Bâtir des ponts spirituels en Europe

Edouard K. SENGHOR, Spiritain.


Rassemblés par un projet spirituel, dans la force de l’Esprit, les jeunes d’origine différente, savent communiquer simplement par delà les frontières. Nous donnons l’exemple d’un camp de l’été dernier.
           
            « Tout est grâce » disait le père Libermann, il y a plus d’un siècle. Comment ne pas citer ces saintes paroles qui résument bien les temps forts d’amour et de fraternité vécus à Marseille, au château Régis situé à Saint Menet à l’intérieur de l’école Notre Dame de la jeunesse, du 12 au 22 août 2004. Le Seigneur dont l’amour est tout puissant, nous a donné la grâce de vivre ensemble avec environs cent vingt jeunes venant de cinq pays d’Europe.
Rassemblés par l’Esprit Saint, au nom de Jésus Christ, ces jeunes ont partagé avec leurs sœurs et frères en Christ la richesse de leur patrimoine spirituel et culturel. Lors de ce séjour marseillais, nous avons eu la chance d’avoir parmi les participants des chrétiens de différentes confessions (des orthodoxes venant de la Russie, des catholiques, des protestants évangéliques et luthériens) et même des musulmans.
Ainsi, au début du camp, c’est un prêtre orthodoxe russe qui a béni les participants à cette rencontre de fraternité dans un rite orthodoxe. Grâce à l’esprit de tolérance et de respect qu’il y avait dans le camp, nous avons vécu des moments de prière œcuménique au cours desquels chaque groupe religieux montrait, dans l’humilité et la simplicité aux autres, sa manière de prier, de louer et de s’adresser à Dieu. Pendant ces moments forts de prière, nous avons senti une chose très importante, à savoir que si nous vivons des moments intenses de grâce, c’est parce que l’Esprit de notre Seigneur Jésus Christ est à l’œuvre dans les cœurs des participants.
Poussés par l’Esprit Saint qui sanctifie tous les enfants de Dieu, nous avons eu même l’occasion de vivre une célébration œcuménique du pardon et de la réconciliation dans laquelle nous avons tous reconnu que, malgré nos différences, nos oppositions et les fondements théologiques de notre foi respective, il y a quelque chose qui nous unit ; nous sommes en effet, filles et fils d’un même Père appelés à la liberté, à nous entendre et à nous aimer comme le Christ a aimé l’humanité jusqu’à se livrer pour réconcilier les hommes pécheurs avec Dieu.
Le but principal du camp était de réaliser, avec l’aide d’un metteur en scène professionnel, un théâtre de rue au ‘Vieux port’ de Marseille, à partir de la tragédie moderne de l’auteur grec Nikos Kazantzaki qui s’intitule ‘Le bâtisseur de pont’. Ce théâtre correspondait un peu avec le projet et le rêve des jeunes qui, en venant à Marseille, étaient convaincus qu’il était possible de bâtir un monde meilleur de justice, de paix et d’amour. pour participer à l’édification de cette planète idyllique, chaque campeur est venu avec sa pierre qu’il a posé pour la construction du pont de la vie authentique qui n’est rien d’autre qu’un ouvrage inébranlable et immuable fait d’amour, d’amitié, de solidarité et de fraternité.
Ce théâtre avait lien non seulement avec le désir des jeunes, mais aussi avec le projet pédagogique même du camp qui, rappelons le, était d’aider au bon développement social, humain et psychoaffectif des jeunes par le biais de la responsabilisation, l’autonomie dans le respect des règles de la vie en collectivité et la sociabilisation.
Pour faire un bref résumé de ce théâtre nous pouvons dire que l’histoire se passe dans une cité méditerranéenne, à l’aube des temps, où un jeune maître-maçon fut choisi par son peuple pour bâtir le pont qui relirait les siens avec les autres nations. Pour arriver à faire parfaitement son travail, il lui faut payer un prix très cher ou du moins il lui faut faire un très grand sacrifice dans lequel il est obligé d’offrir ce qu’il a de plus cher au monde : l’amour pour sa belle princesse. Cette tragédie nous montre le chemin du don radical de soi pour sauver ceux que l’on aime, de la solidarité, de « l’amour plus fort que la mort » et de la confiance en Dieu dans toutes choses. Autrement dit cette tragédie renferme plein de valeurs évangéliques.
            En définitive, nous pouvons dire que nous avons vécu des moments inoubliables à Marseille avec tous ces jeunes qui étaient remplis d’espérance, cette espérance qui nourrit notre foi et qui ne déçoit jamais (Rm5, 5).