Signes et témoins
Les groupes de prière,
présence du Christ dans notre monde
Christian Thuet,
spiritain
Le Frère
Christian Thuet a commencé sa vie missionnaire en oeuvrant dans le
développement agricole à Madagascar, en 1993. En 2003, il a été affecté aux
services généraux de sa Congrégation. Il est en charge à mi-temps d’un service
de logistique (achat et envoi de matériel, abonnement à des revues ,
envois de matériel aux partenaires extérieurs), en même temps, il était chargé
du Service Justice et Paix, antenne France du Réseau Foi et Justice
Afrique-Europe. C’est dire son expérience missionnaire dans les services
échangés, les personnes contactés, les besoins abordés. Christian témoigne
comment sa vie et ses activités sont unifiées par la présence et l’action du
Christ, Frère et Serviteur.
Le 21 juin 2003, fête de la musique, alors que
j’arrivais dans notre communauté de Paris, j’ai été invité à voir une animation
musicale devant l’église Saint Etienne du Mont. Ce fut pour moi, la première découverte
d’une nouvelle image de l’Église de France. Je rencontrais Jean-Alexandre qui
m’a aidé à mieux découvrir les groupes de jeunes chrétiens.
La rencontre de groupes
de prière
Dès Octobre
2003, je suis allé à la prière du groupe d’adoration eucharistique ABBA.
Le groupe ABBA, né il y a quelques années, anime tous les mercredis soir de
20h45 à 22h15, un temps d’adoration eucharistique. Depuis Octobre 2003, je
participe régulièrement à ces temps de prière ; longs temps de silence,
entrecoupés de chants mélodieux et de méditations. Un public très divers aime
venir se reposer auprès du Maître…
En Janvier 2004, Jean-Alexandre m’a
invité au « Forum de l’Amour » organisé par le groupe « génération
Jean Paul II ». Le « groupe génération Jean-Paul II», est né
à la suite des Journées mondiales de la jeunesse de Paris, en 1997. Il est
centré autour de trois objectifs : - 1° Prier pour l’unité de
l’Église ; - 2° Mettre l’eucharistie au centre de leur vie - 3° Prier pour
les vocations dans l’ Église. Tous les premiers vendredi du mois, ils (et
elles) se retrouvent dans différentes églises de Paris pour un temps de prière
(adoration eucharistique et messe) suivit d’un temps convivial. Le Forum de
l’Amour rassemble une partie de la jeunesse chrétienne dans l’église Sainte
Clotilde. Le premier Forum de l’Amour désirait présenter les diverses vocations
(Vocation au mariage, à la vie religieuse et à la prêtrise). La deuxième année
était centrée sur la sexualité. Cette année, nouveau thème :
Aimez-vous !
En juin 2005, grâce à Alexandre,
rencontré lors de prières de « Génération Jean Paul II », j’ai été
amené à rencontrer les « semeurs d’espérance ». Depuis lors,
je chemine aussi avec eux. La rencontre des personnes sans–abris, dans trois
gares parisiennes (Gare de Lyon, gare Montparnasse et gare du Nord) constitue
le socle de leur présence missionnaire. Tous les mardis, la prière du chapelet
les rassemble dans l’église Saint Gilles et Saint Leu, rue Saint Denis. Ils (et elles) déposent auprès du Christ, par Marie, toutes
les personnes rencontrées dans les gares et prient à leurs intentions.
Après le Chapelet, un temps convivial réunit le groupe dans un restaurant
Chinois. La fraternité se noue et s’affermit chaque jour. Un vendredi par mois,
ils proposent une soirée-partage avec un témoin chrétien suivit d’une nuit de
prière et d’adoration.
Depuis
novembre 2004, je participe régulièrement aussi à la prière de la communauté
Sant’Egidio. La communauté « Sant’Egidio » est reconnue
mondialement pour les négociations de paix grâce à l’action insatiable de son
fondateur, Andréa Ricardi. La prière pour les condamnés à mort de différentes
parties du monde fait aussi partie de leurs objectifs. La communauté vit un
lien très fort avec la communauté mère de Rome, en Italie. L’uniformité de la
composition de la prière et des mélodies au niveau mondial permet de conserver
ce lien fondamental avec la communauté dans son internationalité. La communauté
a aussi une action caritative reconnue pour les enfants (école de la paix), les
personnes âgées et les personnes de la rue.
Que m’apportent ces
rencontres ?
Qu’est ce que
je retiens de toutes ces rencontres pour ma vie de foi, ma vie de jeune
chrétien et ma vie de jeune religieux missionnaire en France ?
La présence du Christ
agissant
Je suis
d’abord convaincu que cette diversité de groupes répond à une attente
profonde de notre monde contemporain : attente de sentir la
présence du Christ agissant dans le cœur de personnes se laissant
transfigurer par lui chaque jour. Chaque groupe propose une réponse spécifique
à un unique appel. Comme témoignait Thierry, personne sans domicile fixe,
adopté par les semeurs d’espérance depuis de nombreuses années : « Je
suis dépendant de l’alcool, j’ai rencontré les semeurs d’espérance qui
constituent ma famille. Je ne suis pas complètement libéré de la dépendance de
l’alcool. Ce n’est pas le chapelet qui me sauve, mais la prière du chapelet
ouvre dans mon cœur une brèche pour que le Christ puisse y travailler et aider
à me guider dans ma vie de chaque jour ! ». Je suis fermement
convaincu que c’est le Christ qui se manifeste à travers ce foisonnement
d’initiatives. J’insiste ici sur la pédagogie de l’unité et de l’unification
de nos vies réalisées par le Christ, seul sauveur. Ces jeunes chrétiens me
font découvrir le Christ, comme personne qui vient nous rejoindre dans nos
faiblesses et nos combats intérieurs. Le Christ, seul peut nous donner la
force de lutter contre toutes les forces qui nous séparent. Le Christ doit
ainsi devenir la pierre angulaire, le ciment de notre vie de communauté, c’est
uniquement parce que nous sommes tous unis autour du Christ que nous trouverons
la force de dépasser nos différences.
Une union en son Nom
Depuis
quelques années, une prière « Unis en son Nom » rassemble,
deux fois par an, les groupes de prière de Paris. Les groupes de prière, bien
qu’ayant des approches fort différentes, se retrouvent pour partager un temps
de prière ensemble auprès du Maître. Ce qui me frappe c’est que, malgré la
diversité des modes de prières, l’important reste l’union autour du Maître.
Beaucoup de paroles d’exhortation des divers orateurs insistent sur le respect
des différences. Ces temps sont pour moi essentiels à la vie de l’Église
corps du Christ qui doit accepter la diversité de ses membres. Ces temps
permettent de consolider d’une façon plus mystique et plus spirituelle ce corps
du Christ.
Je vis aussi
une autre expérience d’unification. Depuis janvier 2006, je fais partie d’un cénacle.
Le cénacle propose à des jeunes participant régulièrement à la prière du
mercredi soir de se retrouver en plus une fois par semaine pour un temps
convivial de partage autour d’un repas et une prière en petit groupe. Nous
sommes 6 et nous avons décidé de nous retrouver tous les 15 jours. Nous sommes
très différents. Nous découvrons que lorsque s’approfondit notre relation au
Christ, nos partages sont plus riches et notre unité plus solide.
Des repas fraternels
Depuis
quelques mois, j’essaie de rassembler les amis de divers groupes (groupes de
prières, jeunes chrétiens engagés, et spiritains) que je côtoie pour des repas
fraternels. Tout se passe autour d’un repas, temps d’échange et de
convivialité. Nous finissons habituellement par un temps de prière de 20
minutes durant lequel j’essaie de remettre entre les mains du Maître tout ce
qui fait notre vie, nos joies et nos peines et de prier pour les différents
engagements de nos groupes d’appartenance.
Ces rencontres et repas fraternels me
conduisent à proposer aussi le même schéma à mes confrères dans le but de faire
avancer la fraternité. J’organise donc, depuis peu, des temps fraternels avec
mon équipe de vie de la procure des missions. C’est uniquement la force du
Christ reçue à travers toutes les rencontres de jeunes qui me conduit à me lancer
dans cette aventure. La fraternité devient comme un don reçu du Christ qui
nous unit malgré nos grandes différences qui parfois peuvent paraître
insurmontables.
Une réponse à la quête
de sens
Dans notre
monde de l’hypermarché du super ou supra-naturel et de la peur du lendemain,
ces groupes proposent pour moi des réponses ajustées à la quête de sens de
notre monde. Le silence de l’adoration eucharistique et la répétition du
chapelet ouvrent dans notre monde hyper - occupé des espaces de rupture et de
gratuité qui permettent de se ressourcer auprès du Maître.
Depuis l’année
2006, le groupe ABBA, en lien avec la paroisse de Saint Etienne du Mont (Paris
5°), organise des « Journées missionnaires ». Vers 16 heures, et
après un temps de prière, l’adoration eucharistique est proposée dans l’église.
Un petit groupe reste dans l’église pour animer le temps d’adoration. Les
portes de l’église sont ensuite grandes ouvertes. Des personnes sont disposées
à l’accueil pendant que d’autres, deux par deux, vont rencontrer les passants
pour les inviter à rentrer dans l’église et leur proposer un temps de prière.
La « mission » se fait en binôme ; une personne parle pendant
que l’autre prie. La journée se finit vers 18h45 par la messe durant laquelle est
récapitulé tout ce qui s’est vécu durant cette journée. Pour moi, religieux
missionnaire, ces dimanches missionnaires sont une grande école d’humilité.
Le Christ, dont je suis appelé à devenir le témoin, ne me demande pas de
témoigner de lui seul, mais en communauté ! Jésus, sur la Croix,
confie l’Église à Marie. L’Église communauté des croyants a, comme Marie, à se
laisser enfanter du Christ pour devenir le Corps de Christ. Religieux
missionnaire spiritain, je me dois de bien remettre en évidence la dimension de
la vie religieuse communautaire. C’est la communauté des croyants qui est
appelé à devenir signe de la présence du Christ dans notre monde, non un
individu seul !
Un engagement exigeant
Je suis aussi
frappé par les exigences fortes posées par ces groupes de jeunes chrétiens.
Le noyau du groupe ABBA prend au très au sérieux son engagement. Le noyau
d’ABBA est constitué de 6 personnes qui prennent cinq engagements.
Ils et elles se retrouvent régulièrement pour porter la vie du groupe de prière
ensemble. Les semeurs d’espérance se retrouvent, en plus du chapelet du mardi
soir, un vendredi par mois pour porter leurs activités dans la prière auprès du
maître. La communauté de Sant’Egidio porte elle, tous les mardis et jeudi, son
travail dans la prière. La générosité et le sérieux des jeunes chrétiens me
touchent profondément. Elles sont pour moi le signe de l’action du Christ
dans les cœurs. Loin de la tiédeur, ils et elles veulent témoigner de la
radicalité de l’appel évangélique. Chrétiens engagés depuis quelques années,
nous avons parfois peut - être trop tendance à oublier cette radicalité. Peut -
être y a - t’il quelques excès, mais l’ambiance de prière dans laquelle tout
cela est porté, aide à vivre cela dans un réel équilibre.
Engagé au service du
Christ-personne
Pour ma
congrégation religieuse missionnaire spiritaine, je suis chargé des questions
« Justice et paix ». Mon engagement pour la justice et la paix se
trouve transformé par ces rencontres. Ce n’est plus un engagement
uniquement pour de grandes causes, mais un engagement au nom du
Christ-personne. Cela me conduit à insister nettement plus sur la vie avec le
Christ lors de mes rencontres à coloration Justice et Paix. Je rejoins ici la
grande geste des spiritains partis servir les peuples lointains, que ce soit
dans la fondation d’Eglises, le développement agricole ou de nombreuses œuvres
sociales de par le monde. Repartant de la source, nous pourrons tous, je
l’espère, mieux nous parler et partager ce qui
nous fait vivre… ¨