Parole de Dieu

L’ESPRIT, SOURCE DE LA PRIÈRE

Lydie H.K. Rivière, xavière

Sr Lydie, Xavière, nous a déjà remis un article en janvier dernier ; elle a travaillé en Côte d’Ivoire notamment à la traduction en français fondamental de la Bible " Parole de Vie ", au sein de l’Alliance Biblique Universelle.


Nous allons regarder tout d’abord comment un Souffle mystérieux anime les orants du Premier Testament, puis quelques personnages du Nouveau. Enfin, nous examinerons avec l'apôtre Paul comment l'Esprit de Dieu peut conduire notre propre prière.
1. L'ACTION DU SOUFFLE SAINT DANS LE PREMIER TESTAMENT
Les prières innombrables parcourent les Ecritures juives. Voyons l’action de l’Esprit Saint en quelques témoins. En personnes libres, ils intercèdent pour les autres.
Regardons Abraham discuter avec hardiesse avec le Seigneur qui veut supprimer Sodome de la carte (Genèse 18, 2333). Pourtant il n'a aucun intérêt à ce que subsiste sur la planète cette ville corrompue. Il prie cependant Dieu de l'épargner. Qui lui aurait inspiré cette demande étonnante, si peu conforme aux mœurs humaines, sinon l'Esprit qui sourd en lui ?
Voici un autre exemple d'intercession, celle de Moïse après l'épisode du veau d'or (Exode 32, 31-32) et le refus des Israélites d'entrer en Canaan (Nombres 14, 13-19). Là encore, comme Abraham, Moïse prend le Seigneur au mot, si l'on ose dire. " Tu es au milieu de ton peuple. Tu te montres à lui face à face. Tu marches avec lui nuit et jour... Et tu parles de le détruire d'un seul coup ! " Que vont dire les autres peuples qui ont entendu parler de tes hauts faits ? Rappelons aussi la prière du roi David après l'acte insensé du recensement qui provoque la colère du Seigneur : " C'est moi le coupable, c'est moi qui ai péché ! C'est moi qu'il faut frapper, moi et ma famille ! " ( 2 Samuel 24, 17). Ces intercesseurs parlent librement à Dieu, " d'homme à homme " si l'on ose cette expression.
Le cri et la supplication devant le malheur
Une autre attitude familière aux orants du Premier Testament est le cri et la supplication. Le malheur traverse l'histoire d'Israël depuis le début. Ainsi dans les Psaumes, de nombreuses prières sont des cris de malades ou de persécutés, en tout cas de personnes proches de la mort, de chefs de guerre vaincus ou de pauvres écrasés par l'injustice. Par exemple, les psaumes 22, 56, 57, 59, 64, 69, 70 et bien d'autres. Songeons à Jonas dans le ventre du poisson : " De la profondeur de la mort j'appelle au secours " (Jonas 2).
Une des prières les plus poignantes est celle de la reine Esther au moment d'aborder le grand roi Artaxersès, son époux. Celui-ci s'apprête à perpétrer un génocide contre son peuple à l'instigation de Haman, l'ennemi de Mardochée. Du fond de sa détresse, cette reine esclave, " en proie à une angoisse mortelle " se confie au "Roi des dieux et au Maître de tous les pouvoirs " (BJ, Esther 171-17z).
Quant à la supplication guerrière de Judith, c'est encore une prière de résistance, basée sur la confiance dans " le Dieu des gens simples, le secours des petits, le défenseur des faibles, le protecteur des abandonnés, le sauveur des désespérés " (Judith 9). Judith n'est pas une sanguinaire, mais cette femme craint Dieu et sa prière ne vient pas d'elle-même mais de l'Esprit qui l'inspire.
Reconnaître ses fautes et implorer le pardon de Dieu
Après l'assassinat de Urie le Hittite, l'Esprit de Dieu par l'intermédiaire du prophète Natan réveille la conscience du roi David, et celui-ci se fait petit devant le Seigneur. Le psaume 51 est un écho de sa repentance. De telles prières parsèment le Premier Testament. Les plus connues sont la prière de Salomon dans le temple qu'il vient d'ériger, les prières d'Esdras, (Esd 9, 5-15) de Néhémie ;sous les Perses (Ne 9), et de Daniel sous les Grecs (Dn 9, 1-19). Il y en a beaucoup d'autres.
L'Esprit suscite l'action de grâces, le chant, la musique et la danse " aux éclats "
L'Esprit inspire la repentance, mais aussi l'action de grâces joyeuse envers le Dieu créateur et libérateur. Les chants pour louer et remercier Dieu sont innombrables, soit dans le psautier, soit dans les autres livres du Premier Testament. On pourrait presque dire que les Juifs prient comme ils respirent. Pensons au vieux Tobie, à Sara la femme de Tobias, à Tobias lui-même. Mais pour nous en tenir à l'action de grâces, rappelons le chant collectif de Moïse et des Israélites après le passage de la mer Rouge (Exode 15, 1-20), le cantique de Déborah (Juges 5) après sa victoire contre le roi de Canaan, Yabin, le cantique d'Anne après la naissance de son fils Samuel (1 Samuel 2, 1-10). Citons David - encore lui ! - après avoir remporté la victoire contre ses ennemis, dont le roi Saül (2 Samuel 22).
Ajoutons que l'exultation convoque le corps à la louange. L'action de grâces soulève littéralement le priant. et pour ainsi dire, le fait chanter et danser " aux éclats ". La prophétesse Myriam, sœur d'Aaron, saisissant son tambourin, ainsi que toutes les femmes d'Israël, forment des choeurs de danse et chantent le Seigneur! (Exode 15, 20-21). David dans son pagne de lin ne " tournoie-t-il pas, lui aussi, de toutes ses forces " devant l'arche, au grand scandale de sa femme Mikal, fille de Saül, qui le trouve ridicule ( 2 Samuel 6, 21).
Enfin l'Esprit inspire également les musiciens qui accompagnent les chants et les danses liturgiques. Rappelons le psaume 149: "Chantez au Seigneur un chant nouveau, sa louange dans l'assemblée de ses fidèles ! Louange à son nom par la danse, pour lui jeu de harpe et de tambour " Evoquons la symphonie des instruments dans le temple de Jérusalem : harpes, cithares, lyres, trompettes, flûtes, cors, tambours, cymbales, sistres qui accompagnaient les chœurs ? (1 Chroniques 15, 19, 20, 24). N'oublions pas non plus les cris de joie et les applaudissements familiers aux Orientaux. Qu'en est-il maintenant dans le Nouveau Testament ?
2. L'ESPRIT SAINT, SOURCE DE LA PRIÈRE DANS LE NOUVEAU TESTAMENT
Quand Jésus commence sa vie publique et demande à Jean de le baptiser, les cieux s'ouvrent, et l'Esprit descend sur lui, sous la forme d'une colombe. Nous songeons aussitôt à l'oiseau des origines et à la fécondation de l'univers par le Souffle Saint (Genèse 1, 2).
w Ceci nous oriente déjà vers la nouvelle création que le Fils de Dieu est venu inaugurer et parfaire. En effet, dans le Premier Testament, l'Esprit de Dieu ne demeure que sur les justes, sinon il se retire. Sur Jésus, l'Esprit repose, comme il le déclare lui-même dans la synagogue de Nazareth, en reprenant les paroles du prophète Isaïe : " L'Esprit du Seigneur m'a conféré l'onction pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres, proclamer aux captifs la libération, et aux aveugles le retour à la vue... " (Luc 4, 18). Une humanité nouvelle est sur le point d'être recréée par le Père, grâce à la venue du Fils, dans le souffle de l'Esprit.
Déjà l'Esprit qui reposait sur Marie avait suscité son adhésion au projet du Dieu re-Créateur et permis la naissance humaine de son Verbe. Le mouvement du salut est en marche. Marie part en hâte saluer Elisabeth. C'est alors que Jean tressaillant en elle, Elisabeth est remplie de l'Esprit Saint. Cet Esprit se saisit à son tour de Marie qui, telle les femmes de son peuple, Déborah ou Anne, entonne son Magnificat. L'Esprit libère la parole pour la louange et l'action de grâce (Luc 1, 41-56).
Nous le voyons également chez le vieux Zakarie. Rempli comme sa femme de l'Esprit Saint après la naissance de leur fils, il loue le Dieu de ses ancêtres qui a tenu parole et accompli sa promesse de salut (Luc 1, 67-79). La vie suscitée par lui en sa femme stérile libère sa bouche et délie sa langue pour chanter le Seigneur (Luc 1, 64).
Un peu plus tard, nous rencontrons au temple de Jérusalem le vieillard Siméon sur qui repose également l'Esprit Saint et qui se met à chanter la gloire de Dieu (Luc 2, 25-32). Ici encore, le surgissement de la vie engendre la parole et fait sourdre l'exultation. On le voit chez Jésus lui-même. Quand les 72 disciples reviennent de mission, " Jésus exulte sous l'action de l'Esprit Saint et dit : ‘Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d'avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l'avoir révélé aux tout-petits’ " (Luc 10, 21).
Jésus est intimement relié à son Père, nuit et jour, par la prière. Aussi, avant de mourir, sa prière se fait-elle plus intense. Il dit d'ailleurs à ses disciples : " Priez pour ne pas tomber au pouvoir de la tentation " (Luc 22, 40). C'est ce qu'ils n'ont pas fait, et en particulier Pierre. Jésus leur donne pourtant l'exemple, puisqu'au jardin des Oliviers il supplie ardemment le Père d'éloigner de lui la coupe de souffrance (Luc 22, 40-46). L'Esprit Saint n'est pas nommé ici, mais il habitera le Christ jusque sur la croix. En effet, malgré ses souffrances indicibles, Jésus aura encore la force de remettre son souffle entre les mains du Père et de le prier de pardonner à ses bourreaux. Après la résurrection, il leur annonce qu'il leur enverra l'Esprit promis par le Père.
A la Pentecôte, nous voyons les effets de l'irruption de l'Esprit divin sur ces disciples timorés et nous assistons une fois de plus â, la libération de la parole alors qu'ils se tenaient claquemurés de peur dans leur maison. Par ailleurs, la première communauté chrétienne se rend assidûment au temple et prie sans cesse, avec Marie, la mère du Christ. Quand Pierre et Jean sont relâchés du Tribunal, tous s'adressent à Dieu. Ils sont alors remplis du Saint Esprit. Ici, c'est la prière qui suscite la venue de l'Esprit, mais l'Esprit était déjà à l'œuvre dans leur cœur. Enfin, Etienne, lapidé par ses frères, est lui aussi rempli de l'Esprit de Dieu qui lui donne de voir sa gloire et Jésus ressuscité, debout à la droite du Père. Sa prière est celle du Christ au Père, mais Etienne l'adresse à Jésus : " Seigneur Jésus, reçois ma vie " (Actes 7, 59-60). Examinons en dernier lieu l'action de l'Esprit dans l'Église et en nous.
3. L'ESPRIT SAINT CONDUIT NOTRE PRIÈRE
Le jour de la Pentecôte, la communauté primitive des disciples du Nazaréen, Eglise en miniature, reçoit l'Esprit de Dieu, comme Jésus l'avait promis avant de mourir. L’humanité nouvelle va être littéralement prise en main par l’Esprit de Jésus.
Concrètement, c'est l'inscription sur des cœurs de chair de ce qui avait été gravé sur des tablettes de pierre et l'inauguration de l'alliance nouvelle annoncée par le Seigneur à Jérémie (31, 31-34). Selon l'évangéliste Jean, cet Esprit, ce " Paraclet " comme il l'appelle, agit en avocat, en défenseur dans le cœur des disciples.
Il est l'Esprit de vérité qui habite en nous, qui nous enseigne tout, qui nous aide et réactive notre mémoire concernant les paroles du Christ (Jn 14, 26). Et c'est le Père qui l'envoie au nom de Jésus pour nous aider et ne pas nous laisser orphelins. Quand les disciples comparaîtront au Tribunal, l'Esprit Saint parlera en eux. Qu'ils ne s'inquiètent donc pas de ce qu'ils doivent répondre ! (Marc 13, 11). En outre, cet Esprit de vérité qui reçoit la gloire du Fils la montrera et nous l'annoncera parce qu'il reçoit ce qui appartient au Fils (Jn 16, 14-15). Aussi l'apôtre Paul peut-il dire que non seulement l'Église est le corps du Christ et le réceptacle de l'Esprit mais que chacun d'entre nous est lui-même le sanctuaire de l'Esprit Saint: " Vous êtes le temple de Dieu, et l'Esprit Saint est en vous " (1 Corinthiens 3,16). Et qui. dit présence de l'Esprit dit également présence du Père qui l'envoie au nom de Jésus, le Fils bien-aimé. Cette présence en nous de la Trinité va avoir des répercussions sur notre prière.
Ne faisant qu'un avec notre esprit, l'Esprit de Dieu va nous aider à " prier comme il faut " (Romains 8, 26). L'apôtre Paul sous-entend par là que nous prions, ou que les humains prient, mais mal. En effet, constate-t-il, nous vivons dans un monde qui gémit, connaissant les douleurs d'une femme qui accouche. Il se trouve au pouvoir de forces négatives et destructrices qui nous rendent esclaves. Et dans ce monde, nous gémissons à notre tour. Nous faisons le mal que nous détestons, et nous nous n'accomplissons pas le bien auquel nous aspirons. Nous sommes faibles et nous attendons avec impatience une situation meilleure. Qui nous la procurera sinon le Maître de la vie ?
Donc, nous devons le prier. Mais " comme il faut. " Et seul l'Esprit peut nous y aider, car " l'Esprit intercède pour nous " (Rm 8, 27).
Paul l'écrit souvent à ses correspondants : il y a des conditions préalables à la prière. L'Esprit ne peut venir en nous que si nous lui cédons la place. Alors nous devenons vraiment enfants de Dieu : "Tous ceux qu'anime l'Esprit de Dieu sont enfants de Dieu " (Rm 8, 14). C'est alors que l'Esprit peut jouer pleinement sa partition à l'intime de nous-mêmes et que nous allons prier comme il faut. Les enfants ne vivent plus sous le régime de la peur mais de l'amour. Dès lors, quand nous nous adresserons à Dieu, nous l'appellerons de son vrai nom: " Abba ", c'est-à-dire Père (Rm 8, 15). Notre prière sera donc de confiance et nous nous présenterons avec assurance vers le trône de la grâce afin d'obtenir miséricorde et de trouver grâce pour une aide qui convient. " (Hébreux 4, 16). Ce sera également une prière libre, car " là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté " (2 Corinthiens 3, 17). Nous pourrons alors adorer le Père en esprit et comme le Fils l'a montré, pour reprendre les paroles du Christ à la femme de Samarie (Jean 4, 23-24).
Dans cet échange mystérieux qui se produit entre le plus intime de nous-mêmes et la Trinité sainte, quand nous l'adorons dans la nudité du regard et le silence de la raison, nous expérimentons un peu de ce que-l,'apôtre Paul exprime quand il écrit aux chrétiens de Corinthe: " Le Seigneur, c'est l'Esprit ... Et nous tous, qui, le visage découvert, contemplons comme un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en cette même image, allant de gloire en gloire, comme de par le Seigneur qui est Esprit " (2 Cor 3, 18).
Dès lors, qu'allons-nous demander dans la prière ? L'évangéliste Luc nous répond : " L'Esprit Saint ": " Si vous qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l'Esprit Saint à ceux qui le lui demandent " (Lc 11, 13). Et cet Esprit nous rendra semblable au Fils.
Peut-être ensuite nous propulsera-t-il sur les chemins du monde pour communiquer cette Bonne Nouvelle de l'amour trinitaire, pour inventer des procédures de partage, pour nourrir et guérir les esprits et les corps, pour libérer nos frères et sueurs de tout ce qui les empêche de respirer à pleins poumons, pour faire de cette planète un monde habitable, équitable et solidaire, afin qu'il devienne réellement le corps du Christ, régénéré par le Souffle du Ressuscité.
Etre des adorateurs en esprit et en vérité, c'est goûter les fruits de l'Esprit : charité, joie, paix, patience, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi (Galates 5, 22). Cela n'est jamais acquis une fois pour toutes, parce que nous sommes vulnérables et sensibles au goût du pouvoir et des honneurs, à la séduction, à la jalousie, à l'activisme et au narcissisme, à la mollesse aussi, à la routine et à la paresse. Si nous voulons prier comme il faut, nous avons à lutter contre ces tendances vivaces en nous qui ne cesseront qu'à notre mort. En outre, pour prier "comme il faut ", nous devons sacrifier certaines choses, entretenir notre corps, gérer notre temps et ordonner notre planning pour laisser le Souffle du Seigneur nous envahir tout entiers. Comme le jockey qui veut remporter la course, nous avons à veiller sur notre poids (de péché). Paul appelle cette attitude : " crucifier la chair avec ses passions et ses convoitises " (Gal 5, 24). Alors même au milieu de la fournaise, à l'exemple de Sidrac, Misac et Abdénago, l'Esprit (ce quatrième personnage qui les accompagne dans ce lieu de souffrance ?) nous aidera à prier et agir selon le cœur de Dieu (BJ, Daniel 3, 25).