Esprit-Saint 210 : Signes et témoins

Signes et témoins

UN LAÏC EN ÉGLISE


La paroisse, marche de communion

Laurence RAGUENET de SAINT ALBIN

 
COMMUNIER …
S’il est un lieu où l’on s’attend à voir souffler le vent de l’Esprit Saint, c’est bien dans l’Église. Et le laïc qui y vit, s’il n’est pas "marié avec elle" comme on le dirait d’un prêtre séculier, se sent tout de même appelé à s’y conduire en obéissant tout particulièrement à l’Esprit de communion. C’est pourtant une assemblée d’hommes et de femmes, et chacun risque d’y retrouver ses vieux démons : goût du pouvoir, soif de reconnaissance, intérêt personnel devançant celui de tous. Le monde des associations, du bénévolat, rencontre souvent ces écueils autant que le monde de l’entreprise.
Mais en Église toute action est orientée vers deux buts : son but propre, mais aussi celui, de mettre en œuvre, dans l’action, les préceptes du Christ.

…AVEC UN PROCHAIN …
Pour des parents, la première communauté est évidemment la famille. Il n’est pas besoin d’être chrétien pour reconnaître à cette communauté des qualités qui en font le lieu de prédilection d’un amour digne du Christ. Les analyses sociologiques nous montrent que c’est le dernier refuge où l’on peut se savoir aimé tel que l’on est, malgré ses défauts, au-delà de ses fautes ; c’est aussi la toute première cellule qui protège le tout-petit, le plus faible : l’enfant ; c’est aussi dans le sentiment qui unit l’homme et la femme que les gens font le plus facilement l’expérience du don de soi, d’un amour qui se veut total et éternel. C’est pourquoi le mariage chrétien est le sacrement qui reflète l’alliance de Dieu et de son peuple. Et si l’on appelle Dieu, notre "père", tous les hommes nos "frères", c’est bien parce que ces réalités sont les signes de la communion de l’humanité en Dieu. La famille, "petite Église domestique", est la première école de communion ; et la prière familiale, avec la litanie des saints patrons, les pardons donnés et reçus, est l’expression d’un lien qui dépasse les limites de la terre.
Au-delà de cette première cellule, l’Église propose bien des occasions de vivre l’amour des autres. Ceux qui ont vécu les remous du Concile il y a trente ou quarante ans ont vraiment expérimenté la capacité à se retrouver ensemble, unis dans la prière, par-delà des différences pourtant vécues assez douloureusement. Une particularité qui m’a toujours plu dans certains groupes d’Église – comme les Equipes Notre-Dame – est le fait que les membres ne se choisissent pas : ils vont partager ensemble, parfois longtemps, souvent en profondeur, ils vont livrer beaucoup d’eux-mêmes, et pourtant, ils n’ont pas choisi ces "intimes", ils les ont reçus ; j’ai toujours trouvé ce mode de constitution d’une communauté très fécond pour créer chez chacun une disponibilité, une ouverture à l’autre, une capacité à donner sans calculer ce qu’on pourrait recevoir de lui.

…PLUS OU MOINS LOINTAIN …
Plus vaste que ces lieux où l’on connaît son prochain, l’Église nous met en relation avec des inconnus. A la messe dominicale, déjà, au-delà de ces voisins que je ne connais pas forcément, je me retrouve en communion avec tous les chrétiens de l’Église Catholique qui entendent la même parole, le même jour. Sans compter ces rassemblements, ces pèlerinages où l’on peut prier côte à côte avec des chrétiens de tous les pays, chanter la même mélodie, voire les mêmes paroles latines.
Et même dans nos paroisses – même si elles ne s’appellent pas toutes "Sainte-Marie-des-Peuples" comme à Cergy (Val d’Oise) ! – pour honorer les multiples ethnies qui les composent, on organise des célébrations visant à illustrer cette diversité. A la cathédrale de Pontoise a lieu ainsi, lors du dimanche de Pentecôte, la "Messe aux Mille Visages" où les Tamouls, les Portugais, les Antillais, les Gens du Voyage et bien d’autres, apportent leur touche originale à une célébration commune qui les réunit tous.
C’est la grande force que je reconnais, pour ma part, à l’Église catholique d’incarner dans les faits, les rites, dans des personnes même – celle du prêtre ordonné, celle du pape – cette communion du peuple avec son Dieu. Ces institutions que certains décrient comme un intermédiaire gênant entre notre liberté et Dieu, répond pour moi au besoin humain de toucher du doigt, de comprendre concrètement le sens de cette communion des saints à laquelle nous croyons.

…ET AVEC DIEU.
Lorsqu’à la messe nous partageons la paix avec un inconnu, c’est la paix "du Christ" que nous lui offrons. Par ce geste, nous indiquons que cette communion est possible grâce à l’intermédiaire du Christ, par référence à Lui ; et parallèlement, vivre en frères nous mène au Christ. Comment serions-nous unis à Dieu sans l’être à nos frères ? "Celui qui dit "J’aime Dieu" et qui n’aime pas ses frères, est un menteur." Le signe de croix nous le rappelle, qui croise les dimensions horizontale et verticale.
Mais bien des gens se sentent en lien direct avec Dieu, et avec leurs frères, qu’ils aident généreusement, et préfèrent se passer de l’Église. Ces "chrétiens du seuil" entrent parfois dans une église, ils apprécient la "maison" propice à leur recueillement, à leur prière ; mais ils se méfient de l’institution, ils ne désirent pas franchir le seuil pour jouer leur rôle au sein du peuple de Dieu. Comment les convaincre de la fécondité de la vie en Église, de la nourriture apportée par les sacrements à notre vie spirituelle ? Pourtant, c’est bien en apprenant à se recevoir des autres, dans l’action et la prière partagées, en recevant le pardon du prêtre, que l’on parvient à se recevoir de Dieu, à accueillir sa grâce. C’est pour cela que le Christ, en quittant cette terre, nous a laissé son corps sous la forme de son Église : pour que cette réalité humaine soit capable de parler à notre humanité.
Personnellement, j’aurais du mal à croire en un dieu désincarné ; je craindrais qu’il ne soit qu’une projection de mon esprit. J’ai besoin, pour accéder à Dieu, que son Fils soit venu sur terre nous prendre par la main, que deux mille ans d’une tradition ininterrompue nous ait transmis sa Parole, et que l’Église, en tout temps, actualise celle-ci, nous la fasse vivre par ses réalités matérielle (les églises qu’elle construit, l’art sacré), cultuelle (les sacrements, les rassemblements), et humaine (la rencontre de ses membres et l’action avec eux).
Merci à l’Église, et en particulier à ses pasteurs, de nous aider à vivre en communion avec nos frères et avec Dieu.