L’ESPRIT SAINT EST ENVOYÉ
POUR QUE VIVE L’ÉGLISE.
Louis Verchère, spiritain
Les Prophètes
du Premier Testament ont annoncé pour les temps messianiques le don de l’Esprit
Saint sur tout le peuple de Dieu. Joël écrit : « Après cela, je
répandrai mon Esprit sur toute chair. vos fils et vos filles prophétiseront,
vos vieillards auront des songes, vos jeunes gens auront des visons. Même sur
les serviteurs et les servantes, en ce temps je répandrai mon Esprit » (Jo
3,1-2). Certains prophètes ont même
annoncé que le temps du Messie verrait tous les peuples affluer à Jérusalem
pour embrasser la foi juive et se soumettre à Israël.
Jésus promet
l’Esprit Saint à tous ceux qui seront persécutés à cause de son nom. Celui-ci
leur fera comprendre sa mort et sa résurrection et il fera d’eux ses témoins.
De fait, ils seront ses «témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et
la Samarie et jusqu’aux extrémités du monde » (Ac 1,8). Ils sont
envoyés vers les nations, et ne doivent pas les attendre à Jérusalem. Tout cela
se réalise à la Pentecôte. « Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité,
il vous conduira vers la vérité tout entière ; il ne parlera pas de
lui-même, mais il dira ce qu’il entendra, et vous annoncera les choses à
venir ; il me glorifiera (Jn 16, 13-14)…Vous allez recevoir une force,
celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins à
Jérusalem, dans toute la Judée, la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre (Ac 1, 8)… Le jour de Pentecôte
étant arrivé, ils étaient réunis ensemble, il vint du ciel comme un vent
violent… ils virent apparaître des
langues de feu qui se posaient sur chacun d’eux. Tous furent alors remplis de
l’Esprit Saint… » (Ac 2, 1-4).
L’Esprit conduit l’Église dans la vérité
L’Esprit Saint
est promis pour témoigner de Jésus dans le cœur des disciples afin qu’ils
puissent être ses témoins (Jn 15, 26-27).
Il est Esprit de vérité qui enseigne la grande parole de Dieu, déroutante
et scandaleuse, qui est la mort de Jésus sur la croix et en même temps sa
résurrection. Celle-ci manifeste la vérité de sa relation filiale manifestée de
son vivant. C’est aussi la défaite du Mauvais. « Et lui, par sa venue,
il confondra le monde en matière de péché, de justice et de jugement » (Jn
16, 8-11).
Nous ne saisissons
plus le scandale de la mort de Jésus, car nous sommes habitués à croire en sa
mort et en sa résurrection. Cependant nous le vivons chaque fois que nous
sommes déçus de Dieu car il n’est pas puissant comme nous l’imaginions pour
nous éviter tel insuccès, telle maladie, l’accident mortel d’un proche,
l’infirmité. Nous ne comprenons pas la bonté de Dieu qui laisse non seulement
se produire des catastrophes naturelles mais aussi des injustices, et réussir les gens malhonnêtes, alors que
le mal est vaincu. Enfin pourquoi restons-nous
pécheurs ?
L’Esprit Saint
nous défend de tout cela qui peut nous faire perdre la foi en Jésus Christ. Il
nous enseigne aussi en dehors du danger afin de connaître « la vérité
entière » (Jn 16, 13), c'est-à-dire la connaissance du mystère de Dieu
en lui-même..
L’Esprit révèle Dieu et le
mystère de salut.
Saint Paul,
dans la lettre aux Ephésiens (je ne retiens que cet exemple) nous parle, de la
connaissance de Dieu que nous donne l’Esprit Saint. Celle-ci est d’abord une
connaissance du mystère pascal, car c’est là qu’il a déployé toute sa
puissance. Cette expression est employée habituellement pour parler de la
traversée de la mer rouge. La toute-puissance, c’est Dieu lui-même dans son
être, agissant pour nous. Dans la prière d’illumination Eph 1, 15-22 nous trouvons : «…que
le Père… vous donne un esprit de sagesse qui vous le révèle et vous le fasse
vraiment connaître, qu’il ouvre votre cœur à sa lumière, pour que vous sachiez…
quelle immense puissance il a déployée
en notre faveur à nous les croyants ; son énergie, sa force toute
puissante, il les a mises en œuvre dans le Christ, lorsqu’il l’a ressuscité des
morts et fait asseoir à sa droite dans les cieux, bien au-dessus de toute
autorité, Pouvoir, Puissance, Souveraineté, … il l’ a donné, au sommet de tout,
pour tête à l’Église qui est son corps, la plénitude de celui que Dieu remplit
lui-même totalement. »
Si nous
étions portés à négliger cette
connaissance contemplative du mystère pascal,
sous prétexte qu’elle ne nous apporte rien pour notre vie, qu’elle
n’analyse pas le contexte actuel, ou qu’elle est trop élevée, lisons
attentivement les versets 5 et 6 au chapitre 3 : « ce mystère, Dieu ne l’a pas fait connaître aux hommes
des générations passées, comme il vient de le révéler maintenant par l’Esprit à
ses saints apôtres et prophètes : les païens sont admis au même héritage,
membres du même corps, associés à la même promesse en Jésus Christ par le moyen
de l’Evangile. » L’Esprit Saint fait entrer dans la vérité entière.
Une dimension nouvelle apparaît dans la foi de Paul et des chrétiens d’origine
juive : les païens ont part à la même promesse qu’eux.
L’Esprit Saint
fait connaître le Projet de Dieu
Pour faire
face à l’avenir, l’Esprit communique « tout ce qui doit venir »
(Jn 16, 13). Nous ne sommes pas condamnés à répéter le passé, l’Esprit nous ouvre à la nouveauté. La mission est une
réalité nouvelle, qui conduit à la rencontre d’un autre monde, celui des païens
qui ont une autre culture. La circoncision ne se pratique pas chez eux alors
que pour les Juifs elle est le signe d’appartenance au peuple de Dieu avec
l’engagement à pratiquer la Loi et ses observances pour être sauvé.
Voilà que
Pierre, sur ordre de Dieu, va chez un Centurion Romain, et baptise toute sa
famille. La communauté de Jérusalem lui demande pourquoi il est entré chez ce
païen impur ? Pourquoi a-t-il baptisé ? Il raconte que pendant qu’il
leur annonçait Jésus, l’Esprit Saint est tombé sur eux comme sur les apôtres au
jour de la Pentecôte. Il conclut : « Si Dieu a fait à ces
gens le même don gracieux qu’à nous autres pour avoir cru au Seigneur Jésus
Christ, étais-je quelqu’un, moi, qui pouvait empêcher Dieu d’agir ? »
(Ac.1, 17). A ces paroles, les
chrétiens se réjouissent.
Cependant le
problème demeure, et il s’aggrave. Il y a ce fameux Saul, converti maintenant
sous le nom de Paul, qui annonce Jésus parmi les païens et qui les baptise sans
les circoncire. Est-ce normal ? Et il
enseigne qu’il suffit de croire en Jésus pour être sauvé, qu’il est
inutile d’observer la Loi. Il n’y a dons plus besoin de circoncision, le signe
religieux juif, plus besoin de Loi, mais où va notre religion ? Jésus
accomplit les promesses, mais ce n’est pas pour ça qu’il faut laisser tomber
nos pratiques religieuses ! Certains chrétiens d’origine juive, se rendent
à Antioche pour endoctriner les frères : « Si vous ne vous
faites pas circoncire selon la règle de Moïse,… vous ne pouvez pas être sauvés »
(Ac. 15, 1). Ces gens ont une
telle influence qu’à partir de leur arrivée, Pierre, qui ordinairement prenait
ses repas avec les païens convertis, cesse de le faire. Alors Paul se fâche (Gal 2,11-21) et affirme son principe :
« Nous savons…que l’homme n’est pas justifié par les œuvres de la loi,
mais seulement par la foi en Jésus Christ. » (2, 16). Et en 5,
2 : « ..si vous vous faites circoncire, Christ ne vous servira
plus de rien. Et j’atteste encore une fois à tout homme qui se fait circoncire,
qu’il est tenu de pratiquer la Loi intégralement. »
Pour
résoudre le problème, les Apôtres et les anciens se réunissent à Jérusalem avec
Paul et Barnabé. Pierre fait référence au baptême du Centurion Romain, et
confirme que c’est par la foi en Jésus Christ qu’ils ont eu le cœur purifié.
Juifs ou Païens, tous sont sauvés « par la grâce du Seigneur Jésus (Ac 15, 11). En conséquence, il n’y a pas lieu
d’imposer « un joug que ni nos pères ni nous-mêmes n’avons été capables de
porter » 15, 10). Ce joug il s’agit de la Loi avec ses
prescriptions, qui est reçue avec la circoncision.
L’assemblée
nous est rapportée sans mention d’invocation à l’Esprit Saint, mais la lettre
rédigée pour informer les communautés commence par : « l’Esprit
Saint et nous-mêmes, avons en effet décidé…. » (Ac 15, 28). Cela
indique la certitude que l’Esprit Saint guide l’Église. Le principe résolvant
la crise est posé, mais historiquement le problème durera encore des décennies.
L’Esprit Saint fait
approfondir la foi face à la nouveauté. La circoncision n’est pas qu’un signe
du passé qu’il serait possible de garder sans que la foi en Christ en soit
atteinte. L’important c’est la foi en Christ. L’action de l’Esprit Saint n’est
pas de l’ordre du merveilleux. Elle passe par les cheminements humains. Une
question se pose, elle aboutit à un conflit, il faut réfléchir, décider,
informer. Il réfère à Jésus Christ, et
non à la respectabilité d’un signe religieux, qui façonne un peuple dans sa
religion et sa culture. Cela nous éclaire pour les changements qu’impose la
compréhension de la foi face à une nouvelle culture. Il n’y a pas à invoquer
l’ancienneté du rite, de la pratique, ni sa valeur culturelle. S’il est un
obstacle pour une foi en Jésus Christ plus profonde, il doit être abandonné.
Essayons de ressentir
combien cela a pu être douloureux pour les chrétiens d’origine juive :
oui, le Christ accomplit les promesses, mais à condition de laisser nos
traditions religieuses, d’abandonner notre culte ! C’est leur univers
religieux et culturel qui semble ébranlé. Sommes- nous prêts à accepter cela
pour aller vers la Vérité entière ?
L’Esprit suscite les charismes nécessaires aux
croyants
Dans son
organisation la première communauté a eu le souci de se rapporter à l’action de
l’Esprit Saint. Avant l’élection de Matthias afin de remplacer Judas, elle
invoque son intervention. Quand les chrétiens d’origine grecque se plaignent de
l’injustice envers leurs veuves, les diacres qui assureront le service
d’entraide, sont institués (Ac 6). Il était requis d’être des hommes
« qui ont bonne réputation et remplis d’Esprit et de sagesse. »
(Ac 6, 3). Le choix est attentif à la
présence agissante de l’Esprit.
Quand Paul et
Barnabé désignèrent des Anciens pour chaque Église, « ils firent
des prières accompagnées de jeûne et les confièrent au Seigneur en qui
ils avaient mis leur foi » (Ac 14, 23). Il n’est pas fait mention de
l’Esprit Saint, mais leur manière de faire évoque celle qui a eu lieu lors de
leur envoi : la communauté priait et jeûnait, une inspiration a été donnée
pour les mettre à part, la communauté leur impose les mains et les envoie (Ac 1
3, 1-3).
La première
lettre aux Corinthiens nous manifeste la générosité surabondante de l’Esprit
Saint qui multiplie ses dons (1 Co 12 à 14). Saint Paul rappelle qu’ils ont
tous une source unique : l’Esprit Saint, et qu’ils sont fait pour servir
l’Église. Ces dons ont reçu le nom de charismes. C’est une
présence agissante de l’Esprit Saint qui rend un chrétien apte à servir la
communauté sous un aspect particulier. Son action est affectée d’une beauté,
d’une bonté, d’une douceur, qui interpellent et mettent en relation avec Dieu.
Ne confondons pas charisme et succès. Face au risque du merveilleux, lié à la
surabondance et la visibilité extraordinaire de certains dons, Paul rappelle
que le plus grand don de l’Esprit, c’est la charité. L’Esprit Saint est l’amour
de Dieu répandu dans nos cœurs, enseigne-t-il dans la lettre aux Romains (Rom
5,5). Il nous fait Fils de Dieu (Rom 8,5).
Par l’Esprit, l’Église est mystère de salut
Puissent ces
quelques lignes renouveler notre regard sur l’Église. Elle n’est pas une simple
institution. Elle est animée par l’Esprit Saint. Elle est le peuple qui reçoit,
par Jésus Christ, le don de la promesse : l’Esprit Saint. Ce dernier conduit
à la foi en Christ dans le monde d’aujourd’hui. Il nous défend contre les
dangers. Il approfondit la foi dans les circonstances nouvelles. Il accorde une
connaissance intime de Dieu. Nous devenons des fils de Dieu, vivant dans la
charité. Celle-ci réalise la présence de Dieu en ce monde pour les hommes.
L’Église n’est
pas seulement souffle de l’Esprit Saint, elle est aussi réalité humaine,
institution qui se situe dans le temps pour manifester Dieu, aujourd’hui.
L’action de l’Esprit n’est pas merveilleuse, elle passe par l’agir humain, et
elle peut être freinée par le refus des hommes. Il ne faudrait pas que
l’institution humaine nous empêche de croire en la présence unique de l’Esprit
comme don messianique, dans l’Église, tout comme l’humanité de Jésus a pu
empêcher, certains, de voir en lui le Fils de Dieu. « Je crois en
l’Église, une, sainte, catholique et apostolique » confesse le credo.
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