Vie chretienne
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Taizé : Les " Pèlerins de la confiance "

Michel Besse, spiritain

Le Père Michel BESSE, dans l’Equipe des Vocations des spiritains en France, participe à des activités d’éveil à la Mission Universelle de l’Eglise pour des 15-35 ans. Parmi les activités de volontariat à l’étranger, les sessions ou les rencontres inter-culturelles pour les jeunes, il accompagne aussi des jeunes lors des " Pèlerinages de Confiance sur la Terre " convoqués chaque hiver par les frères de Taizé.
Taizé donne chaque année en Europe un rendez-vous d’hiver. Cinq jours durant, tous les frères quittent la colline bourguignonne de Taizé-Village pour rejoindre 80.000 jeunes. Durant les 25 dernières années, ils se sont retrouvés à Vienne (Aut), Budapest (Hun), Londres (UK), Barcelone (Cat), etc. En 2003, ce fut le tour de Hambourg (D), la grande métropole du Nord de l’Allemagne. Fin 2004, le rendez-vous est donné à Lisbonne, capitale du Portugal.

" Qui regarde vers Dieu resplendira,
sur son visage plus d’amertume " (
Refrain de Taizé n° 66)

Les " pèlerins de la confiance sur la terre", comme les a surnommés le Frère Roger, ont du chemin derrière eux. Prenez par exemple la Rencontre de Budapest : elle a eu lieu en 1991, puis dix ans après en 2001. Vous vous souvenez, évidemment, des événements qui ont marqué cette décennie: après la chute du mur de Berlin, la Hongrie entrait dans une nouvelle étape démocratique et économique, qui allait façonner le visage de toute une génération. Il fallait, pour les jeunes hongroises et hongrois de 15 à 30 ans, de faire entrer leur pays dans une ère nouvelle…, mais sans trouver dans la mémoire collective de leur nation tous les éléments nécessaires pour y faire face.
En 2001, je me trouvais à Budapest, et fus accueilli avec 500 autres pèlerins chez le Ministre du Travail et de la Formation Professionnelle de Hongrie : cet après-midi là, nous vîmes entrer un homme de 37 ans. Une moitié de sa vie de jeune sous le régime du capitalisme d’état planifié, une autre moitié dans le capitalisme de marché libéral, et une responsabilité politique importante devant sa nation. Et ce jeune père de famille de nous dire : " Ce qui me fait tenir dans cette responsabilité politique, c’est la joie des jeunes hongrois que j’accompagne chaque année à Taizé ".
Les jeunes venus d’Europe de l’Ouest en 1991 avaient été marqués par leur voyage. Combien aussi ceux qui comme moi s’y trouvèrent en 2001. Aujourd’hui, quinze ans après, il nous est plus facile de regarder l’élargissement de l’Union Européenne non seulement comme une étape économique et politique, mais surtout comme un enjeu humain et solidaire. Et puis la conscience d’appartenir à une communauté de destin pour bâtir la réconciliation et la paix peut aider ces jeunes de l’Est et de l’Ouest. Dans ces moments où, comme tous les adolescents et jeunes de toutes les générations, ils sont tentés de ne regarder que leurs petits soucis et de s’en attrister, l’esprit de confiance qui souffle à Taizé vient les rasséréner.
J’ose dire de Taizé qu’il est un des lieux qui offrent une " école pratique d’unité " pour des jeunes européens de l’Est et de l’Ouest. Et j’ajoute que ces milliers de jeunes, s’ils n’assument pas tous une charge politique dans l’Europe à constituer, sont porteurs d’une expérience concrète de vivre ensemble, ainsi que d’un regard confiant sur l’autre. L’un des chants souvent entendus et fredonnés à Taizé est : "  Qui regarde vers Dieu resplendira, sur son visage plus d’amertume " (Refrain n° 66). J’attribuerai facilement à ce verset d’un psaume de l’Ancien Testament, une signification plus individuelle et contemporaine : " Si j’apprends à regarder au-delà de moi, vers les autres, et vers l’Autre, je trouverai le bonheur ". Et j’y ajoute une signification plus pratique : " Changer le monde, ça dépend de moi : pas de moi seul, mais pas sans moi ". Frère Roger parlait à Taizé de " lutte et contemplation ". L’expérience spirituelle de la confiance est certainement une expérience de contemplation, elle est peut-être bien aussi une expérience qui permet des engagements simples mais décisifs.

" L’Unité, ce n’est pas une théorie, c’est une communion "
Frère Roger Schutz, Hambourg 2004

L’Unité, à Taizé, n’est pas seulement affaire de géopolitique. Il s’agit aussi dans le même mouvement, d’une affaire spirituelle. Depuis ses origines, à l’initiative du Pasteur Roger Schutz dès la Deuxième Guerre Mondiale, Taizé offre un champ disponible et pacifié à la rencontre entre chrétiens des traditions orthodoxes, réformées, catholiques et évangéliques. Voici des paroles de jeunes de la banlieue parisienne, sur le chemin du retour des Rencontres Européennes de Taizé à Hambourg, en janvier 2004.

" Chez moi je connaissais la Paroisse Luthérienne. On avait accueilli Taizé ensemble en 2003, luthériens et catholiques. Le pasteur était venu à l’église paroissiale. Tout naturellement, cette année à Hambourg, je ne me suis pas sentie étrangère (Carla) ".

" Accueilli dans une famille luthérienne, j’ai partagé sa prière familiale, à la maison et aussi en allant visiter leurs défunts au cimetière. J’ai dépassé mes idées sur les guerres de religions. L’œcuménisme au sens large peut devenir une culture : un esprit uni dans la croyance au Christ (Emmanuel) ".

" Nous étions accueillis dans une paroisse méthodiste. Le pasteur de la paroisse est aussi le responsable des méthodistes dans tout le Nord de l’Allemagne. Dans le carnet de chants dominicaux, nous avons vu des chants de Taizé, ce qui montre leur ouverture œcuménique. Minoritaires, les méthodistes sont une " grande famille ", mais pas repliée sur elle-même. Lors d’une prière, il a été demande le dialogue entre les chrétiens. Les méthodistes sont ouverts. Chez nous (Vitry-sur-Seine) il y a des baptistes. On sent que le contact entre les églises passe par des contacts personnels, par l’amitié (Alex et Fabrice)".

" L’unité des Chrétiens, c’est d’abord de croire à la résurrection du Christ vivant. Ensuite il y a différentes manières de la comprendre et d’en tirer des façons de faire église. Ce qui peut être occasion de conflit, c’est le désir d’imposer sa compréhension sur les autres. Taizé nous aide à vivre l’unité. Nous avons vénéré la croix ensemble (Gwénaëlle) ".

" Un geste fort : lors d’une prière du soir, au milieu des milliers de jeunes recueillis en silence, les dix évêques et responsables d’églises de Hambourg ont vénéré ensemble la croix en posant leur front sur la représentation du crucifié. Après eux, les jeunes ont fait le même geste en se relayant pendant plusieurs heures, sous les yeux de ces dignitaires religieux (Michel)".

La qualité des réflexions de ces jeunes est significative. L’œcuménisme, c’est le terme technique donné au dialogue entre les différentes confessions chrétiennes. Et pour eux ce terme technique revêt une dimension simple et concrète. C’est une l’expérience qui porte des fruits. C’est d’ailleurs l’une des caractéristiques des Rendez-Vous de Taizé : " Allez, dans vos paroisses et vos quartiers il y a des occasions de vivre la confiance et l’unité. A vous de prendre des initiatives avec ceux que vous allez retrouver ". Un célèbre pèlerin de Taizé, le pape Jean-Paul II, écrivait : " On vient à Taizé comme on vient à une source ". Le Frère Roger, lui, à Hambourg, utilisait cette expression : " L’Unité, ce n’est pas une théorie, c’est une communion ".
Nombreux sont les animateurs de jeunes, en lycées, en paroisses et ailleurs, qui ne s’y trompent pas : ils arrivent, sac au dos et cœur léger, sur la colline de Taizé, pour permettre aux ados et aux jeunes dont ils ont la responsabilité de vivre à leur tour cette expérience. Certains en sont tellement touchés qu’ils donnent une année de volontariat pour servir les autres, sur la colline… ou ailleurs dans le monde, là où des frères de Taizé sont présents. D’autres en reviennent avec des carnets d’adresses bien remplis, pour organiser un périple d’été à travers l’Europe. D’autres enfin emmènent autour du cou l’humble croix émaillée de Taizé, qui ressemble tellement à un oiseau dans son envol !

Dans le monde entier, des petits groupes de priants se joignent à la prière caractéristique de Taizé : chanter, lire l’Ecriture, faire silence, chanter. On en trouve à Paris, à Marseille, à Rennes, à Londres et à Zurich, ainsi qu’à Budapest et Rome, Barcelone et Porto. Par contre, à la manière de Taizé, si vous désirez les trouver, il vous faudra bien les chercher : ils ont l’humble joie du cœur pour image de marque et… rien du tout à afficher ! Bonne investigation, alors ! Et si vous ne les trouvez pas, passez donc à Taizé, et ensuite créez autour de vous de la confiance et de l’unité. Ce sera ça, Taizé…( www.taize.fr ).
P. Michel BESSE