Que votre joie demeure !(12)
Tous ceux qui aiment sont
enfants de Dieu, et ils connaissent Dieu. (1 Jn 4, 7)
Il est des regards dont la clarté ne s'amenuise pas malgré
le temps qui passe... Claire de Castelbajac, morte en 1975 à l'âge de
vingt-et-un ans fait partie de ces témoins dont le sourire et la joie débordante
semblent cacher un trésor. Son histoire est si simple qu'elle ressemble à la
nôtre. Elle est celle d'une jeune fille au tempérament fougueux, exubérant et
joyeux qui chemine vers Dieu et avec Lui. C'est ce chemin de Foi avec ses joies
et ses peines, ses moments de crise et de plénitude que nous allons tenter de
suivre pour entendre l'invitation que Claire lance à qui veut l'entendre :
"Voulez-vous découvrir le bonheur d'être enfant de Dieu ?"
Dieu est lumière, il n'y a pas de ténèbres en lui. (1 Jn
1, 5)
Claire,
un prénom qui prédispose à la lumière et la pureté... Née le 23 octobre 1953,
Claire de Castelbajac est l'unique enfant du remariage de son père après son
veuvage. Ses parents l'ont attendue dans la joie et elle reçoit de ce couple
très uni une éducation exceptionnelle. Tous les aspects de sa personnalité
riche et contrastée sont ainsi appelés à s'épanouir jusqu'à donner leur pleine
mesure.
À
la fois extravertie et discrète sur ses pensées profondes, artiste et d'une
sensibilité aigüe, Claire est une âme de feu embrasée d'absolu. Entière et
passionnée, débordante de vie jusqu'à en être envahissante. Il lui faut
apprendre à canaliser ce trop plein d'énergie et à se tourner vers les autres.
Elle
passe ses premières années au Maroc avant que ses parents ne s'installent à
Lauret, vaste demeure familiale dans le Gers. La vie y est calme, paisible et
Claire y découvre au fil des jours la tendre sollicitude du Père céleste.
Voyez comme il est grand l'amour dont
le Père nous a comblés :
il a voulu que nous soyons appelés
enfants de Dieu – et nous le sommes. (1 Jn 3, 1)
La
vie spirituelle de Claire est très vite marquée par la découverte éblouissante
de la paternité de Dieu. Il n'est pas rare qu'elle signe ses lettres de ce
titre glorieux : "Claire, Enfant de Dieu". Elle cherche à être à la
hauteur des exigences de son baptême, sans tension ni perfectionnisme,
s'appliquant simplement à faire de son mieux son devoir d'état tout en
corrigeant ses défauts. S'il lui arrive de se mettre en colère, de faire preuve
d'égoïsme ou de se plaindre, elle ne se décourage pas, demande pardon et va de
l'avant. C'est surtout à partir de sa Première Communion, lorsqu'elle a cinq
ans, que son désir de progresser devient le plus net : "Je veux être
sainte" dit-elle à sa mère. Et cette résolution n'est pas une idée en
l'air, elle se concrétise au jour le jour par des actes de charité et de petits
sacrifices.
Claire
comprend très tôt la nécessité des Sacrements pour avancer vers le Seigneur.
Elle prépare avec soin chacune de ses
Communions et veille à se confesser régulièrement. Il en résulte une profonde
unité entre sa vie quotidienne et sa vie spirituelle : les Sacrements la font
grandir dans la Foi et ses efforts l'aident à mieux accueillir la Grâce reçue.
Vers l'âge de 14 ans, elle écrit cette prière dans un cahier :
"Faites que
je reçoive souvent les Sacrements et que j'aille plus souvent à la Messe, afin
que la vie de la grâce augmente en moi et que je ne me sépare jamais de Vous,
pour qu'au contraire j'aide les autres à venir vers Vous."
Mes enfants, nous devons aimer, non
pas avec des paroles et des discours, mais par des actes et en vérité. (1 Jn 3,
18)
À
son entrée en 6ème, Claire part comme pensionnaire au Sacré-Coeur à Toulouse.
Cette séparation de Lauret et de ses parents est un déchirement douloureux.
Enfant, lors de son déménagement de Rabat, Claire avait été très marquée par le
changement soudain de son quotidien. Depuis, chaque séparation est pour elle
une grande source d'inquiétude et sa crainte de la solitude lui donne une
fragilité affective qui persistera longtemps. Ce n'est qu'à la fin de sa vie,
après son pèlerinage en Terre Sainte, qu'elle comprendra que seul le Christ
peut lui donner la force et le soutien qu'elle cherche vainement en dehors de
Lui.
Claire
est cependant heureuse en pension. Dans ce contexte très porteur au point de
vue spirituel sa foi s'épanouit et devient plus personnelle. La vie en commun
lui permet de rendre toujours plus concret son désir de se tourner vers les
autres. Un journal qu'elle tient pendant cette période se fait l'écho de ses
combats :
24 novembre 1966
"Seigneur Jésus, (...) aidez-moi à aimer X..., elle
a peut-être des défauts, mais elle a sûrement des qualités qu'elle ne développe
pas ; mais elle en a comme tous les autres hommes. Et moi, pécheresse, je
ne vois que ses défauts. Mais Jésus chéri, doux et humble de cœur, qui avez
aimé les hommes jusqu'au plus méprisant, avec Vous, avec Vous seul, j'arriverai
à l'aimer ; ce sera dur, mais j'y arriverai ; si je ne l'aime pas, si
vraiment je ne peux pas, je ferai comme si ; et je me dirai qu'elle vaut
certainement plus que moi, alors, je l'aimerai. Jésus chéri, malheureusement,
il faut que je fasse mon devoir d'état, c'est-à-dire que j'apprenne ma leçon
d'histoire. Aussi dites bien à Notre Père que je l'adore et que je propagerai
sa Gloire autant que je le pourrai, dites à Notre Mère que j'essaie d'avoir sa
pureté et sa gentillesse, dites aussi au Saint Esprit qu'il faut qu'il m'aide à
vous aimer encore plus... Merci et à demain."
Celui qui déclare demeurer en lui
doit marcher lui-même
dans la voie où lui, Jésus, a marché.
(1 Jn 2, 6)
En
regardant la vie de Claire, son énergie, son enthousiame on pourrait se
méprendre sur l'état de sa santé physique. En réalité, dès son plus jeune âge
Claire souffre en permanence de maux petits ou grands allant de la diphtérie à
la congestion pulmonaire en passant par de nombreuses rhino-pharyngites et
autres maux de tête. À l'âge de quatre ans, une grave infection intestinale la
plonge plusieurs heures dans le coma et au moment de passer son bac elle
passera cinq mois allongée pour une sciatique... On l'aura compris, c'est sous
le sceau de la Croix que Claire vit et grandit. Très vite pourtant elle donne
un sens à sa souffrance. Elle y voit l'occasion d'être unie à Jésus et de Lui
témoigner son amour. Sa mère raconte :
Octobre 1960
(sept ans )
Elle
fait souvent sa prière tout fort. Je l'entends dire un soir, avant de se coucher :
"Jésus, je veux avoir aussi mal que vous sur la croix, pour vous consoler."
Et lorsque je
vais l'embrasser dans son lit, elle me dit : "J'ai fait une prière, mais
je crois que ce n'est pas possible : c'est Jésus qui a eu le plus mal du monde entier,
n'est-ce pas ? Les
hommes ne peuvent pas avoir aussi mal que lui ?"
Loin
de la replier sur elle-même toutes ces épreuves lui permettent finalement de
s'ouvrir aux autres, d'apprendre la compassion et la délicatesse. Au fil du
temps Claire est toujours plus sensible à la détresse de ceux qui l'entourent
et ne manque pas d'imagination pour y remédier !
Celui qui aime son frère demeure dans
la lumière,
et il n'y a pour lui aucune occasion
de chute. (1 Jn 1, 10)
Claire
obtient son baccalauréat en septembre 1971 et commence une première année
d'histoire de l'art à l'université de Toulouse. Durant cette période, elle a
une chambre en ville et rentre passer le week-end à Lauret. Elle profite de ces
retours chez elle pour préparer des cakes à distribuer le lundi aux personnes
sans domicile qu'elle a repérées dans les rues. Mais elle ne s'arrête pas là !
Elle visite des personnes âgées, monte une petite chorale d'enfants pour
chanter devant des personnes handicapées, entoure des camarades de classe en
difficulté et veille à ponctuer chacune de ses journées d'une foule de petites
attentions. À partir de ses 18 ans, elle réserve aussi tous les ans une partie
de ses vacances d'été pour accompagner des malades à Lourdes.
Ce
désir constant de se mettre au service des autres est un choix résolu auquel
Claire s'exerce avec patience au prix de nombreux efforts. Il est le fruit de
son union à Dieu et l'expression de son souci missionnaire : pour partager le
trésor de la foi elle commence par témoigner de l'amour du Christ qui l'habite.
N'ayez
pas l'amour du monde, ni de ce qui est dans le monde. (...) Tout ce qu'il y a
dans le monde – les désirs égoïstes de la nature humaine, les désirs du regard,
l'orgueil de la richesse – tout cela ne
vient pas du Père, mais du monde. (1 Jn 1, 15-16)
À
partir de l'automne 1972, Claire part à Rome pour faire une école de
restauration des oeuvres d'art, le "Restauro". Elle se retrouve
soudain dans un univers très différent de celui qu'elle a connu jusque-là. Les
jeunes artistes qui l'entourent mènent le plus souvent une vie légère et sans
repère et Claire est très seule dans ce nouveau milieu. En outre, le climat de
la Ville éternelle ne lui réussit pas, elle souffre de maux de tête, et le
quotidien, perturbé par d'incessantes grèves, ne lui permet pas de trouver un
rythme stable. Les tentations se succèdent et Claire finit par sombrer dans une
vie facile et superficielle. Elle sort beaucoup, s'amuse avec ses amis et ne
travaille guère. Sa première année à Rome est loin d'être un triomphe : sur le
plan scolaire, les résultats ne sont pas glorieux mais c'est surtout sa vie
spirituelle qui menace de s'effondrer. Le 1er juillet 1973, elle écrit à ses parents :
"Je
ne sais si c'est la chaleur ou la flemme, mais je vivote sans absolument
cultiver ma foi, depuis pas mal de temps. Et quand je vais à la Messe et que je
vois ces gens qui jouent les bigots et sont hypocrites très vraisemblablement,
cela me dégoûte si profondément que je me fais des scrupules à ne pas faire
comme eux.
Alors,
je me dis : Si j'y vais, puisque je m'en fous, c'est de la fausseté, au
fond, mais je sais que je dois y aller car c'est un Devoir. Mais pourquoi
irais-je puisque c'est un devoir chrétien et que je ne crois pas vraiment à la
présence de Dieu ?... Mais il faut croire que j'y crois encore puisque j'y
vais toujours par volonté de discipline.
Je présume que je me dis
inconsciemment : "c'est une mauvaise passe, il ne faut pas que je
lâche."
Si nous reconnaissons nos péchés, lui
qui est fidèle et juste nous pardonnera nos péchés et nous purifiera de tout ce
qui nous oppose à lui. (1 Jn 1, 9)
Peu
à peu Claire prend conscience que cette vie ne la rend pas heureuse et qu'en
s'éloignant du Christ elle a finalement perdu ce qui donnait sens à son
existence. Il lui faut du temps mais elle finit par rompre avec les amis qui
l'influencent mal et à restructurer son quotidien. Elle doit voir en face
l'échec de ces derniers mois et reconstruire peu à peu sa vie intérieure.
Humiliée, blessée, tel l'enfant prodigue, Claire se remet en route vers le
Père.
Une
merveilleuse occasion de renouveler sa foi va lui être donnée à l'automne 1974
: elle se joint à un groupe de jeunes gens pour un pèlerinage en Terre Sainte.
Ce séjour dans les pas du Christ va être une révélation :
Israël, 25
septembre 1974 (Lettre à ses parents)
"Je vis tellement que je ne sais plus
l’exprimer. Je suis en train de me convertir complètement, de creuser ma foi,
de trouver son vrai sens, et j’apprends continuellement le b, a, ba de ma
religion, me rendant compte que je suis d’une ignardise crasse. Alors, pour
l’instant, j’emmagasine un maximum d’éléments de ferveur, de piété, d’exemple,
de pauvreté d’esprit, pour pouvoir, à Rome, organiser ma vie comme je l’entends
maintenant, et non comme je la vivais. (...)
Je prie beaucoup pour vous. Je commence à saisir le sens du mot Amour
de Dieu : il ne faut pas, je crois, se passionner pour des questions
adjacentes, mais tout pointer vers Dieu, et que vers Lui."
Claire
rentre profondément transformée, éblouie par l'Amour du Seigneur qu'elle
accueille avec une reconnaissance d'autant plus émerveillée qu'elle vient de
faire l'expérience de sa propre infidélité.
Les ténèbres sont en train de
disparaître, (...) déjà brille la vraie lumière. (1 Jn 2, 8)
À
son retour en Italie, Claire part pour Assise avec un groupe d'étudiants du
Restauro. Pendant plusieurs semaines, elle va y restaurer les fresques de
Simone Martini dans la Basilique Inférieure. Ce travail, dans le calme et le
silence, lui permet de laisser descendre en elle les grâces reçues en Terre
Sainte. Elle médite, prie, lit la Bible et une joie toujours plus grande et
profonde l'envahit. Paisible, sereine, Claire n'est plus qu'amour et louange.
En
décembre 1974, elle rentre à Lauret pour les vacances de Noël. À son arrivée,
tous sont frappés par sa joie et la transparence de son regard. Les circonstances
l'ont mûrie et Claire, comblée, vit désormais à plein, intensément, en Dieu.
Elle dit plusieurs fois à sa mère : "Je suis tellement heureuse que si je
mourais maintenant, je crois que j'irais au ciel tout droit car le ciel c'est
la louange de Dieu et j'y suis déjà". Elle n'a plus qu'une impatience :
celle d'être toute entière cette "louange vivante à Dieu" et Il ne va
pas la faire attendre...
Le
4 janvier, alors qu'elle s'apprête à repartir en Italie, Claire tombe malade.
On pense d'abord à une simple grippe mais ses maux de tête deviennent
intolérables. Hospitalisée à Auch le 16, les médecins diagnostiquent une
méningite virale foudroyante. Claire reçoit le Sacrement des malades et sombre
peu à peu dans le coma. Les seules paroles qu'elle parvient encore à formuler
lors de brefs instants de lucidité expriment sa joie, son amour pour ses
parents présents à ses côtés, sa reconnaissance. Transportée d'urgence au
service de réanimation de l'hôpital Purpan à Toulouse et malgré les soins
intensifs, elle s'endort dans la paix du Seigneur le 22 janvier 1975.
Père, ceux que tu m'as donnés, je
veux que là où je suis eux aussi soient avec moi, et qu'ils contemplent ma
gloire. (Jn 17, 24)
Très
vite après la mort de Claire, plusieurs jeunes, marqués par son témoignage
lumineux, ont demandé à ses parents d'écrire quelque chose sur leur fille. Un
premier livre a paru en 1978 et la réputation de sainteté de Claire s'est
répandue progressivement. Ouvert en 1990, le procès en vue de son éventuelle
béatification est en cours. La phase romaine de la procédure devrait commencer
au début de l'année 2008.
L'exemple
de Claire, si simple et accessible, nous rappelle à tous que si nous nous
mettons à la suite du Christ le bonheur du Ciel peut déjà commencer sur cette terre.
Alors... en route ! ¨
Pour en savoir plus vous trouverez de nombreuses anecdotes et
extraits de lettres dans les livres :
- La joie des enfants de Dieu, Claire de Castelbajac, Abbaye
Sainte-Marie de Boulaur, collection « Les Sentinelles », Téqui, 2006
;
- Vivre Dieu dans la joie : Claire de Castelbajac (26 octobre 1953
– 22 janvier 1975), Lauret, 3° édition, 1991 ;
- Claire de Castelbajac (26 octobre 1953 – 22 janvier 1975),
Lauret 1978 ;
- Claire de Castelbajac 1953-1975, joie de Dieu - joie de vivre,
le Livre Ouvert, nouvelle édition 2007.
En vente à : l’Abbaye cistercienne Sainte-Marie de Boulaur, 32450 Boulaur.
Site : www.boulaur.org
Les personnes qui recevraient des grâces
attribuées à Claire sont invitées à les faire connaître à l'Abbaye
cistercienne Sainte-Marie de Boulaur, 32450 Boulaur. ¨
12-
Par une moniale de l'Abbaye
cistercienne Sainte-Marie de Boulaur, 32450 Boulaur.