Vie chrétienne

Dialogues

Avancées importantes dans le dialogue œcuménique.

            Nous savons combien l’Église catholique tient à l’unité entre les chrétiens et la méthode Benoît XVI s’avère profonde et efficace en œcuménisme. Il nous est agréable de faire état du récent Rapport de la commission Anglicane–Catholique publié dans la Documentation Catholique du 2 septembre 2007 pp 766-794. Nous citons quelques extraits du rapport. Nous reviendrons ultérieurement sur l’Accord de Ravenne à la  Commission mixte entre Orthodoxes et Catholiques romains publié en novembre 2007, sans oublier la longue lettre de Benoît XVI aux Catholiques de Chine du 27 mai 2007 (DC 15 juillet 2007 Pp. 664-679).
« Grandir ensemble dans l’unité et la mission »
Rapport de la Commission Anglicane-Catholique
sur l’unité et la mission de l’Église,.   DC septembre  2007

Le texte se présente comme le fruit actuel  de 40 ans de dialogue entre anglicans et catholiques romains. L’avant propos note ainsi : « Quarante années se sont écoulées depuis que l’Archevêque Michael Ramsey a rendu la première visite officielle d’un archevêque de Cantorbéry au Pape, depuis la Réforme. Avant les divisions de la Réforme, nous avons connus quinze cents ans de communion dans la foi et le témoignage. Les temps sont mûrs pour une réflexion qui conduise à une action intensifiée. En tant que coprésidents de la commission, nous recommandons ce document à une étude et une action conjointes, et nous demandons que l’Esprit Saint de Dieu veuille continuer de nous rapprocher toujours davantage de cette unité pour laquelle le Christ a prié et à laquelle aspirent anglicans et catholiques romains. »
La première partie du document énumère en détail les réalisations du dialogue théologique anglican-catholique romain. Les progrès dans l’unité sont relevés sur neuf sujets : la foi en Dieu comme Trinité, l’Église, comme communion dans la mission, la Parole vivante de Dieu, le baptême, l’Eucharistie, le ministère, l’autorité dans l’Église, la vie de disciple et sainteté et enfin la sainte Vierge Marie.
C’est sur l’autorité dans l’Église que le rapport apporte de réels progrès, il est die effet au n° 70 et suivants : « Anglicans et catholiques romains reconnaissent que depuis l'époque du Nouveau Testament (cf. Ac 15,6-29), l'Église s'est efforcée, à travers des rencontres collégiales et conciliaires, d'obéir au Christ, en fidélité à sa vocation.

69. Anglicans et catholiques romains sont d'accord sur le fait que les conciles peuvent être considérés comme faisant autorité lorsqu'ils expriment la foi et l'esprit communs de l'Église, en conformité avec les Écritures et la Tradition apostolique (142). Les conciles tenus jusqu'aux temps modernes, que l'Église catholique romaine appelle «œcuméniques», sont considérés comme ayant un caractère obligatoire et, pour les catholiques romains, ils sont une expression autorisée de la tradition vivante (143). Historiquement, les anglicans n'ont reconnu une autorité avec force obligatoire qu'aux quatre premiers conciles œcuméniques. Alors qu'ils soutiennent une partie du contenu des conciles successifs, ils estiment que seules les décisions qui peuvent être démontrées à partir des Écritures ont force obligatoire pour les fidèles.

70. La communion de l'Église requiert un ministère de primauté à chaque niveau de la vie ecclésiale, comme lien visible et centre de sa communion (144). Depuis le début, un ordre s'est établi parmi les évêques, selon lequel les évêques des sièges principaux exerçaient un ministère d'unité distinctif en tant que premier parmi les évêques de leurs régions. Ils agissaient non pas isolément, mais en association collégiale avec d'autres évêques. Primauté et collégialité sont des dimensions complémentaires de l'episcopè, exercée dans la vie de toute l'Église. (C'est précisément dans ce sens que les anglicans reconnaissent le ministère de l'Archevêque de Cantorbéry).

71. La fonction de primat universel est un cas spécial et particulier de ce souci de communion  universelle propre de la fonction épiscopale elle-même. «Le seul siège qui revendique le primat universel, et qui a exercé et exerce encore une telle episcopè, est le siège de Rome, la ville où Pierre et Paul sont morts» (145). L’Église catholique romaine enseigne que le ministère de l'évêque de Rome comme primat universel est conforme à la volonté du Christ pour l'Église et qu'il est un élément essentiel pour maintenir celle-ci dans l'unité et dans la vérité. Au XVIe siècle, les anglicans ont rejeté la juridiction de l'Évêque de Rome. Aujourd'hui, toutefois, quelques anglicans commencent à voir la valeur potentielle d'un ministère de primauté universelle, qu'exercerait l'Évêque de Rome, comme signe et centre d'unité dans une Église de nouveau réunie (146).

72. Nous sommes d'accord sur le fait que l'Église, «colonne et soutien de la vérité» (1 Tm 3, 15), est indéfectible. L’Église est süre que l'Esprit Saint lui donnera effectivement les moyens d'accomplir sa mission, de sorte qu'elle ne perdra pas son caractère essentiel ni ne manquera d'atteindre son but (147).

73. Anglicans et catholiques romains concordent dans une large mesure sur la question de l'autorité dans l'Église, bien qu'il reste un certain nombre de questions, y compris l'autorité obligatoire des conciles œcuméniques et l'infaillibilité de la fonction doctrinale de l'Église. Anglicans et catholiques romains continuent de réfléchir sur le rapport entre le local et l'universel dans la vie de l'Église et en particulier sur la place et l'autorité des structures régionales et nationales; la place et le rôle des laïcs à chaque niveau de la vie de l'Église, en particulier par rapport aux conciles et aux synodes de l'Église; le rapport entre assemblées collégiales et synodales; la place de la réception dans le discernement de la pensée du Christ pour l'Église.

74. La question de savoir si la Communion anglicane est ouverte à l'acceptation d'instruments de supervision pouvant permettre de prendre des décisions qui, dans certaines circonstances, auraient force obligatoire pour les membres de toutes les provinces, est importante et d'actualité. D'un autre côté, on s'est demandé si, dans l'Église catholique romaine, des mesures suffisantes ont été adoptées pour assurer la consultation entre l'évêque de Rome et les Églises locales avant de prendre des décisions importantes qui engagent soit une Église locale soit l'Église universelle.

75. Alors que quelques anglicans commencent à apprécier le ministère de l'évêque de Rome comme signe et centre d'unité, des questions continuent de se poser pour savoir si le ministère pétrinien, tel qu'il est exercé par l'évêque de Rome, existe de droit divin dans l'Église; d'autres questions se posent sur la nature de l'infaillibilité papale et sur la juridiction attribuée à l'Évêque de Rome comme primat universel (148).

76. Anglicans et catholiques romains croient que l'Église est indéfectible, que l'Esprit Saint guide l'Église dans toute la vérité. Pour les catholiques romains, la foi garantit qu'en des circonstances spécifiques et sous certaines conditions précises, ceux qui exercent un ministère de supervision, avec l'assistance de l'Esprit Saint, peuvent parvenir à un jugement préservé de l'erreur concernant des questions de foi ou de morale. C'est ce que l'on entend par la doctrine infaillible de l'Église. Les anglicans, convaincus que la nature indéfectible de l'Église est préservée par la fidélité aux Écritures, aux Credo universels, aux sacrements et au ministère des évêques, n'attribuent de ministère infaillible à aucun groupe ni individu au cours de leur vie. Ils estiment qu'une doctrine, proposée ou définie de quelque manière que ce soit, doit être reçue par le corps des croyants à qui elle s'adresse comme étant conforme aux Écritures et à la Tradition (149).

8. Vie de disciple et sainteté
77. Anglicans et catholiques romains enseignent que la vocation chrétienne est à la sainteté de vie (cf. Ex 9, 6; Mt 5, 48) et que le comportement moral fait partie intégrante du maintien de la communion avec la Sainte Trinité, ainsi que de la communion avec la communauté des croyants dans l'Église. Nous avons reçu le même Évangile et nous sommes d'accord sur le fait que l'Évangile que nous proclamons ne peut être séparé de la vie que nous vivons (cf. 1 Jn 3, 18; Jc 2, 20) (150). Notre commune acceptation des mêmes valeurs morales fondamentales, et le partage de la même vision de l'humanité, créée à l'image de Dieu et recréée en Christ, sont des éléments constitutifs de la communion ecclésiale et sont essentiels pour la communion visible de l'Église » (151).(10)

La première partie se conclut sur la liberté dans la foi commune : la foi qui nous rend libres.

« 93. La Commission reconnaît avec gratitude que la foi que nous partageons nous est donnée par Dieu. Dans la présente déclaration nous avons cherché à recueillir les fruits de quarante années de dialogue entre anglicans et catholiques romains. Passant en revue les expériences de nos Églises, il est apparu clairement comment une interaction croissante nous a conduit à une plus large compréhension mutuelle et, en même temps, comment cette conscience accrue de la dimension de la foi que nous partageons nous a permis de rendre plus efficacement témoignage ensemble. Pour cela, nous célébrons et rendons grâce à Dieu.

94. Il y a eu des échecs en cours de route et des occasions perdues. Nous reconnaissons que les obstacles qui nous empêchent de recevoir ensemble tout ce que Dieu nous offre nuit à l'efficacité de notre mission dans le monde. La Commission a pris plus profondément conscience de la manière dont compréhension et coopération, foi et mission sont intimement liées. Nous sommes convaincus qu'en avançant vers la pleine communion ecclésiale et en répondant d'une nouvelle manière à la mission commune confiée par notre Seigneur à son Église, les questions restantes qui divisent l'Église seront plus efficacement résolues.

95. Parce que nous mettons notre espérance dans la grâce abondante de Dieu, nous sommes encouragés à persévérer et à affronter la difficulté de grandir ensemble. Nous glorifions Dieu qui peut, «par sa puissance qui agit en nous, faire au-delà, infiniment au-delà de ce que nous pouvons demander et imaginer; à lui la gloire dans l'Église et en Jésus-Christ, pour toutes les générations aux siècles des siècles. Amen» (Ep 3, 20-21). »

La deuxième partie est intitulée « vers l’unité et la mission commune. » Elle propose des actions communes découlant de notre foi commune. D’abord des expressions visibles de notre foi commune et l’étude en commun de notre foi.

« Église catholique romaine et les Églises de la Communion anglicane sont des Églises liturgiques dans lesquelles Dieu est glorifié au cours de services publics communs. Nous invitons anglicans et catholiques romains à mettre en œuvre des stratégies en vue de promouvoir l'expression visible de leur foi commune.
Compte tenu du degré d'accord dans la foi mis en évidence dans la présente Déclaration, nous désirons promouvoir une étude en commun afin d'approfondir la foi que nous partageons. »

Il est proposé une coopération dans le ministère et dans le témoignage commun dans le monde. « Nous encourageons la coopération dans les ministères ordonnés et laïcs partout où cela peut se faire » Nous encourageons la promotion d’une spiritualité d’engagement dans le monde orientée vers la mission »
La conclusion du document est une invitation. « Nous invitons tous les évêques à encourager leur clergé et les fidèles à répondre de manière positive à cette initiative et à s’engager dans une exploration approfondie de nouvelles possibilités de coopération dans la mission ». ( n° 126)  Deux annexes précisent encore cet engagement commun : « Nous réaffirmons que même en période d’incertitude, la mission que nos a confiée le Christ dans la puissance de l’Esprit Saint nous appelle sans cesse à donner une expression tangible du degré de foi. Que nous partageons, à travers la mission commune, le témoignage rendu ensemble et la prière en commun » (n° 135)

Claire Lesegretain, dans La Croix 27-11-07, conclut : Face au danger « que les divergences s’accroissent » entre les deux Églises, le rapport invite à « développer des structures communes pour les décisions à prendre afin de répondre ensemble aux nouvelles difficultés dès qu’elles se présen­tent». Anglicans et catholiques sont ainsi invités à des actions communes, qu’il s’agisse d’études et de formation, d’invitations réciproques aux « conférences synodales et collégiales », ou d’engagements sociaux, caritatifs ou écologiques. Il s’agit de montrer, écrit Mgr Longley, « qu’il existe une relation logique, théologique et intrinsèque entre l’expérience de l’approfondissement d’une communion ecclésiale et la nécessité impérative de s’impliquer pas à pas dans des situations de vie et mission partagées » ¨

10 - (145) L'autorité dans l'Église l, 23.
(146) Cf. L' autorité dans l'Église [J, 9.
(147) L' autorité dans l'Église J, 23.
(148) Cf. Le don de l' autorité, 56, 57.
(149) Cf. Section du Rapport sur « Dogmatic and Pastoral Concerns» dans The Truth Shall Make You/ Free: Conférence de Lambeth de 1988, Church House (éd.), Londres, 1988, p. 104.
(150) ARCIC, La vie en Christ: morale, communion et Église (1994) dans Service d'information 85 (1994), 2 (DC 1996, n. 2139, p. 510).
(151) Cf. L'Église comme communion, 44, 45.