Vie chrétienne
Actualité
Les Eglises évangéliques
Jean
Savoie, spiritain
>br>
Le dialogue entre l’Eglise catholique et
les Eglises évangéliques a connu un regain d’actualité. Les Documents Episcopat
(8/2006) ont pour titre : Regards sur le protestantisme évangélique en
France(6).
Des contacts se sont engagés entre catholiques et évangéliques d'une part,
réformés, luthériens et évangéliques d'autre part, ils invitent à de nouvelles
relations reposant sur une meilleure connaissance réciproque.
Les
Eglises évangéliques ont trois siècles d’histoire et pourtant, on en parlait
peu dans le monde chrétien. Il est vrai que leur nombre était en baisse vers
les années 1930, 25% du protestantisme, alors qu’ils atteignent maintenant 70%.
De plus, elles étaient dispersés en églises autonomes, et font maintenant
partie de grandes fédérations. Certaines statistiques leur accordent 500
millions de fidèles ce qui représente le 2e grand ensemble chrétien
dans le monde après les catholiques. Enfin, il faut relever leur vitalité
religieuse partout dans le monde et la qualité de leur foi, dans une ambiance
générale peu engagée en vie spirituelle.
Qui sont ces Eglises évangéliques ?
L’évangélisme, ou protestantisme évangélique, est le
courant dominant du protestantisme conservateur. On l’appelle aussi
christianisme évangélique. Cet ensemble réunit des confessions du christianisme
dans diverses Églises protestantes qui ont essentiellement en commun l'importance
qu'elles accordent à la conversion personnelle, relevant d'un choix personnel,
suite à l'expérience religieuse (la rencontre du Christ) et impliquant un
changement radical de vie (s'engager pour le Christ), avec une relation
individuelle à Dieu s'articulant très fort autour de la lecture de la Bible.
Aujourd'hui,
le terme désigne de façon générique tous les groupes au sein de confessions
protestantes et même certains catholiques, qui donnent une place importante ou
prépondérante à la conversion personnelle, à la lecture de la Bible, et à
l'engagement militant[].
D'autres groupes peuvent se rapprocher théologiquement ou sociologiquement
(c'est le cas de certains catholiques) de cette tendance sans pour autant être
évangéliques au sens strict.
Henrik Lindell,
journaliste français, écrivait dans Témoignage Chrétien du 8 juin
2006 : « Les évangéliques sont difficiles à cerner comme groupe distinct.
Comme chez les cathos, on y retrouve des communautés progressistes et
conservatrices. Au sein du protestantisme, dont ils forment un des principaux
courants, ils sont connus pour leur relative orthodoxe biblique, leur
insistance sur la conversion personnelle, le sens de la communauté professante
et leur méfiance à l'égard des grandes structures. À l'échelle de la planète,
il existe plusieurs centaines de millions d'évangéliques, particulièrement en
Amérique, en Afrique et en Asie du Sud-Ouest. En Europe, ils s'imposent de plus
en plus face aux Églises historiques. En France, selon un sondage CSA pour Réforme
et La Croix il y a six mois, environ un quart des protestants (4% de la
population) se dit proche des évangéliques. Ils seraient aussi nombreux que les
réformés. Les jeunes Français (18-24 ans) se sentent plus proches des
évangéliques […] que des luthériens et réformés réunis. »
Le monde évangélique d'aujourd'hui est une
véritable mosaïque. Il y règne une immense diversité, allant de gens extrêmement
ouverts sur le plan théologique et œcuménique, à d'autres extrêmement fermés
sur ces plans-là, et entre les deux, il y a place pour la variété.
C'est sans doute en Europe que cette explosion
est la moins perceptible ; on la voit mieux en Amérique du Nord. Elle est
évidente en Amérique du Sud (Brésil) et surtout en Afrique. Lors du colloque du
Groupe de sociologie des religions et de la laïcité à Paris en 2002 les
estimations mondiales données ont été de 200 millions d'évangéliques classiques
et de 352 millions de Pentecôtiste et charismatiques soit au total 550 millions
d'évangéliques les plaçant au deuxième rang parmi les religions issues du
christianisme, après le catholicisme..
Approche théologique autour de la
profession de foi
C'est un
constat incontournable : parmi les chrétiens, et même parmi les
protestants, les évangéliques se distinguent particulièrement par leur piété et
la place qu'ils accordent à la pratique de leur religion. Cela est tellement
vrai que les sociologues les plus remarqués n'ont pas vraiment pu donner
d'autre distinction de l'identité évangélique que dans ce que les évangéliques
croient. une christologie conservatrice : qui inclut la naissance
virginale du Christ et le principe de l'Incarnation, la réalité et
l'historicité de ses miracles et surtout de sa résurrection, des considérations
variables sur la relation entre les récits de l'Évangile et la réalité de la
vie de Jésus ; En sociologie des
religions, ces points de foi se traduisent par des attitudes sociologiques qui
permettent d'identifier un comportement sociologiquement évangélique.
Ces
caractéristiques constituent un ensemble doctrinal cohérent de confessions de
foi évangélique dont la Déclaration de l'Alliance évangélique de 1846 a servi
et sert encore de référence ou d'exemple à la quasi-totalité des organismes
évangéliques.
L'union avec
le Christ, révélée par l'écriture, procure une réelle unité spirituelle avec
tous ceux qui ont fait la même expérience fondamentale que la Bible appelle «
nouvelle naissance ». Celle-ci débouche à son tour sur une profonde unité
théologique. Une juste connaissance du monde évangélique étant rendue difficile
par son morcellement, sa convergence assure des points essentiels d'autant plus
significatifs. En fait, cette unité spirituelle transcende les divergences
théologiques, souvent secondaire. Elle permet des actions communes, efficace
sur le terrain, tant au niveau de l'évangélisation et de la mission que de
l'action sociale et d'un engagement éthique conséquent. Elle est au cœur de la
spécificité évangélique. Voici cette Déclaration :
Déclaration de foi
de l'Alliance Évangélique Française
Nous croyons:
.
Que l'Écriture Sainte est la Parole infaillible de Dieu, autorité souveraine en
matière de foi et de vie.
. En un seul Dieu, Père Fils et Saint-Esprit de toute
éternité.
. En
Jésus-Christ notre Seigneur, Dieu manifesté en chair, né de la Vierge Marie, à
son humanité exempte de péché, ses miracles, sa mort expiatoire et rédemptrice,
sa résurrection corporelle, son ascension, son œuvre médiatrice, son retour personnel dans la puissance et
dans la gloire.
. Au salut de l'homme pécheur
et perdu, à sa justification non par les œuvres mais par la seule foi, grâce au
sang versé par Jésus-Christ notre Seigneur, à sa régénération par le
Saint-Esprit.
. En
l'Esprit Saint qui, venant demeurer en nous, nous donne le pouvoir de servir
Jésus-Christ, de vivre une vie sainte et de rendre témoignage.
. À
l'unité véritable dans le Saint-Esprit de tous les croyants formant ensemble
l'Église universelle, corps de Christ.
. À
la résurrection de tous ceux qui sont perdus ressusciteront pour le jugement,
ceux qui sont sauvés ressusciteront pour la
vie.
Les principales dénominations
évangéliques
On peut
relever quatre groupes principaux : les églises évangéliques indépendantes
28 % des évangéliques ; les assemblées de Dieu en France 25 % des évangéliques ;
la fédération évangélique de France 21 % des églises évangéliques ; les
églises évangéliques membres de la fédération protestante de France 25 % des
églises évangéliques. Les dénominations exactes sont plus nombreuses.
Baptistes,
Mennonites ou Anabaptistes
Mouvement
fondé par des chrétiens réformés de l’Europe occidentale (Suisse, France,
Belgique, Pays-Bas) au XVIe siècle ;
figure de proue : le réformateur néerlandais Menno Simons à qui l’on doit
le titre de cette dénomination. Strictement non violents, les mennonites furent
dès leur apparition les partisans d’une radicale séparation entre l’ordre
religieux et l’ordre politique, préférant se tourner vers le pacifisme et
l’action sociale, selon la conception de l'Évangile enseignant qu'un chrétien
doit porter du fruit. En même temps, ils conçoivent que le baptême ne peut être
reçu qu'après demande, par un adulte consentant, chose inacceptable pour
pratiquement tous à l’époque ; ils n'hésitent donc pas à prôner le
re-baptême des adultes (d’où leur autre nom d’anabaptistes,
littéralement « re-baptiseurs »).
Adventistes
du Septième Jour (ou simplement « adventistes »)
Mouvement issu
de la prédication de l'américain William Miller (1782-1849), fortement orientée
vers l’eschatologie chrétienne, prêchant notamment le retour en gloire du
Christ sur terre. On a pourtant observé dans cette mouvance une tendance au
rapprochement vers le christianisme protestant. De son côté, le reste du
protestantisme a au cours des dernières décennies de plus en plus rejoint
l'avis des adventistes sur l'imminence de la Seconde Venue du Christ, annonçant
selon la Bible la fin des temps et le Jugement. Les adventistes ont abandonné
certaines positions qui faisaient l'objet de reproches comme l'excès de leadership
et de direction. Néanmoins, leur position n’a pas vraiment changé concernant le
sabbat, les codes vestimentaires ou la consommation de l’alcool, par exemple.
Il s’ensuit que les adventistes sont probablement les protestants qui ont le
plus de désaccords doctrinaux avec le reste des évangéliques, si bien que leur
classification parmi les évangéliques ne va as toujours de soi. Néanmoins,
c’est aux adventistes que l’on doit une partie conséquente de la littérature et
de la pensée eschatologique chrétienne contemporaine, et une emphase plus forte
sur l’héritage judaïque du christianisme et des doctrines chrétiennes.
Méthodistes
Fondé par le prédicateur anglais John Wesley
(1703-1791), qui n’avait pas pour visée de créer une nouvelle Église, en
Angleterre et dans les colonies américaines. John Wesley est souvent considéré
comme l’un des pionniers du christianisme évangélique (bien que ce dernier ne
portait pas encore de nom à l’époque). L’apparition du méthodisme et la
conception de Wesley sont, en effet, caractéristiques de traits principaux du
christianisme évangélique : l’importance de la conversion personnelle, de
la vie et du témoignage de foi, de l’étude de la Bible, de la musique pour la
louange et l’adoration et de l’engagement social d'inspiration christique, et
surtout de la prédication de l’Évangile chrétien, ou évangélisation.
Pentecôtistes
Existant sous
une forme classique depuis le début du XXe siècle,
mais aujourd'hui l’une des deux mouvances principales répandues lors du
Renouveau charismatique initié dans les années 1950, avec le plus de succès
dans les communautés afro-américaines des États-Unis, mais mondialement
généralisé et touchant même 60 millions de catholiques. Le pentecôtisme met
l’emphase sur le Saint Esprit (considéré comme manifestation spirituelle et
continue de Dieu dans l’histoire humaine et dans les histoires des vies
humaines) et ses dons, tels que présentés dans le Nouveau Testament, et surtout
les écrits pauliniens et les Actes des Apôtres. Il s'attache, dans le cadre
protestant – et encore plus depuis un mouvement appelé « troisième
vague » né aux États-Unis dans les années 1980 – à un retour le plus
conforme possible à l'Église primitive décrite dans ces livres. Dans la
pratique religieuse, il se distingue fort du protestantisme traditionnel par un
culte dynamique, très émotionnel et charismatique, versant souvent à
l’exaltation et à l’extase. Le pentecôtisme a essuyé de nombreuses critiques à
ses débuts, principalement issues des rangs piétistes et baptistes parmi les
évangéliques, qui le considéraient alors comme une déformation de la
spiritualité chrétienne. Certains courants d'inspiration pentecôtiste sont
considérés comme sectaires, même si aucun d'entre eux n'est considéré par les
diverses Communions pentecôtistes, ni par la Communion pentecôtiste mondiale.
Églises du Réveil.
Le pentecôtisme a donné lieu à la naissance de ce qu’on
appelle les Églises du Réveil, un ensemble lui-même éclaté réunissant une
variété d'unions d'Églises et d'institutions d'enseignement. Il connaît
aujourd’hui une grande expansion en Amérique du Sud et en Afrique subsaharienne. Une autre mouvance se caractérise
par une liturgie libre (en ce sens qu’elle est flexible), peu de
réglementations, une organisation de type associatif, et une prédilection pour
les méthodes les plus modernes d’exercice du culte et d’évangélisation. À
défaut d’étiquette claire, ce sont souvent eux qui se déclareront plus
directement "évangéliques", comme un catholique se déclarerait
chrétien.
Unis dans les
diversités
Les diversités
qui se répercutent en termes sociaux, culturels, politiques, ethniques et
linguistiques ne posent aux évangéliques, aucun problème d'ordre doctrinal.
C'est une conséquence directe d'un autre pilier du protestantisme, celui de
« la foi seule » selon lequel, pour le dire simplement, peu importe
la dénomination d'une personne, c'est sa foi seule et non ses actions qui sont
vues par Dieu comme critère pour trouver faveur à ses yeux, et en fin de compte
pour son salut ou non. Les évangéliques sont, il semble, les moins frileux à
admettre que les membres de leur Église ou de leur dénomination ne seront pas
nécessairement tous sauvés lors du Jour du Jugement. Aussi préfèrent-ils parler
de l'Église (tout court) aussi appelée Église universelle à la suite du Symbole
des apôtres (« Je crois en ... la Sainte Église universelle
... »), qui est à comprendre comme l'ensemble des "vrais"
croyants en Christ, sauvés par leur foi.
Depuis un
quart de siècle, on observe dans les groupes protestants à caractère
évangélique une tendance au rapprochement entre les différentes
dénominations. Une politique volontariste pour l’ouverture à tous, la
minimisation des différences, l’amène déjà depuis longtemps aussi à une
tendance à l’uniformisation sur base de ce qui les unit tous :
l’attachement à l’Écriture biblique en tant que fondement de leur foi. Ainsi,
les chrétiens d’obédience évangélique auront une forte tendance à se nommer
simplement « chrétiens », à avoir des pratiques ou activités
similaires en dehors du simple culte hebdomadaire institué, et à développer un
langage aux fondements bibliques.
L’avantage
qu’il faut y attribuer, pourtant, est que cette tendance force les
évangélisateurs c’est-à-dire, idéalement dans le christianisme évangélique,
tous les croyants, à chercher une façon de communiquer l’Évangile de façon plus
compréhensible dans le monde développé actuel, et par des moyens plus en phase
avec le cadre sociologique de l’endroit d’évangélisation. C’est probablement
l’un des éléments d’explication du succès de la foi chrétienne évangélique
aujourd’hui.
Les
contacts qui se sont engagés entre catholiques et évangéliques d'une part,
réformés, luthériens et évangéliques d'autre part, ouvrent de nouvelles
perspectives. Ils invitent à de nouvelles relations reposant sur des efforts de
connaissance réciproque au-delà des idées reçues et sur la reconnaissance, chez
les uns et les autres, de la recherche d'une fidélité à Jésus-Christ.