Signes et témoins

Des jeunes présentent Brottier

Loïc Faucheux, spiritain


La journée " Portes Ouvertes " de la communauté des jeunes missionnaires en formation à Clamart a eu lieu le 9 mai dernier sur le thème Spiritains Hier, Aujourd’hui et Demain. A cette occasion, Loïc et ses confrères avaient choisi de présenter la figure du P. Brottier.

Il est très facile pour chacun d’entre nous, d’associer la figure du P. Brottier à l’œuvre des Orphelins d’Auteuil ; mais il n’est pas évident de l’associer aux Missionnaires Spiritains, bien qu’il ait une grande barbe. C’est le pari que nous avons voulu réaliser par notre exposition.
Brottier est certes un spiritain d’hier, mais il demeure pour les jeunes en formation une figure dynamique pour vivre notre engagement aujourd’hui et demain. Sa figure d’hier est, de toute évidence, pleine d’entrain pour ceux qui la découvrent. C’est ce que je voudrais essayer de vous partager dans ces quelques lignes.

Un homme qui a un grand idéal !

A cinq ans il affirme à sa mère " plus tard, je ne serai ni pâtissier, ni général, je serai pape ! ". Cela aurait très bien pu être de l’orgueil mais c’est plutôt un objectif phare qu’il se fixe et qu’il atteindra à sa façon par son service des plus faibles. N’est-il pas vrai en effet que les œuvres de sa vie ont consisté à créer des liens entre les générations et entre les couches sociales. Il est bien de ceux qui ont l’envergure de bâtir des ponts. Cela se dit en latin pontifex. Son rêve est ainsi réalisé. Qu’en est-il du nôtre ? Laissons-nous réellement le temps d’exprimer nos rêves ? N’oublions-nous pas trop souvent que, pour reprendre les mots d’un poème de son amie Thérèse, nous n’avons " rien qu’aujourd’hui " pour aimer ?
Cet homme qui a grandi avec de grands projets m’invite à revisiter mes rêves et mes projets d’avenir. Etre religieux aujourd’hui, ce n’est pas forcément les abandonner, mais il s’agit aussi de commencer à les mettre en œuvre pour le bien de tous. Même si ce n’est pas là où je voudrais être actuellement que je me trouve, c’est pourtant bien là que peut se réaliser cette œuvre. Parfois aujourd’hui, il paraît difficile de s’exprimer sur l’idéal de vie que nous souhaitons. Il ne peut sans doute pas se réaliser pleinement mais il reste nécessaire pour vivre et donner le meilleur au cœur même de nos combats quotidiens.
Le Père Brottier nous donne un conseil pour vivre notre idéal qui rejoint bien le vécu de nos Pères fondateurs, Claude Poullart des Places et François Libermann : " Quand j’ai à prendre une décision importante, je prie ; je suis persuadé que Dieu m’assiste, et quand je parle, je parle réellement en sa présence. Quand vous hésitez entre deux actions, choisissez celle qui vous coûte le plus, c’est celle qui vous mènera le plus près de Dieu." Un tel conseil de prudence nous ouvre, à coup sûr, des horizons non explorés. N’est-ce pas ce que nous sommes invités à vivre comme baptisés et plus singulièrement comme missionnaires ? Encore faut-il rester à l’écoute.

Un homme qui sait se mettre à l’écoute !

C’est là l’attitude du Bon Père Brottier. C’est aussi une attitude profondément biblique. Pour avancer, prendre une orientation, il choisit de prendre conseil et de prier. Son choix d’être religieux missionnaire ne s’est pas réalisé sans difficultés de la part de son frère, de ses parents et de son évêque. Il est très enrichissant pour nous de voir que les premières difficultés ne l’ont pas fait abandonner. Nous sommes tous affrontés à des difficultés. Notre société actuelle capitaliste et libérale a peut-être tendance à nous faire rêver la vie facile ; aussi quand viennent les premières tensions, la tentation d’aller voir ailleurs est souvent la plus forte. Le doute et les remises en causes font partie de cette écoute. Il ne s’agit pas de les chasser trop vite mais de prendre le temps de les entendre pour honorer notre démarche raisonnable. Brottier nous invite quelque part à résister, à tenir bon dans l’adversité et à entendre la Voix qui nous appelle, comme Samuel. C’est lorsque nous sommes à l’écoute que nous pouvons répondre " me voici " et vivre vraiment avec les autres et pour les autres.

Un homme qui fait l’unité dans les diversités !
… et m’invite à l’accueil de la diversité.

Sa capacité de rencontrer des gens de conditions et de milieux très différents et de les mettre en relation pour le bien du plus grand nombre, m’invite à garder mes horizons toujours ouverts. N’est-ce pas une attitude indispensable pour un missionnaire ? Pour autant, ce sont tous les baptisés qui peuvent se sentir interpellés ici. Le baptême ne nous fait pas membre d’un club où le plus difficile est d’obtenir l’adhésion mais nous il nous fait entrer dans une grande famille si grand et si diverse que nous n’avons jamais fini d’apprendre à la connaître. Rien n’est acquis, tout est donné et tout est à recevoir. Notre tâche est de nous mettre en capacité de recevoir et de donner.
Cette manière d’être fait de lui un véritable patriote qui, au sortir de la guerre, veut continuer l’unité réalisée dans les tranchés sans distinction politique ou confessionnelle. C’est ainsi que naît l’Union Nationale des Combattants. Être missionnaire, c’est aimer nos origines, apprendre à les connaître, à se connaître à travers elles. Seulement alors, nous pourrons nous tourner vers les autres et nous faire proche de Dieu, le tout Autre.
Le Père Brottier, dans cet après-guerre, a le souci de soutenir les familles les plus touchées. C’est un autre signe de sa haute considération pour les femmes et les hommes de son temps.

Un homme qui a une haute idée de l’Homme !
… et m’invite à devenir Homme

Comme Patrick Richard nous dit dans l’une de ses chansons " Tu me fais moi, par ton regard sur moi, par ce que tu dis de moi, on en vient à se ressembler un peu comme un fétu de paille en feu, devient le feu ", tel me semble être la grande œuvre du Père Brottier. Le regard de Brottier est avant tout, un regard d’amour. Ainsi, c’est sans juger les soldats du front, qui ne se privent pas de se moquer des curés, qu’il va les rejoindre. C’est avec cette même tendresse qu’il s’occupera de ses orphelins, sans pour autant manquer de fermeté.
Par sa vie, il nous invite à transmettre la vie que nous avons reçue. Voici ce qu’il disait à ses orphelins : " Devenir des hommes, tel doit être votre idéal, mes enfants. Un homme, c’est celui qui sait ce qu’il veut et qui l’accomplit coûte que coûte…Ne soyez pas de ces ombres d’hommes qui vont au devant d’eux, au hasard ". Tous ces conseils ne sont pas si simples à vivre dans notre société où, de plus en plus, l’argent a la première place. A contre temps, il nous rappelle pour aujourd’hui que " la valeur spirituelle est le propre de l’homme. Notre situation financière, sociale, peut changer ; notre valeur personnelle, intellectuelle et morale demeure et demeurera. " C’est ainsi qu’il nous invite à développer en nous cette personnalité, ce don que Dieu nous a fait. Cette personnalité, me disait un confrère travaillant dans l’œuvre d’Auteuil, pour se construire, nécessite de poser des limites dans une société qui se méfie de toute limite. Honorer l’homme à ce point, c’est lui donner la possibilité de nourrir sa vie intérieure.

Un homme qui va puiser à la source !
… et m’invite à aller à la Source

Pour un jeune spiritain, Daniel Brottier est l’un de ces nombreux passeurs de la foi. Il est impressionnant par ses capacités d’adaptation. Il est totalement dans la lignée des fondateurs de la congrégation. Tous ont cherché à mettre l’homme debout confiant que c’est en servant leurs frères qu’ils servent Dieu. Les jeunes spiritains ne sont pas tous des " connaisseurs " du Bienheureux, mais ils sont bien de cette lignée.
Ce qui me touche plus particulièrement chez lui, c’est son immense confiance en la Providence. Réalité pas toujours très claire et qui fait peur aujourd’hui. Et cependant, n’est-ce pas un manque de foi de notre part, quand nous rejetons cette réalité au loin. Le terme qui la nomme a sans doute subi une usure avec le temps, tout comme le mot Amour,  mais ce n’est pas une raison pour l’abandonner. La Providence, si elle nous intéresse, nous interroge d’abord nous-même sur notre relation à Dieu, sur le rapport que nous avons avec nous même et avec les autres. Avec le P.Brottier je nous invite à un nouvel accueil de la providence dans notre vie. Elle n’agit pas à notre place, elle accompagne chaque instant de bonheur et de peine, elle ouvre un espace de liberté non conditionnée. Ainsi nous voyons qu’être chrétien, cela ne sert à rien mais cela change tout.
Brottier est de ceux-là, c’est un de ces nombreux baptisés au nom du Christ qui m’invite à vivre ma vie à fond. Il m’est alors impossible de taire ce que j’ai reçu.
Pour conclure, je voudrais laisser le Père Brottier nous parler de Marie et nous donner un autre cadeau :
Marie est la plus aimable, la plus aimante des mères. Son cœur a été créé pour aimer un Dieu. Or cet amour qu’elle avait pour son Fils, elle le reporte sur nous ses enfants adoptifs … Que la Sainte Vierge vous protège : que son amour vous entoure de sollicitude ! Que son regard maternel vous accompagne et vous protège en tout lieu. "