Vie chrétienne
Actualité
Les Fraternités du Saint Esprit
Jean Savoie
Nous présentons régulièrement dans cette Revue les Mouvements et
Communautés de spiritualité. Il est une Fraternité qui mérite d’être présentée
à part ici pour plusieurs raisons. D’abord parce que la Revue est née pour
ainsi dire en son sein, ensuite parce qu’elle a adopté la Revue comme sa
nourriture spirituelle, enfin parce que cette Fraternité est confiée à la même
gestion spiritaine que la Revue. Ce sont les Fraternités du Saint Esprit.
Les
Fraternités du Saint Esprit sont le nom actualisé de ce qui s’appelait il n’y a
pas si longtemps l’Archiconfrérie du Saint Esprit. C’est sous ce titre qu’elle
a reçu l’approbation du pape Léon XIII à la demande de l’Archevêque de Paris,
Mgr Darboy, qui l’avait reconnue lui-même dans son diocèse comme Confrérie du Saint-Esprit.
En devenant Archiconfrérie elle pouvait
regrouper toutes les confréries du même nom de tous les diocèses sous une
obédience papale et elle était confiée à la Congrégation du Saint Esprit. On
peut donc parler depuis le Concile des Fraternités du Saint Esprit comme
l’expression de l’ensemble des Fraternités qui en font partie. Cet ensemble
comporte actuellement environ 3000 membres en une quarantaine de Fraternités
réparties sur sept pays.
C’est surtout
l’esprit et l’actualité de ces
Fraternités que je voudrais retracer ici à travers leur histoire et leur engagement
actuel. C’est un mouvement spirituel de laïcs pour les laïcs, confié à la
Congrégation du Saint Esprit.
Mademoiselle
Emma Boulengey
Emma Boulengey
est une Bretonne de Saint Brieuc qui portait en elle cette reconnaissance de
l’Esprit Saint répandue dans cette Province depuis longtemps. On peut en citer
quelques témoins bien connus :
Le P.
Lallemant, auteur de La Doctrine Spirituelle, Michel le Nobletz , le
prêtre qui fera l‘admiration du Serviteur de Dieu, Claude Poullart des Places,
fondateur de la Congrégation du Saint Esprit, le Saint ? Grignion de
Montfort etc. Elle a cherché comment concrétiser l’appel de Dieu au-delà
des Congrégations qu’elle a contactées.
Elle est venue à Paris dans une démarche spirituelle. Elle a commencé des
réunions de personnes qui voulaient bien prier l’Esprit Saint avec elle. Elle
s’était remise aux conseils du P. Frédéric Le Vavasseur, spiritain ami du
Vénérable Libermann.
Le
P. Le vavasseur par les réponses à ses nombreuses lettres et billets, l’accueil
à ses visites hebdomadaires, le discernement dans toutes consultations, a su
l’aider à préciser l’appel de Dieu dans cette fondation. Il a su aussi par
ailleurs accompagner le désir de ses confrères spiritains qui voulaient fonder
une association en l’honneur du Saint Esprit(1)
en donnant la priorité à ce qui se préparait par Emma Boulengey. C’est à
Pentecôte 1867 que fut reconnue par le diocèse de Paris l’Association d’Emma
Boulengey. Elle réunissait des personnes très diverses d’âge, de rang social,
d’activité, de place dans l’Eglise.(2)
Le point commun demandé était la volonté de se consacrer à l’Esprit Saint et de
le prier ensemble pour les besoins de l’Eglise.
Emma
Boulengey quitta Paris très vite après la Pentecôte, à la fin juin. Très
malade, elle alla se soigner en Bretagne, mais son mal l’emporta la même année.
Elle mourut en décembre 1867. Sa mission était accomplie, l’Association du
Saint Esprit pouvait continuer à Paris.
Implantations :
L’Abbaye-au-Bois, rue de Sèvres,
Ste-Geneviève, Rue d’Ulm et Rue Lhomond
Le premier lieu de réunion des Fraternités du Saint Esprit à
Paris fut à la chapelle de l’Abbaye-au-Bois, 16 rue de Sèvres chez l’abbé
Ansault qui en fut le premier aumônier. Après la guerre de 1870, les réunions
reprirent en l’église Sainte-Geneviève qui accueillit la Fraternité en la
personne de M. le Doyen Bonnefoy. C’est là qu’à la demande de l’Archevêché de
Paris la Confrérie fut érigée en Archiconfrérie, pour qu’elle puisse rassembler
toutes les confréries de même nom. Ceci fut accordé par le Décret Pontifical de
1884. Quand le Gouvernement français décida de fermer Ste-Geneviève au culte,
pour en faire le Panthéon dédié aux Grands Hommes, la Fraternité fut reçue par
la Chapelle des Sœurs de l’Adoration, rue d’Ulm. Cela ne dura pas car
l’Aumônier mourut et l’Archevêque de
Paris, le Cardinal Guibert, demanda au Supérieur du Saint-Esprit non seulement
d’accueillir la Fraternité, mais d’en accepter la responsabilité, en raison de
sa consécration au Saint Esprit. Par là, l’Association d’Emma Boulengey devenait
inter-diocésaine sous l’autorité du Pape qui en confiait la charge pastorale à
la Congrégation du Saint Esprit. Il est noté alors dans les rapports que
« le Supérieur général de la Congrégation accueillit cette responsabilité
comme un service d’Eglise, l’Archiconfrérie n’étant pas un Tiers-Ordre
spiritain, mais une association s’adressant à tout baptisé, sans lien spécial
avec la Congrégation qui la gère ».
Les
célébrations du centenaire à la Pentecôte 1967
Le Centenaire de l’Archiconfrérie du Saint Esprit (actuelle Fraternité
du Saint Esprit) a revêtu une grande solennité. Elle a été préparée par une
neuvaine de prières à l’Esprit Saint et une série de Conférences spirituelles
sur le thème : « Le Saint Esprit et la foi ». Le choix de ce
thème venait d’une Exhortation Apostolique du Pape Paul VI proclamant une
« année de la foi » pour le 19e Centenaire du martyr des
Apôtres Pierre et Paul à Rome. Le Pape demande les prières des chrétiens, car
il voit que la foi est menacée par l’athéisme et par des « opinions
exégétiques et théologiques nouvelles, qui dépouillent l’Ecriture Sainte de son
caractère historique et sacré » (D.C. 19/3/1967). Le thème de chaque jour
étudie la foi dans son rapport à un des sept Dons du Saint Esprit. Il nous est
ainsi précieux de savoir qu’après le Concile Vatican II, la Fraternité du Saint
Esprit a été attentive à en favoriser l’application par l’écoute des demandes
du Pape.
Pendant quinze jours s’est tenue, dans la maison, une exposition des
souvenirs et documents concernant l’Archiconfrérie. La célébration du
Centenaire a eu lieu le jour de la Pentecôte dans la chapelle du Saint Esprit,
sous la présidence du Supérieur Général de la Congrégation, Mgr Lefebvre,
entouré de six concélébrants, face à une pleine chapelle de fidèles et membres
des Fraternités. Le lendemain les associés allaient en pèlerinage à Chevilly
« où fut rédigé à Pâques 1867, par les Pères Riehl et Xavier Libermann, le
Mémoire sur l’opportunité de l’Association en l’honneur du Saint-Esprit ».
Ces détails nous indiquent comment l’histoire de la Fraternité était alors bien
vivante dans le cœur de tous.
Un parcours de 140 ans
Le Supérieur
Général du Saint-Esprit désigne un prêtre de la Congrégation comme Directeur
des Fraternités du Saint Esprit. Pendant longtemps ce fut un membre du Conseil
général lui-même, marquant ainsi l’importance que la Congrégation attachait à
cette mission d’Eglise. Nous connaissons les directeurs généraux
successifs : depuis le P. Pascal en 1867, jusqu’à aujourd’hui.
Les Registres
d’inscription marquent un grand développement du nombre des Fraternités dans
plusieurs pays : plus de 41000 adhésions de groupes ou de personnes. Il
est à noter que le Registre Central parisien n’est pas complet depuis que
l’inscription individuelle se fait dans les diocèses qui ont reconnu la
Fraternité. Ceci a des avantages pastoraux de responsabiliser les Fraternités
locales, mais peut présenter des inconvénients à la longue. Il serait possible
d’y remédier s’il le fallait.
Nos Archives
donnent aussi le témoignage de beaucoup d’animations spirituelles, de
retraites, de récollections, d’assemblées diocésaines dans divers pays,
notamment au Congo Brazzaville où il existe pratiquement une fraternité dans
chaque paroisse.
La vitalité des Fraternités dans
les jeunes Eglises.
C’est en relisant les programmes d’année
des Fraternités qu’on peut voir leur vitalité spirituelle. Notons d’abord la
formulation du but des Fraternités tel qu’il est défini par les Statuts-types
qui sont la base présentée aux évêques pour les adapter à leur diocèse s’ils
les approuvent.
Article 4. Le but de la Fraternité …est
celui déjà défini par la Direction Générale des Fraternités, à savoir:
1.
Rendre à l'Esprit Saint un culte spécial de reconnaissance et d'amour.
2.
Appeler une effusion toujours plus abondante de ses dons sur l'Église,
spécialement sur le Souverain Pontife et les Évêques, ainsi que sur les
missionnaires travaillant à la propagation de la foi.
3.Obtenir pour chaque membre des Fraternités la
grâce d'agir en toute chose sous la conduite et l'influence du Saint
Esprit: "ceux‑là sont les enfants de Dieu qui sont conduits par
l'Esprit de Dieu" (Rom. 8,14).
4. Faire de chaque associé un membre actif dans la mission
d'évangélisation. En plus du témoignage de vie chrétienne donné par chaque
membre, la Fraternité en tant que telle reçoit, des responsables diocésains ou
paroissiaux, une part déterminée d'activités apostoliques qui forme sa
contribution à la mission globale diocésaine.
5.
"Prière et mission", "contemplation et évangélisation" ces
deux devises expriment la spiritualité des Fraternités du Saint‑Esprit.
Elles sont composées des deux termes qui unissent les deux pôles de la vie
chrétienne. En effet, l'Esprit Saint a pour rôle de nous configurer au Christ à
la fois adorateur de son Père et sauveur de l'homme, au service duquel il se
donne jusqu'à en mourir.
Relevons aussi les
engagements de chaque membre : « En entrant dans l’Association, les
fidèles s’engagent à travailler au développement en eux et chez les autres de
la remise de tout soi-même au Saint Esprit. Dans ce but ils s’appliqueront
avant tout à mener une vie pleinement chrétienne selon leur état afin de
témoigner du Christ autour d’eux. »
Article 7. La Fraternité locale se réunit au
moins une fois par mois. I1 est souhaitable qu'il y ait 2 réunions mensuelles.
La Fraternité encourage ceux de ses membres qui voudraient se retrouver, chaque
semaine, pour prier ensemble.
Article 9 Tous les
membres sont frères et sœurs dans le Christ et ont des devoirs les uns envers
les autres. Leur vie fraternelle est un témoignage évangélique.
Article 12
Tout membre des Fraternités du Saint‑Esprit doit être initié à
la prière personnelle, pour faire de toute sa vie une prière. Pour cela, chaque
membre doit suivre les Sessions et Récollections de formation à la prière,
notamment la Retraite d'Oraison qui, nécessaire pour être admis dans la
Fraternité, doit être refaite périodiquement par tous.
Article 13 Chaque
membre des Fraternités renouvelle tous les jours sa consécration à l'Esprit
Saint et récite à cet effet une prière de son choix à l'Esprit Saint.
Article 14 Chaque
réunion de la Fraternité comporte une partie importante consacrée à la prière.
Celle‑ci peut prendre des formes très diverses. En février, mois consacré
au Saint Esprit, chaque Fraternité intensifie les rencontres de prière.
Le
premier Congrès Africain en mai 2006
En mai 2006, les Fraternités de Côte d’Ivoire ont
invité à un Congrès panafricain les autres Fraternités d’Afrique. Une large
réponse a été donnée par la participation environ 300 personnes, un compte
rendu a été diffusé, un mouvement d’ensemble a été donné.
Le compte-rendu de ce Congrès relate la célébration
de la fête de Pentecôte : « La célébration de la fête patronale de
Pentecôte, le 4 juin 2006, s’est déroulée à la Cathédrale St Paul du Plateau à
Abidjan. La messe était présidée par le P. Daniel M’bimi, Supérieur des
Spiritains d’Afrique Centrale. Au cours de la messe, retransmise en direct par
Radio Espoir, il y a eu 67 consécrations et 51 engagements des membres des Fraternités du Saint Esprit. Tous
originaires des diocèses de San Pedro, d’Abidjan, de Yopougon et de Grand
Bassam. Le Père Daniel M’bimi a insisté dans son homélie sur la vie que doivent
mener les membres de la Fraternité et tout chrétien, à savoir : devenir
des modèles à l’image du Christ et de ne pas vivre comme dans les sectes, mais
mettre ses charismes au service de la communauté et de l’Eglise. »
Des leçons seront tirées pour qu’un Congrès suivant
profite de cette expérience et suscite encore plus de retombées spirituelles
sur toute la Fraternité.
Les
autres associations de laïcs
accompagnées par les Spiritains et Spiritaines.
Beaucoup de Congrégations
religieuses ont accueilli des laïcs qui désirent partager leur spiritualité et
leurs activités apostoliques propres, autrefois des tiers ordres, maintenant
des Fraternités ou, en France, des Groupes de
vie évangéliques.
La Congrégation du Saint Esprit, en plus du mouvement des
Fraternités du Saint Esprit qui est une œuvre d’Eglise animée par les
spiritains comme on vient de le dire, mais non dans la spiritualité
spiritaine, a aussi fondé des agrégés
laïcs partageant eux notre spiritualité et action. Cette agrégation de laïcs a
été peu centralisée et laissée à l’initiative de chaque circonscription ;
ce qui aboutit a des groupes assez différents. Ils sont appelés parfois associés,
parfois laïcs engagés parfois laïcs missionnaires, et surtout les
Fraternités Spiritaines.
Les Fraternités Spiritaines pourraient se confondre avec
les Fraternités du Saint-Esprit, pour le nom, mais elles vivent la spiritualité
spiritaine et se réfèrent à nos fondateurs et fondatrices. En France, il y a
pratiquement une Fraternité spiritaine auprès de chaque communauté, ce qui fait
200 personnes environ. Elles ont été fondées en 1991 par le Provincial
spiritain et la Provinciale spiritaine. Elles se développent maintenant hors de
France
Il faudrait citer ici d’autres groupes spiritains :
les Servantes du St Esprit et de Jésus prêtre, les Oblates du Saint Esprit,
etc.
Vers la célébration des 140 ans
2007 est
l’année du 140e anniversaire des Fraternités. J’ai pu rencontrer le
Supérieur Général spiritain à Rome récemment. Il m’a confirmé l’intérêt qu’il
porte aux Fraternités du Saint Esprit. Il m’a assuré qu’il écrirait
prochainement une lettre d’encouragement aux Fraternités du Saint Esprit.
Aussi, nous
voici certainement à un moment favorable pour un nouvel élan des Fraternités du
Saint Esprit. Des Fraternités reçoivent de nouveaux adhérents, des Fraternités
nouvelles se forment. Le développement des groupes de prières et des
communautés charismatiques, n’a pas affaibli les Fraternités du Saint
Esprit ; c’est donc que leur place dans l’Eglise se confirme comme une
vocation spécifique qui convient à de nombreuses personnes et qui rend de
nombreux services dans les diocèses et dans les paroisses. Aussi, c’est un
précieux devoir pour nous, spiritains, de continuer cette mission apostolique,
parmi tous les appels de l’Esprit dans le monde de ce temps. ¨