Chemins de vie
QUE CÉLÉBRONS-NOUS AU BAPTÊME ?
Mgr Maurice Fréchard ,
cssp
Mgr Maurice Fréchard est spiritain. Il a
enseigné au scolasticat de Chevilly où il a été confrère du P. Lucien Deiss qui
en a fait son soliste dans les disques qu’il a édités. Il a enseigné au
Séminaire spiritain de la Croix-Valmer puis au Séminaire Français de Rome dont
il a été le Recteur de nombreuses années. Il a exercé le ministère épiscopal
comme archevêque d’Auch et à sa limite d’âge, il était nommé Recteur de la
Basilique Montmartre à Paris. Il est maintenant en communauté à la Maison-Mère
à Paris. Ce parcours nous dit bien que la liturgie est comme son milieu
pastoral habituel. Qu’il soit remercié
de nous en faire profiter.
J’interrogeais de jeunes
parents sympathiques : « Pourquoi demandez-vous le baptême pour votre
enfant ? » Leur réponse : « Pour qu’il puisse se marier
plus tard. » Dans leur tête, ces braves gens visaient le mariage futur de
leur enfant. Ils considéraient le baptême comme une porte d’entrée qui donnait
accès au mariage.
Bien plus qu’une formalité…
Il est vrai que si l’on compare les deux célébrations, celle du baptême
et celle du mariage, il y a habituellement davantage de solennité lors du
mariage que lors du baptême, du moins pour ce qui concerne les petits enfants.
Dieu merci, les prêtres ont vite compris
qu’il fallait étoffer davantage la célébration du baptême des petits. De plus
ils ont mis sur pied des rencontres diverses en vue de préparer les parents,
parrains et marraines, à la célébration elle-même et à l’éducation chrétienne
du petit baptisé. Ainsi, le premier sacrement reçu bénéficie d’un relief accru qui convient mieux à l’importance que
l’Église lui reconnaît.
Il faut dépasser l’impression fâcheuse d’une
formalité initiale nécessaire pour le bon déroulement de la vie chrétienne,
comme lorsqu’on retire son ticket avant d’entrer sur l’autoroute, ou son billet
pour avoir accès à une salle de cinéma ou sur un stade. L’objectif est de
rappeler aux fidèles du Christ l’importance fondamentale de ce premier
sacrement, telle qu’elle apparaît dans toute son ampleur lors du baptême des
adultes selon le Rituel restauré par le
concile Vatican II.
Une
démarche de foi et de conversion
De quoi s’agit-il ? Pour des adultes,
demander le baptême suppose d’abord une première rencontre du Christ, au moins
une interrogation profonde sur son identité, sur celle de l’Église. S’engager
dans la préparation au baptême demande d’entrer dans une démarche de foi et de
conversion. Le parcours proposé est destiné à connaître mieux l’homme Jésus,
son Évangile, et à nourrir la foi naissante ; il demande également aux
candidats un cheminement de conversion pour ajuster leur vie à celle de
Jésus. Cet itinéraire est jalonné de célébrations multiples jusqu’au début du
Carême qui précèdera le baptême proprement dit. Les célébrations sont plus
nombreuses pour préparer la célébration solennelle du baptême durant la nuit de
Pâques. C’est alors le sommet de la vie liturgique de l’Église.
L’itinéraire des enfants est différent.
baptisés tout-petits leur éducation chrétienne devra suivre leur évolution
psychologique et s’adapter à la croissance de chacun. Mais au terme, il faut
que l’adulte baptisé peu après sa naissance rejoigne le baptisé à l’âge adulte,
afin qu’ils puissent ensemble professer leur foi durant la nuit pascale, et la
mettre en œuvre dans leur existence concrète de chaque jour.
Tout cela pour aboutir à entrer
personnellement avec toute sa foi dans le mystère pascal de Jésus mort pour nos
péchés, ressuscité pour notre vie. Ainsi s’exprime saint Paul dans un passage
de sa lettre aux Romains, passage qui est lu durant la grande veillée de
Pâques : « Nous tous qui avons été baptisés, c’est dans sa mort
que nous avons été baptisés. Si, par le baptême dans sa mort, nous avons été
mis au tombeau avec lui, c’est pour que nous menions une vie nouvelle, nous
aussi, de même que le Christ, par la toute-puissance du Père, est ressuscité
d’entre les morts. Car si nous sommes déjà en communion avec lui par une mort
qui ressemble à la sienne, nous le serons encore par une résurrection qui
ressemblera à la sienne » (Rm 6,3-5).
Pour bien comprendre ce terme de baptême
ou de baptisé, il faut prendre ce mot dans sa signification
originale grecque : immersion, être plongé. Le mot baptême ne désigne
pas d’abord un rite religieux. Cette immersion n’est pas une noyade, elle n’est
que pour un instant. C’était le rite originel du baptême au temps de
Jésus. Quand Jean-Baptiste baptise dans le Jourdain, ceux qui se soumettent à
ce rite sont plongés dans le fleuve en signe de conversion. Jésus lui-même se
soumet à ce rite, il est plongé dans le Jourdain, l’Évangile en est témoin.
Celui qui est plongé dans l’eau disparaît à
la vue des personnes présentes. Quand il s’agit du baptême proprement dit, le
baptisé reparaît dans l’instant d’après tout ruisselant, le corps lavé. Dans ce
geste d’être plongé, immergé, il y a un symbole de mort et de vie
nouvelle : de mort, car l’eau peut être un agent destructeur, c’est le cas
de la noyade, mais aussi des cyclones, des tempêtes, des inondations, du
Déluge ; symbole de vie pour toute culture, le moindre pot de fleurs sur
une fenêtre demande sa ration d’eau à intervalle régulier, symbole de vie
meilleure par la propreté qu’elle apporte.
Notre baptême chrétien se donne quelquefois
par immersion pour les petits, ou pour des adultes. Les conditions climatiques,
l’âge des baptisés, leur condition de santé, ont conduit souvent à utiliser des
rites amoindris. Mais il y faut toujours de l’eau qui coule, même sur une
partie réduite de la personne.
Un même être avec le Christ
Saint Paul nous informe que la réalité dans
laquelle le candidat au baptême est plongé, immergé, c’est la mort de Jésus.
Cela nous conduit jusqu’à être mis au tombeau avec lui. C’est l’itinéraire qui
conduit à mener une vie nouvelle, à l’image du Christ.
Saint Paul insiste : « Si nous
sommes déjà en communion avec lui par une mort qui ressemble à la sienne, nous
le serons encore par une résurrection qui ressemblera à la sienne. » En
communion avec lui. C’est la traduction en usage dans notre liturgie. La
Traduction œcuménique de la Bible est un peu différente : « Si nous
avons été totalement unis, assimilés à sa mort, nous le serons aussi à sa
Résurrection. » Une notre précise : ‘’Littéralement : Si nous
sommes devenus une même plante avec la similitude de sa mort. On peut aussi
comprendre : si nous sommes devenus un même être (avec lui) par une mort
semblable à la sienne. La Bible de Jérusalem traduit : « Si c’est un même
être avec lui que nous sommes devenus … ». Traduction délicate, c’est
vrai. Retenons simplement que l’insistance de saint Paul porte sur les liens de
communion très étroits qui nous unissent à la personne de Jésus, dès lors que
nous sommes baptisés.
Devenus un même être avec le Christ dans sa
Pâque, nous sommes lavés de tout péché, car le péché éloigne de Dieu, le péché
des origines comme les fautes dont nous sommes responsables. « Ta foi
t’a sauvé » répète souvent Jésus après avoir accompli un miracle, un
signe. L’adhésion de la foi efface toute distance et rend possible désormais
cette proximité inimaginable de chacun des croyants à Jésus ressuscité, et par
lui à la personne même du Père.
Le
Christ est en vous
Toutes les autres expressions du Nouveau
Testament illustrent bien la situation des baptisés par rapport à Jésus dans sa
Pâque. Elles utilisent des approches différentes pour nous aider à comprendre
la réalité nouvelle qui nous transforme. Dans la suite de la lettre aux Romains
saint Paul : « L’Esprit de Dieu habite en vous … Le Christ est en
vous. … Tous ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu sont fils
de Dieu. Poussés par cet Esprit, nous crions vers le Père en l’appelant
‘’Abba.’’ » (Rm 8, 9.10.14-15). Nous sommes fils de Dieu :
« Ceux qu’il connaissait par avance, il les a aussi destinés à être
l’image de son Fils, pour faire de ce Fils l’aîné d’une multitude de frères »
(Rm 8,29).
Enfants de Dieu
Saint Jean revient sur cette
filiation : « Voyez comme il est grand, l’amour dont le Père
nous a comblés : il a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu et
nous le sommes » (1 Jn 3,1). Il met l’accent sur la réalité nous sommes
devenus. C’est bien davantage qu’un changement de titre ou d’étiquette :
notre réalité profonde est devenue autre, car nous sommes enfants de Dieu.
Cette réalité affecte notre être le plus personnel et notre communion avec
Jésus, le Fils unique.
Un
seul corps
Retournant à saint Paul et à sa lettre aux
Romains, il écrit : « Prenons une comparaison : notre corps
forme un tout, et pourtant nous avons plusieurs membres, qui n’ont pas tous la
même fonction ; de même dans le Christ, tous, tant que nous sommes, nous
formons un seul corps ; tous et chacun, nous sommes membres les uns des
autres » (Rm 12,4-5). L’auteur développe sa comparaison dans la lettre aux
Éphésiens : « Le peuple saint est organisé pour que les tâches du
ministère soient accomplies et que se construise le corps du Christ. Au terme,
nous parviendrons tous ensemble à l’unité
dans la foi et la connaissance du Fils de Dieu, à l’état de l’Homme
parfait à la plénitude de la stature du
Christ … Vivant dans la vérité de l’amour, nous grandirons dans le
Christ pour nous élever en tout jusqu’à lui, car il est la Tête » (Ep 4,
12-13,15). Unité des membres d’un corps autour du Christ qui en est la tête. Le
baptême enrichit également notre être social de cette communion partagée dans
la charité.
Renaître
Au début du ministère de Jésus, saint Jean
rapporte sa conversation avec Nicodème : « Personne, à moins de
renaître, ne peut voir le règne de Dieu …
Personne, à moins de naître de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans
le royaume de Dieu » (Jn 3,3.5). Nous ne connaissions encore que le
baptême de Jean-Baptiste et ces paroles de Jésus semblaient difficiles à
comprendre. Avertis des changements profonds que nous apportent ensemble la foi
au Christ et le sacrement du baptême, nous comprenons mieux pourquoi Jésus
parle de naissance, de renaissance. Le seconde lettre de saint Pierre pourra
nous dire que nous deviendrons « participants de la nature
divine » (2 P 1,4).
Nous sommes loin de la conception du Baptême,
comme d’une formalité initiale nécessaire pour être en droit d’accomplir les
autres rites chrétiens. Nous percevons mieux quelle richesse étonnante de grâce
nous apporte le Baptême.
Sacrement permanent et fondamental
La célébration du baptême est un événement
dans la vie d’un homme, d’une femme, d’un enfant. Mais la grâce est durable,
constante. Mon baptême a été célébré le … mais je suis baptisé depuis cette
date. Ce sacrement est permanent. « Les dons de Dieu et son appel sont
irrévocables » (Rm 11,29). On peut comparer le Baptême à une source
qui est ouverte au jour du baptême, et cette source continue de couler. Si le
baptisé peut retourner à ses erreurs, il se coupe de la source, certes, mais la
source reste ouverte, disponible à tout moment pour le pardon et le sursaut de
la foi. Quoi qu’il arrive, ce baptême ne sera jamais réitéré.
Ce baptême est unique pour tous, il est le
bien commun de chacun des baptisés, quelle que soit sa situation dans l’Église
et dans la société. Sur ce plan fondamental, il n’y a pas un baptême supérieur
et un baptême ordinaire. C’est le même baptême reçu par celui qui deviendra
Pape et par celui qui vient d’être baptisé. Cela signifie que étant baptisés,
nous sommes tous sur un pied d’égalité, à ce niveau de la nouvelle identité
d’enfant de Dieu, devenu un même être avec Jésus mort et ressuscité. Chacun
participe pour sa part à l’unique mission de l’Église de porter l’Évangile à
toutes les nations.
Peuple de frères…
C’est le sacrement fondamental sur lequel
viendront se joindre, se greffer, les autres sacrements chrétiens. Je ne parle
pas de la Confirmation qui est la confirmation du baptême. Nous en reparlerons.
L’Eucharistie est offerte au baptisé, alors qu’elle lui était inaccessible
avant son baptême. Le sacrement de Réconciliation redonnera au baptisé pécheur
la vigueur de son baptême. En cas de maladie grave l’Onction des malades permet
de vie l’épreuve en union avec Jésus souffrant. Le sacrement de l’Ordre confie
une responsabilité spécifique pour le service de l’Église, c’est-à-dire de tous
les baptisés. C’est aussi le cas du Mariage dans le cadre d’une autre manière
du service de l’Église, : lui donner de nouveaux enfants, leur
transmettant à la fois la vie physique et la vie d’enfants de Dieu.
Notre époque fait souvent mention de la dignité de
tout être humain. Quand on songe à l’éminente dignité à laquelle Dieu chacun
des hommes en lui révélant la personne de Jésus, rendons grâce à notre Père de
nous appeler tous à sa grâce et à sa gloire. ¨