisi, va de nouveau manifester sa tendresse et son amour sans faille, comme si la souffrance de son peuple lui était encore plus intolérable que ses trahisons.
" Oui, ton Dieu dit : Est-ce que quelqu’un peut vraiment rejeter la femme qu’il a choisie quand il était jeune ? Je t’ai abandonnée très peu de temps. Mais avec une grande tendresse, je veux te reprendre. J’étais très en colère contre toi, et j’ai refusé de te voir pendant un court moment. Mais avec un amour sans fin, je te montre ma tendresse. C’est moi le Seigneur qui te dis cela, moi qui te libère." (Isaïe 54, 6-8). Ou encore :
" Les montagnes peuvent bouger,
les collines peuvent changer de place,
mais l’amour que j’ai pour toi ne changera pas.
L’alliance que j’ai établie avec toi pour te rendre heureuse
ne bougera pas. C’est moi, le Seigneur, qui te dis cela dans ma tendresse " (Isaïe 54, 10).

Tendresse d’un Dieu qui pardonne
Cette tendresse de Dieu va de pair avec le regret des fautes de la part du peuple élu et le pardon que Dieu lui accorde (Isaïe 57, 7). Déjà avant la chute de Samarie et la disparition du royaume du Nord au VIIIe siècle avant le Christ, Dieu avait dit à Israël :
"Tu seras ma fiancée, et ce sera pour toujours.
Tu seras ma fiancée, et la dot que je donnerai,
ce sera la fidélité et la justice, l’amour et la tendresse.
Oui, la dot que je donnerai sera la confiance.
Alors tu sauras que je suis le Seigneur " (Osée 2, 21-22).

C’est pourquoi au moment de l’épreuve, le croyant s’écrie : " Seigneur, souviens-toi de ta tendresse et de ton amour,
car ils existent depuis toujours " (Psaume 25, 6).
" Oui, le Seigneur arrache ma vie à la tombe,
il me couvre d’amour et de tendresse " (Psaume 103, 4). Ou encore :
"Comme un père est tendre pour ses enfants,
le Seigneur est tendre pour ceux qui le craignent " (Psaume 103, 13).

Nous voyons à travers ces quelques citations que le Dieu révélé dans le Premier Testament n’est pas un Dieu vengeur, comme certains persistent encore à le croire. Ce cliché a la vie dure. Jean-Paul II le répète souvent : beaucoup de chrétiens, quarante ans après le Concile, ne se donnent toujours pas la peine d’écouter ce que le Seigneur nous dit de lui-même dans les Ecritures qui ont nourri le Christ et ses premiers disciples. C’est à ce Dieu-là dont la tendresse est celle d’une mère, que Jésus après le prophète Isaïe (63, 15-16), donne le nom de Père.

La tendresse de Dieu dans le nouveau testament
Dans le Nouveau Testament, le mot amour, en grec agapè, recouvre presque toutes les nuances de sens exprimés dans le Premier Testament par les quatre mots hébreux mentionnés plus haut. Le mot " tendresse " n’apparaît quasiment pas. Toutefois, à travers les Evangiles, nous percevons la tendresse du Père pour son Fils bien –aimé, celle du Fils pour le Père, celle du Père et du Fils pour les frères et sœurs du Christ que nous sommes tous, juifs et non-juifs.

Celui-ci est mon Fils bien-aimé
Dans les Evangiles synoptiques, que ce soit au baptême, à la transfiguration ou après la guérison de l’homme à la main sèche, tel un leitmotiv, le Fils est pour le Père " le Bien-Aimé qui a toute sa faveur", " celui que le Père a choisi avec joie " (Marc 1, 11) et que nous devons écouter. Jean de son côté nous dévoile cette tendresse du Père pour Jésus, le Fils unique. " Le Père aime le Fils et lui montre tout ce qu’il fait " (5, 20). C’est à lui qu’il a remis le pouvoir pour juger en même temps que la vie. " Comme le Père possède la vie en lui-même, ainsi a-t-il donné au Fils de posséder la vie en lui-même " (5, 2). Cette intimité entre le Père et le Fils, Jésus l’exprime d’un mot : " Je ne suis pas seul parce que le Père est avec moi " (16, 32) ou encore : " Celui qui m’a envoyé est avec moi. Il ne m’a pas laissé seul parce que je fais toujours ce qui lui plaît " (8, 29). Mais pourquoi le Père aime-t-il le Fils ? Jésus nous le dit : "Le Père m’aime parce que je donne ma vie " (Jean 10, 17) ; il obéit à Celui qui l’a envoyé pour nous faire à nouveau entrer dans l’alliance scellée autrefois avec le peuple d’Israël. " Comme le Père réveille les morts et leur donne la vie, le Fils lui aussi donne la vie à qui il veut " (5, 21).
Cette alliance sera communion renouvelée à la tendresse du Père, grâce à la Pâque du Fils, dans l’amour de l’Esprit Saint communiqué à la Pentecôte. Désormais, comme le dit la lettre aux Hébreux, nous pourrons nous approcher du Père avec confiance (4, 16).

La tendresse du Fils pour le Père
En réponse à l’amour du Père pour le Fils, nous découvrons donc la tendresse du Fils pour le Père. Nous voyons Jésus s’adresser à lui avec une confiance toute filiale : " Je te bénis, Père du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits. Oui, Père, tel a été ton bon plaisir " (Luc 10, 21). " Père, je te rends grâces de m’avoir écouté. Je savais que tu m’écoutes toujours " (Jean 11, 42). Pourtant cette confiance ne va pas de soi, surtout à l’heure des ténèbres : " Père, si tu veux, éloigne de moi cette coupe (de souffrance) ! Cependant que ce ne soit pas ma volonté mais la tienne qui se fasse ! " (Luc 22, 42).
Et juste avant de mourir, dans l’angoisse des souffrances qu’il pressent, Jésus s’écrie : " Père, sauve-moi de cette heure ! Mais c’est pour cela que je suis venu à cette heure. Père, glorifie ton Nom ! " " Jésus est sûr d’aimer le Père et de lui rester fidèle jusqu’au bout : " Père juste, le monde ne t’a pas connu, mais moi, je t’ai connu " (Jean 17, 25). Et malgré le sentiment d’abandon, dans son extrême déréliction, Jésus pourra exprimer sa confiance jusqu’au bout : " Père, entre tes mains, je remets mon esprit " (Luc 23, 46).

Leur mutuelle tendresse pour les disciples du Fils
L’apôtre Paul écrit aux chrétiens de Corinthe (2 Co 4, 6) : le Christ est l’image de Dieu et le visage du Père, sa gloire, resplendit sur le visage du Fils. La lettre aux Hébreux nous dit la même chose (Hb 1, 3) : " Le Fils est vraiment ce que Dieu est ". Nous pouvons donc découvrir la tendresse du Père pour toutes ses créatures à travers les gestes, les attitudes et les paroles du Fils. Dans les Evangiles, la tendresse de Dieu se manifeste de mille manières.

Jésus nous dit clairement que l’amour qu’il puise dans le cœur du Père est cet amour-là qu’il nous porte. Le bon berger qui laisse ses 99 moutons pour aller chercher celui qui s’est perdu dans la brousse, c’est le Christ. Le père qui attend le fils cadet révolté, c’est l’image à la fois du Père et du Christ qui se réjouissent l’un et l’autre du retour de la tête dure. Le bon samaritain qui prend soin du blessé, victime des gangsters, c’est le Christ et c’est le Père.

Ceux qui se réjouissent au ciel de la repentance des fils perdus, c’est le Christ et c’est le Père. On ne peut les séparer dans leur mutuelle tendresse pour les rebelles que nous sommes depuis le commencement du monde.
Dans les Evangiles, nous voyons cette tendresse se répandre à profusion sur les foules que Jésus côtoie : sur les aveugles auxquels il rend la vue, sur les lépreux dont il restaure la chair et qu’il réinsère dans la communauté, sur les sourds et les muets, sur la femme adultère exclue elle aussi du monde des vivants, sur le fils de la veuve de Naïm et sur son ami Lazare qu’il réveille de la mort, sur Zachée le voleur, sur Pierre le renégat, sur Marie de Magdala, sur le jeune homme riche qui ne le suivra pas, sur les enfants turbulents qu’il donne en modèle aux adultes si sérieux et amateurs de leur tranquillité. Pour le Christ et pour le Père, chaque être est précieux aux yeux du Créateur, même les fleurs des champs et les petits oiseaux, a fortiori les personnes humaines dont chaque cheveu est compté.

Témoins à notre tour de la tendresse de Dieu
La tendresse de Dieu envers nous n’est pas seulement pour nous, mais elle doit être communiquée à profusion sur le blessé du chemin dont parle la parabole du samaritain, à savoir l’humanité d’aujourd’hui. " Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés " (Jean 15, 9. Ne nous étonnons donc pas du commandement que nous laisse Jésus : " Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés " (Jean 13, 34). Cette tendresse est exigeante. Le disciple doit préférer Jésus à son père, sa mère, ses frères et sœurs, ses enfants, et même à sa propre vie. Il doit tout quitter pour le suivre, mettre la main à la charrue sans regarder en arrière, laisser les morts enterrer les morts…Imiter la veuve pauvre, en croyant que Dieu est notre seule richesse et qu’il nous donnera en échange son Esprit Saint (Luc 11, 13). Se faire serviteur comme le Fils de Dieu qui a voulu servir et non se faire servir. Se donner du mal pour faire valoir les talents reçus au service du Royaume, sachant que Dieu lui demandera des comptes au jour du jugement. Veiller sans relâche et demeurer en attente du Seigneur jusqu’à la fin de sa vie. Prier sans se lasser, car le Père écoute toujours ses enfants, même dans le silence de la nuit.

Mais nous le croyons, ce qui a soutenu le courage du Fils bien-aimé, c’est la tendresse du Père. Et cette tendresse l’a conduit à livrer sa vie pour nous, comme le répète l’apôtre Paul à temps et à contre temps. Donc, que nous reste-t-il à faire ? A laisser cette vie circuler librement dans nos reins, dans nos veines et dans nos os. Essayer de lever les barrières et puiser dans l’amour fou de Dieu le courage de demeurer fidèle jusqu’à la mort, ouvrir notre cœur à cette source inépuisable parce que jaillissant du trône de Dieu et de l’Agneau jusqu’à la fin des temps (Apocalypse 22, 1-2).

Reposer sur le cœur de Dieu
Pendant le dernier repas, le disciple bien-aimé s’est penché sur le cœur du Christ pour lui demander quel était le traître. A notre tour, nous pouvons nous pencher vers le cœur du Seigneur, à l’exemple du Fils unique, pour voir Dieu et le dévoiler aux autres (Jean 1, 18). Ainsi serons-nous protégés par lui de tout reniement. Et s’il nous arrive d’être infidèles, nous savons que lui reste fidèle, d’une tendresse éternelle (Jérémie 31, 3), car " il ne peut se renier lui-même " (2 Timothée 2, 13). Et pour conclure, redisons avec un jeune, mort du diabète à dix-neuf ans, cette prière au Père qui peut vivifier la nôtre :

" Père dont le nom est Tendresse,
Père dont le nom est Jeunesse,
Père dont le nom est Amour,
Père dont le nom est Père
et presque dont le nom est Mère,
Père dont le nom est Secours,
Père dont le nom est Indulgence,
Père dont le nom est Patience,
Père dont le nom est Pardon,
Père dont le nom est Caresse,
de nouveau Père dont le nom est Tendresse,
Père qui t’appelles l’Infiniment Bon,
O Père, à ceux qui,
sous prétexte que tu es quelqu’un de tout autre,
ne veulent pas que ta paternité ait aucun rapport avec la nôtre,
et te font ce qu’ils ne voudraient pas être eux-mêmes :
une espèce de juge terrible et de Pharaon,
avec les mots humains qui seuls ont goût de Dieu,
donne-moi, ô Père, de faire connaître ton vrai nom ! "
François d’Espiney + 1935