Vie chretienne
Actualité

Pèlerinage National 2004 à Lourdes

Jean Savoie, spiritain

  Parmi les événements spirituels de l’été 2004, le pèlerinage national à Lourdes a pris une grande importance. Plusieurs raisons en sont données : le nombre de pèlerins, la qualité spirituelle des participants, la présence du Pape. Nous avons surtout noté la dimension spirituelle de cette célébration. Malgré le caractère officiel de toute visite du Pape, entraînant la présence des autorités de l’Etat et de l’Église, la célébration a gardé sa dimension spirituelle de pèlerinage : célébration mariale du 50e anniversaire de l’Assomption et pèlerinage de malades auprès de la Vierge de Lourdes. On peut dire que la présence du pape ne l’a pas occultée, mais au contraire, lui a donné toute sa valeur. Le pape a explicité cette intention dans son homélie : " J’ai vivement désiré accomplir ce pèlerinage à Lourdes pour rappeler un événement qui continue à rendre gloire à la Trinité une et indivise. La conception immaculée de Marie est le signe de l’amour gratuit du Père, l’expression parfaite de la rédemption accomplie par le Fils, le point de départ d’une vie totalement disponible à l’action de l’Esprit " (homélie de la messe du 15 août) Nous relevons trois insistances spirituelles de ce pèlerinage : la qualité de la prière, le service des urgences dans le monde et l’appel à la liberté chrétienne d’être et d’agir.

Une qualité de la prière, silencieuse, œcuménique, fraternelle.
Lors de l’audience du mercredi 18 août dans la cour de sa résidence d’été de Castel Gandolfo le pape a mis en premier souvenir l’expérience spirituelle : "Je garde vivant dans mon esprit le souvenir de la profonde expérience spirituelle vécue à Lourdes … Je remercie la Vierge bénie pour le climat de profond recueillement et d’intense prière de cette rencontre, me souvenant avec émotion de la foule si nombreuse des pèlerins et, au premier rang d’entre eux, des malades, venus chercher auprès de Notre-Dame le réconfort et l’espérance ". Il l’avait évoqué dans son homélie le 15 août : " Après le Magnificat vient le silence ; rien n’est dit des trois mois de la présence de Marie aux côtés de sa cousine Élisabeth. Ou peut-être il nous est dit la chose la plus importante : le bien ne fait pas de bruit, la force de l’amour s’exprime dans la tranquille discrétion du service quotidien. Par ses paroles et par son silence, la Vierge Marie nous apparaît comme un modèle sur notre chemin. C’est un chemin qui n’est pas aisé : par la faute de ses premiers parents, l’humanité porte en elle la blessure du péché, dont les conséquences continuent encore à se faire sentir chez les rachetés. Mais le mal et la mort n’auront pas le dernier mot ! Marie le confirme par toute son existence, en tant que témoin vivant de la victoire du Christ, notre Pâque. " (Homelie 15 août)

La méditation des Mystères lumineux du Rosaire.
Pour tout pèlerin à Lourdes la longue méditation du chapelet reste un des moments les plus forts. Ces mystères lumineux encore récents dans notre rosaire, présentés avec actualité et profondeur spirituelle par Jean Vannier, ont marqué les cœurs d’intériorité et de silence dans l’union à Marie devant le mystère de l’annonce de l’Évangile par Jésus.

La prière du pape à la grotte
L’image du pape priant seul devant la grotte n’est pas seulement un exemple de prière. C’est l’acte sacerdotal de l’Église s’offrant à Dieu pour le reconnaître et l’aimer par l’intercession de Marie. Le pape vivait là le sens de toute prière mariale tel que l’a exprimé Mgr Brincard : " là où Marie est honorée, le Christ est reconnu et suivi… Dans une société marquée par un certain individualisme, les sanctuaires et les pèlerinages marials ne sont-ils pas aussi des lieux de rencontre : rencontre avec les autres et rencontre avec le Tout-Autre ? Les sanctuaires marials, en renforçant la communion des hommes avec Dieu, renforcent celle des hommes entre eux. Tous frères parce que tous enfants du Père ! La communion fraternelle est, par conséquent, fruit d’une réconciliation avec le Père. Elle naît aussi du don que le Fils unique du Père fait de lui-même dans l’Eucharistie. Ce don inouï, Marie nous aide à le recevoir avec plus de foi et d’amour. Elle surgit enfin d’une prière redevenue, sous la conduite de la Vierge orante, celle d’un enfant plein de confiance et d’abandon. Dès lors, plus les hommes sont un dans le Cœur qui a tant aimé les hommes, plus les différences légitimes entre eux deviennent l’occasion d’échanger des richesses et plus les croyants vivent les béatitudes de justice et de paix. " (sur site cef.fr)

Une présence de service dans le monde, compassion avec les malades, respect de la vie
Les paroles d’encouragement aux malades n’ont pas manqué, comme dans tout pèlerinage à Lourdes. Mais la présence du Pape a été pour eux plus forte que les paroles. Il a voulu être parmi eux et s’est considéré comme l’un d’entre eux, y compris dans son service de présidence du pèlerinage. Voir ce pape qui ne cherche pas à dissimuler sa maladie, mais vivant avec elle et se laissant pas réduire à elle, a donné à beaucoup de malades présents un sens nouveau à cette difficile période ou circonstance la vie qu’est la maladie. Jean-Paul II s'est adressé aux malades, samedi 14 août, dans la grotte de Massabielle. "Je suis avec vous, chers frères et sœurs, comme un pèlerin auprès de la Vierge; je fais miennes vos prières et vos espérances; je partage avec vous un temps de vie marqué par la souffrance physique, mais non pour autant moins fécond dans le dessein admirable de Dieu. Avec vous, je prie pour ceux qui se sont confiés à notre prière " Donner un sens et une utilité à porter ces moments de maladie peut aider beaucoup d’entre eux.
Pendant l’homélie, que le pape prononçait avec tant de difficulté, mais de détermination, les applaudissements répétés de la foule n’allaient pas tant à ce qu’il disait qu’à l’encourager à continuer, ne serait-ce qu’en lui laissant le temps de reprendre son souffle. La Croix du 18/8/2004 rapporte les mots de deux malades à ce sujet : Robert Pastor, un handicapé, se rappelant que Jean Paul II avait été si alerte et sportif, montre du menton ses membres atrophiés: "Moi, je n’ai pas ce problème, je n’ai jamais marché. Mais lui, cela doit être tellement dur…" Souffrance, aussi, de la parole, "Chaque mot lui coûtait, on avait envie qu’il s’arrête. Quand même, il en a, de l’âge", conclut avec son accent chantant de Narbonne ce pèlerin handicapé. Paradoxalement, Robert comme Thierry sortent réconfortés de cette rencontre avec le Pape : "L’avoir vu là, malade entre les malades… J’en avais besoin… j’en ai tellement besoin", répète une dernière fois Thierry avant de s’éloigner, en poussant les roues de son fauteuil vers son train pour un nouveau départ.

Un appel à la liberté d’être et d’agir.
L’homélie du pape à la messe du 15 août a comporté plusieurs appels qui donnaient à la fête tout une dimension de mobilisation à grandir en vérité. " Chers Frères et Sœurs ! De la grotte de Massabielle, la Vierge Immaculée nous parle à nous aussi, chrétiens du troisième millénaire. Mettons-nous à son écoute ! Écoutez d’abord, vous les jeunes, vous qui cherchez une réponse capable de donner sens à votre vie. Vous pouvez la trouver ici. C’est une réponse exigeante, mais c’est la seule réponse qui vaut. En elle, réside le secret de la vraie joie et de la paix. Nous nous souvenons que le pape avait engagé les jeunes, lors des JMJ 2000 à Rome, à être "sentinelles du matin". De cette grotte, je vous lance un appel spécial à vous, les femmes. En apparaissant dans la grotte, Marie a confié son message à une fille, comme pour souligner la mission particulière qui revient à la femme, à notre époque tentée par le matérialisme et par la sécularisation : être dans la société actuelle témoin des valeurs essentielles qui ne peuvent se percevoir qu’avec les yeux du coeur. À vous, les femmes, il revient d’être sentinelles de l’Invisible ! À vous tous, frères et soeurs, je lance un appel pressant pour que vous fassiez tout ce qui est en votre pouvoir pour que la vie, toute vie, soit respectée depuis la conception jusqu’à son terme naturel. La vie est un don sacré, dont nul ne peut se faire le maître. La Vierge de Lourdes a enfin un message pour tous : le voici : soyez des femmes et des hommes libres ! Mais rappelez-vous : la liberté humaine est une liberté marquée par le péché. Elle a besoin elle aussi d’être libérée. Christ en est le libérateur, Lui qui " nous a libérés pour que nous soyons vraiment libres " (Ga 5, 1). Défendez votre liberté ! Chers Amis, pour cela nous savons que nous pouvons compter sur Celle qui, n’ayant jamais cédé au péché, est la seule créature parfaitement libre. C’est à elle que je vous confie. Marchez avec Marie sur les chemins de la pleine réalisation de votre humanité ! " Puissent aussi tous les jeunes présents garder le souvenir de ce pèlerinage et y puiser la force de devenir des hommes et des femmes libres dans le Christ ! " (18 août à Castel-Gandolfo). Nous pouvons garder le sens profond de ce pèlerinage national 2004 avec ce texte du Pape lors de la procession aux flambeaux. Il nous renvoie, par la Vierge de Lourdes, au centre du mystère chrétien et de la mission de l’Église : " Lorsqu’elle apparut à Bernadette dans la grotte de Massabielle, la Vierge Marie engagea un dialogue entre le Ciel et la terre, qui s’est prolongé dans le temps et qui dure encore. Marie demanda à la jeune fille que l’on vienne ici en procession, comme pour signifier que ce dialogue ne pouvait se limiter à des paroles, mais qu’il devait se traduire par une marche avec elle dans le pèlerinage de la foi, de l’espérance et de l’amour. À Lourdes, depuis plus d’un siècle, le peuple chrétien répond fidèlement à cet appel maternel, en se mettant chaque jour en route à la suite du Christ Eucharistie et en effectuant le soir une procession au milieu des chants et des prières en l’honneur de la Mère du Seigneur. Cette année, le Pape aussi s’unit à vous dans cet acte de dévotion et d’amour envers la Très Sainte Vierge, la femme glorieuse de l’Apocalypse, qui porte sur la tête une couronne de douze étoiles (cf. Ap 12,1). Tenant dans nos mains le flambeau allumé, rappelons et professons notre foi au Christ ressuscité. C’est de Lui que notre vie tout entière reçoit lumière et espérance. Je vous confie, chers Frères et Sœurs, une intention particulière pour la prière de ce soir : invoquez avec moi la Vierge Marie afin qu’elle obtienne au monde le don tant attendu de la paix. Que naissent en nous des sentiments de pardon et de fraternité ! Que soient déposées les armes et que s’éteignent la haine et la violence dans nos cœurs ! Que tout homme voit dans l’autre, non pas un ennemi à combattre, mais un frère à accueillir et à aimer, pour construire ensemble un monde meilleur. Invoquons ensemble la Reine de la paix et renouvelons notre engagement au service de la réconciliation, du dialogue et de la solidarité. Nous mériterons ainsi la béatitude que le Seigneur a promise aux "artisans de paix" (Mt 5, 9).