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La Confirmation
Mgr Maurice Fréchard, cssp
Mgr Maurice
Fréchard est spiritain. Il a enseigné au scolasticat de Chevilly où il a été
confrère du P. Lucien Deiss qui en a fait son soliste dans les disques qu’il a
édités. Il a enseigné au Séminaire spiritain de la Croix-Valmer puis au
Séminaire Français de Rome dont il a été le Recteur de nombreuses années. Il a
exercé le ministère épiscopal comme archevêque d’Auch et à sa limite d’âge, il
était nommé Recteur de la Basilique Montmartre à Paris. Il est maintenant en
communauté à la Maison-Mère à Paris. Ce parcours nous dit bien que la liturgie
est comme son milieu pastoral habituel.
La Confirmation serait-elle passée de mode ?
Il y a cinquante ans et plus, dans les diocèses de
France presque tous les baptisés étaient confirmés. Le Baptême était célébré
peu de temps après la naissance, voire le jour même, dans les campagnes. La
Confirmation avait lieu souvent durant le primaire, même avant la première
communion. L’évêque venait confirmer les enfants d’un ensemble de paroisses
rurales.
Depuis le Pape saint Pie X, la première communion
accordée aux enfants a bouleversé un peu le programme habituel. Les enfants
reçoivent l’Eucharistie pour la première fois avant d’être confirmés. Un siècle
plus tard, la première communion marque souvent, hélas ! la fin de la
catéchèse, de la formation religieuse. La Confirmation n’est administrée qu’aux
jeunes qui fréquentent l’Aumônerie. Or ils sont peu nombreux en proportion de
tous ceux qui ont reçu le Corps du Christ.
Un effort pastoral en direction des adultes permet de
récupérer un certain nombre de baptisés durant leur enfance et qui, par suite
des négligences accumulées ici et là n’ont pas eu accès à la Confirmation
durant leurs études secondaires. Dans un bon nombre de diocèses de France, la
confirmation des adultes donne lieu à une préparation adéquate dans le cadre
des ‘’recommençants ‘’, généralement pendant une année. Cette année
se conclut la plupart du temps par une
grande célébration à la Cathédrale, souvent le dimanche de Pentecôte.
Donc d’une part, beaucoup de jeunes échappent à la
Confirmation, d’autre part, un certain nombre d’adultes en retrouvent le chemin
et l’importance pour découvrir la signification totale du Baptême. Le sujet est
délicat. Pour y voir clair, un aperçu de l’histoire de la Confirmation pourra être utile. Mais confirmation de
quoi ? Nous verrons ensuite les liens étroits entre Baptême et
Confirmation. Un parcours de la célébration conclura notre propos. Un
peu d’histoire
Le
Nouveau Testament
L’Évangile ne nous parle pas de la Confirmation. Mais
il souligne la place de l’Esprit Saint dans la mission de Jésus. Dans la
Constitution Apostolique qui promulgue le nouveau Rituel de la Confirmation,
Paul VI écrit : « Après avoir reçu le baptême de Jean, Jésus vit
l’Esprit descendre sur lui et y demeurer. Fortifié par sa présence et par son
aide, il fut poussé par l’Esprit à entreprendre publiquement son ministère
messianique. Annonçant le salut au peuple de Nazareth, il commença en affirmant
que l’oracle d’Isaïe : l’Esprit du Seigneur est sur moi, se
rapportait à lui-même. Il promit ensuite à ses disciples que l’Esprit leur
viendrait en aide pour les rendra capables d’annoncer courageusement leur foi …
Après sa résurrection, le Christ leur promit la venue imminente de l’Esprit
Saint. »
« Le jour de la Pentecôte, en effet, l’Esprit
Saint descendit miraculeusement sur les Apôtres, assemblés avec Marie, Mère de
Jésus, et le groupe des disciples : ‘’Ils furent remplis du
Saint-Esprit’’ ». Nous le savons, le Saint Esprit tient une grande place
dans les Actes des Apôtres
Saint Paul ne fait pas allusion à la Confirmation. Par
contre, il nous parle abondamment du Baptême, mais sans référence à un
complément qui serait la Confirmation. A partir du Baptême et de notre adoption
filiale par Dieu, le même saint Paul développe beaucoup tout ce qui concerne le
Saint-Esprit. A témoin, le merveilleux chapitre 8 de sa lettre aux Romains.
L’Église
primitive
Dans les documents anciens de la première Église, la
Confirmation n’est pas mentionnée non plus en tant que telle, comme sacrement
distinct du Baptême. Le plus ancien rituel du Baptême qui nous soit parvenu,
date du début du troisième siècle, il est l’une des parties d’un opuscule connu
sous le titre : La Tradition Apostolique. Immédiatement après la
triple immersion baptismale proprement dite, avait lieu à Rome une onction avec
l’huile de l’action de grâce par le prêtre qui avait baptisé.
Puis l’évêque imposait les mains en disant :
« Seigneur Dieu, qui as donné à ceux-ci la dignité de mériter la rémission
des péchés par la bain de la régénération de l’Esprit Saint, mets en eux ta
grâce pour qu’ils te servent selon ta volonté. Car à toi est la gloire, Père et
Fils avec l’Esprit Saint dans la sainte Église, maintenant et dans les siècles
des siècles. »
La description continue : « Il (l’évêque)
versera ensuite avec sa main l’huile sanctifiée. Il la mettra sur leurs têtes
en disant : ‘’Je te fais l’onction avec l’huile sanctifiée, dans le
Seigneur Dieu, le Père tout-puissant, le Christ Jésus et l’Esprit Saint.’’ Il
les marquera ensuite du signe sur le front, puis leur donnera un baiser de paix
en disant ‘’Le Seigneur est avec toi’’ » (La Tradition Apostolique
n. 22, dans Lucien DEISS, Aux sources de la liturgie, Paris, Fleurus,
1964, pp. 72-73). Ainsi donc à Rome, après le Baptême proprement dit, on
pratiquait une double onction avec l’huile de l’action de grâces, la première
par le prêtre ministre du Baptême, la seconde par l’évêque.
Cette double onction après le Baptême nous laisse
supposer une signification quelque peu différente de celle de la première
onction, encore qu’elle ne soit pas clairement exprimée. Cette double onction
est également signalée en Afrique du Nord par le célèbre évêque saint Cyprien
de Carthage vers le milieu du troisième siècle.
Il faut attendre le cinquième siècle pour voir
apparaître en Occident, une célébration distincte du Baptême et qui confère le
Saint-Esprit en complément du Baptême. En Orient, le problème ne se pose pas
dans la mesure où, quel que soit l’âge du baptisé, l’onction post baptismale est immédiate, Baptême et
Confirmation sont administrés dans une même célébration. Le Moyen-Âge latin en
fera la théologie.
Il aura donc fallu plusieurs siècles pour distinguer
deux démarches sacramentelles différentes, le Baptême et la Confirmation. Que
devons-nous retenir de cette histoire
commune durant les premiers siècles ? Des relations très étroites
entre les divers aspects de l’un et de l’autre.
Confirmation et Baptême
Dans la langue courante le mot confirmation
s’emploie habituellement à propos d’autre chose, il appelle un complément
d’objet direct. On confirme sa participation à un voyage, à une fête, on
confirme une réservation de vacances. Le terme ne s’emploie seul que
dans le cadre du sacrement, pour faire plus court sans doute. Mais avec
l’usage, on ne sait plus très bien si l’on doit confirmer quelque chose,
et si c’est le cas, ce que l’on doit confirmer.
Confirmation
du Baptême
Pour le sacrement, le mot confirmation ne fait pas
obstacle à la règle, encore qu’on ne l’exprime pas. Car en fait il s’agit bel
et bien de la Confirmation du Baptême. Le Baptême a eu lieu et il convient de
confirmer ce Baptême. En Occident, les enfants sont souvent baptisés quelques
mois après leur naissance, c’est-à-dire tout petits. Il faudra attendre
l’adolescence pour s’en souvenir et préparer la Confirmation de ce Baptême
ancien. Même lorsque le Baptême est conféré à des enfants d’âge scolaire,
quelques années se passeront après le Baptême avant que l’on envisage une
Confirmation de ce Baptême. Dans le cas des adultes qui reçoivent le Baptême,
le droit de l’Église accorde au prêtre qui a baptisé de donner le sacrement de
Confirmation immédiatement après le Baptême. Dans tous les cas, l’Onction avec
le Saint Chrême est une Confirmation du Baptême.
Mais qui confirme quoi ? Serait-ce le baptisé qui
confirme son Baptême ? Oui, pour une part, surtout quand une longue
période sépare le Baptême de la Confirmation. Cette situation ne se vérifie pas
quand la Confirmation suit immédiatement le Baptême, comme dans les rites de
l’Orient chrétien. Dans tous les cas, que le Baptême soit récent ou non, ne
serait-ce pas plutôt Dieu lui-même qui confirme la grâce du Baptême par le don
spécial de son Esprit ? D’ailleurs dans l’usage chrétien, on dit d’un
baptisé qu’il sera confirmé, ou qu’il est confirmé. Ce n’est pas
d’abord lui qui confirme ou se confirme, mais bien Dieu lui-même qui confirme le
baptisé dans la grâce de son Baptême.
La
Confirmation complète le Baptême
Ainsi s’exprime le Catéchisme de l’Église
Catholique : « Il faut expliquer aux fidèles que la réception de ce
sacrement est nécessaire à l’accomplissement de la grâce baptismale. En effet
par le sacrement de Confirmation, le lien des baptisés avec l’Église est rendu
plus parfait, ils sont enrichis d’une force spéciale de l’Esprit Saint et
obligés ainsi plus strictement à répandre et à défendre la foi par la parole et
par l’action en vrais témoins du Christ » (Catéchisme de l’Église Catholique,
n. 1285). Le Catéchisme fait lui-même appel à l’introduction du Rituel de la
Confirmation.
Nécessaire à l’accomplissement de la grâce
baptismale : le bain, l’immersion dans le Mystère Pascal du Christ réclame
de lui-même d’être complété par la grâce de Pentecôte, par le don spécial de
l’Esprit Saint.
Ne
nous laissons pas enfermer dans une conception trop étroite du Mystère Pascal
de Jésus. Sans doute le sommet de ce mystère est-il situé dans les trois jours
saints de la dernière Cène du Jeudi soir au matin de Pâques. Cependant il ne
convient pas d’isoler le sommet de ce qui conduit jusqu’à lui, et de ce qui en
est la continuation. Le Carême lui-même, en tant qu’il prépare les
catéchumènes au Baptême, est une excellente illustration du mystère de Jésus
Christ. Victorieux des tentations de Satan, Fils Bien-Aimé du Père sur la
montagne de la Transfiguration, Sauveur et Lumière du monde, la Résurrection et
la Vie, ces titres de Jésus nous préparent à l’acclamer lors de son entrée
triomphale à Jérusalem où il vient célébrer la Pâque, son unique Pâque.
Le Temps pascal qui suit nous habitue à vivre
désormais avec Jésus Ressuscité jusqu’à l’accomplissement de sa promesse aux
Apôtres : « Et moi, je vais envoyer sur vous ce que mon Père a
promis. Quant à vous, demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus
d’une force venue d’en haut » (Lc 24, 49) et encore « Vous allez
recevoir une force, celle du Saint-Esprit qui viendra sur vous. Alors vous serez
mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux
extrémités de la terre » (Ac 1,8).
D’ailleurs c’est après avoir reçu le don du
Saint-Esprit que les Apôtres ont commencé, Pierre en tête, à proclamer la Bonne
nouvelle de Jésus Christ. C’est à partir de l’irruption de l’Esprit promis que
l’Église devient visible dans son action. On peut dire que dès lors, les
Apôtres sont vraiment équipés pour l’annonce de l’Évangile aux nations. Le
récit de la Pentecôte inaugurale en est l’illustration saisissante. Les
pèlerins stupéfaits en conviennent : « Tous nous les entendons
proclamer dans nos langues les merveilles de Dieu » (Ac 2,11).
Dès lors qu’il est confirmé, le baptisé est pleinement
participant du Mystère Pascal de Jésus mort et ressuscité et qui nous donne son
Esprit.
Sacrement
permanent
Déjà le Baptême est un sacrement permanent. C’est la
raison pour laquelle, depuis les origines, on ne le renouvelle pas. On peut le
comparer à une source qui a été ouverte au moment du Baptême et qui continue de
donner son eau de manière constante. Dans le prolongement du Baptême, la
Confirmation est également un sacrement permanent. La grâce immense du don de
l’Esprit Saint de Pentecôte n’est pas prêtée pour un temps limité. C’est un don
sans retour qui anime chacun des baptisés désormais confirmés, et qui, dans le
même temps, anime l’Église tout entière dans sa mission de proclamation et de
témoignage.
Déjà, sur le bord du Jourdain, Jean Baptiste avait
témoigné au sujet de Jésus : « J’ai vu l’Esprit descendre du
ciel comme une colombe et demeurer sur lui. Je ne le connaissais pas ;
mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : ‘’L’homme sur qui
tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est celui-là qui baptise dans
l’Esprit Saint ‘’ Oui, j’ai vu, et je rends ce témoignage, c’est lui le Fils de
Dieu » (Jn 1, 32-34). Remarquons les deux emplois du verbe demeurer.
La manifestation du don de l’Esprit à Jésus révèle un don stable et non
transitoire.
A Nazareth, Jésus lit le passage du livre d’Isaïe :
L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par
l’onction … et il ajoute : « Cette parole de l’Écriture que vous
venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit » (Lc 4, 18.21).
Ici encore, c’est l’Esprit donné pour une mission, pas seulement pour son
inauguration, pour donner l’énergie initiale. L’Esprit est donné pour
l’accomplissement de la mission, aussi longtemps qu’elle doive durer. La
consécration est accordée une fois pour toutes.
Quand il promet le don de l’Esprit aux Apôtres, Jésus
ne fixe pas de limite de temps : « Moi, je prierai le Père, et il
vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous : c’est
l’Esprit de vérité » (Jn 14,16). Avant son Ascension, Jésus dit aux Apôtres
qu’ils seront « revêtus d’une force venue d’en haut » (Lc 24,49). Etre
revêtu ne concerne pas un instant seulement. Au début des Actes des
Apôtres, Jésus revient sur la promesse de l’Esprit Saint : « Vous
allez recevoir une force, celle du
Saint-Esprit qui viendra sur vous. Alors vous serez mes témoins à Jérusalem,
dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre »
(Ac 1,8). L’Esprit est donné pour la durée du témoignage des Apôtres et de
l’Église. Là encore c’est un don, et le don n’est pas passager. La suite du
récit des Actes des Apôtres témoigne du don permanent de l’Esprit Saint accordé
à l’Église, par les interventions de l’Esprit et la croissance de la Parole de
Dieu, comme du témoignage des communautés.
Sacrement permanent et par conséquent toujours en
activité au service des fidèles individuels et surtout de l’Église qui est le
Corps de Jésus Ressuscité. Les Papes successifs se sont plus à nous redire de
multiples fois combien l’histoire récente de l’Église en est le témoin jusqu’à
nous. Le Concile Vatican II en est le point focal le plus souvent mentionné,
comme étant une manifestation de l’Esprit de Dieu au service de l’Evangile, de
sa proclamation au monde d’aujourd’hui. Plus proche de nous, le Pape Paul VI a
plusieurs fois attiré notre attention sur le don irréversible de l’Esprit de
Dieu à l’Église de Jésus Christ.