Vie chrétienne


Actualité

Lettre du pape aux catholiques de Chine

Présentée par Jean Savoie

Le 30  juin 2007 le pape a rendu publique sa Lettre aux catholiques en République de Chine. Cette lettre est un événement important, par sa forme, par son contenu, par sa signification et par ses conséquences. Depuis des années, les Catholiques en Chine ont vécu une histoire bien difficile. L’Église se présentait en deux communautés : l’Église  « clandestine » et l’Église officielle ou  « patriotique ». Ces dernières années de nombreux contacts officieux ont amélioré les relations entre communautés.

Pourquoi une lettre du pape
Le pape adresse une lettre  « aux évêques, aux prêtres, aux personnes consacrées, et aux fidèles laïcs, de l'église catholique, en République populaire de Chine ». Cette unité affichée est déjà un message. De plus il s’agit d’une lettre : c’est à dire d’une correspondance entre proches, comme l’apôtre Paul aux premières communautés chrétiennes. Enfin une lettre permet au pape d’être nuancé dans le ton sans avoir besoin d’affirmation catégoriques. De fait, les observateurs estiment que le pape a su capter la confiance de tous et faire des propositions nuancées sans mettre personne devant le fait accompli. Les Catholiques sont 1% et les protestants 2% de la population, cela fait 37 millions de chrétiens.

But de la Lettre
Le pape exprime clairement son intention : « Je désire vous manifester à tous l'expression de ma proximité fraternelle. Intense est la joie pour votre fidélité au Christ Seigneur et à l'Église, fidélité que vous avez manifestée « parfois même au prix de grandes souffrances »,( n°1) car, « pour le Christ, il vous a été fait la grâce non seulement de croire en lui mais aussi de souffrir pour lui » (Ph 1, 29). Cependant, certains aspects importants de la vie ecclésiale dans votre Pays sont aussi source de préoccupation. Je voudrais, par cette Lettre, vous présenter certaines orientations concernant la vie de l'Église et l'œuvre d'évangélisation en Chine, pour vous aider à découvrir ce qu'attend de vous le Seigneur et le Maître, Jésus Christ, lui qui est « la clé, le centre et la fin de toute l'histoire humaine ». (n°2). Le but est donc nettement spirituel et adressé aux catholiques mais bien ancré dans la réalité historique  de la Chine

Le contenu de la lettre
 Dès le début deux souhaits sont exprimés par le pape :
- Le souhait que les catholiques chinois ne fassent qu’une seule communauté d’Église. : le Pape appelle les fidèles et les évêques chinois de l'Église «clandestine» et ceux de l'Église «officielle», en son 50e anniversaire, à ne plus former qu'une seule communauté, unie à l'Église universelle. La Lettre de Benoît XVI invite à mettre fin à cette situation complexe et de créer l'unité. Il souhaite également la réconciliation. Il annonce la fin des mesures d'exception telles que l'ordination d'évêques clandestins., et déclare le Saint-Siège ouvert aux négociations avec le Gouvernement chinois.
- Le souhait que les catholiques participent au renouveau en cours pour toutes les religions.  Les observateurs relèvent, en effet, en Chine, une « fièvre religieuse» qui concerne toutes les religions et les pratiques religieuses. avec le développement des croyances taoïstes, le renouveau bouddhiste et le ferme enracinement de l'islam dans certaines régions. Le christianisme, qui met l'accent sur le salut personnel, peut être appelé à combler le vide souvent immense créé par le déclin presque général de l'idéologie marxiste, spécialement chez les jeunes. 

Première partie de la lettre :
situation de l'église aspects théologiques
Le pape analyse la situation de l’Église en Chine. Il relève les impacts de la Mondialisation, de la modernité et de l’athéisme. « Portant un regard attentif sur votre Peuple, qui s'est distingué parmi les autres peuples de l'Asie par la splendeur de sa civilisation millénaire, avec toute son expérience de sagesse, de philosophie, ainsi que dans les sciences et dans les arts, il me plaît de relever que, spécialement au cours des derniers temps, il s'est aussi mis en marche pour parvenir à des objectifs significatifs de progrès, dans les domaines économique et social, suscitant l'intérêt du monde entier. (n° 3.) »
Le pape leur adresse à tous un fervent appel à l'unité et à la réconciliation. Conscient du fait que la pleine réconciliation « ne pourra pas s'accomplir du jour au lendemain», il rappelle qu'un tel chemin «est soutenu par l'exemple et la prière de nombreux "témoins de la foi", qui ont souffert et qui ont pardonné, offrant leur vie pour l'avenir de l'Église catholique en Chine» (n. 6).
De fait, en Chine comme dans le reste du monde, «l'Église est appelée à être témoin du Christ, à regarder en avant avec espérance et à se confronter - dans l'annonce de l'Évangile - aux nouveaux défis auxquels le Peuple chinois doit faire face» (n. 3). « Dans votre pays aussi, rappelle le Pape, l'annonce du Christ crucifié et ressuscité sera possible dans la mesure où, en fidélité à l'Évangile, en communion avec le Successeur de l'apôtre Pierre et avec l'Église universelle, vous saurez manifester les signes de l'amour et de l'unité» (ibid.)
Benoît XVI donne des indications concernant la reconnaissance des ecclésiastiques de la communauté clandestine de la part des Autorités gouvernementales (cf. n. 7) et met particulièrement en relief le thème de l'épiscopat chinois (cf. n. 8), avec une référence spéciale à la nomination des évêques (cf. n. 9). De plus, les orientations pastorales que le Saint-Père donne à la communauté ont une signification particulière, soulignant en premier lieu la figure et la mission de l'évêque dans la communauté diocésaine: «Rien sans l'évêque». Il donne en outre des indications pour la concélébration eucharistique et il invite à créer les organismes diocésains prévus par les normes canoniques. Il ne manque pas de donner des indications concernant la formation des prêtres et la vie de la famille. (DC 15 juillet 2007 Note explicative p 680-682)

Seconde partie : orientations de vie pastorale
En ce qui concerne les relations de la communauté catholique avec l'État, dans une tonalité sereine et respectueuse, Benoît XVI rappelle la doctrine catholique, proposée aussi de nouveau par le Concile Vatican Il. Il exprime ensuite son souhait sincère que le dialogue entre le Saint-Siège et le Gouvernement puisse avancer.
Sur le gouvernement des diocèses et des paroisses, le pape rappelle quelques principes pour éclairer les difficultés observées : 10. Au cours des derniers temps, sont apparues des difficultés liées à des initiatives individuelles de Pasteurs, de prêtres et de fidèles laïcs qui, mus par un généreux zèle pastoral, n'ont pas toujours respecté les devoirs et les responsabilités d'autrui.
À ce sujet, le Concile Vatican II nous rappelle que, si d'un côté tous les Évêques considérés individuellement, « en tant que membres du collège épiscopal et légitimes successeurs des apôtres, sont tenus, de par l'institution et le précepte du Christ, à cette sollicitude pour l'ensemble de l'Église », de l'autre, ils « exercent, chacun pour sa part, leur fonction pastorale sur la portion du peuple de Dieu qui leur est confiée, et non sur les autres Églises, ni sur l'Église universelle ».46

En conclusion, une décision est annoncée : la révocation des facultés et des directives pastorales. Voici le texte « 18. Considérant en tout premier lieu certains développements positifs de la situation de l'Église en Chine, en deuxième lieu des opportunités et des facilités de communications plus grandes, et enfin les demandes que différents Évêques et prêtres ont fait parvenir, je révoque, par la présente Lettre, toutes les facultés qui avaient été concédées pour faire face à des exigences pastorales particulières, nées en des temps spécialement difficiles. Il en va de même pour toutes les directives d'ordre pastoral, passées et récentes. Les principes doctrinaux qui les inspiraient trouvent désormais de nouvelles applications dans les directives contenues dans la présente Lettre. »

Une autre application annoncée :
 une Journée de prière pour l'Église en Chine
19. Chers Pasteurs et fidèles, le 24 mai, qui est consacré à la mémoire liturgique de la bienheureuse Vierge Marie, Auxiliaire des chrétiens — vénérée avec tant de dévotion dans le sanctuaire marial de Sheshan à Shangaï —, pourrait devenir, dans l'avenir, une occasion pour les catholiques du monde entier de s'unir par la prière à l'Église qui est en Chine. Je désire que cette date soit pour vous une journée de prière pour l'Église en Chine. Je vous exhorte à la célébrer, renouvelant votre communion de foi en Jésus Notre Seigneur et de fidélité au Pape, priant afin que l'unité entre vous soit toujours plus profonde et plus visible. Je vous rappelle en outre le commandement d'amour que Jésus nous a laissé d'aimer nos ennemis et de prier pour ceux qui nous persécutent, sans oublier l'invitation de saint Paul: « J'insiste avant tout pour qu'on fasse des prières de demande, d'intercession et d'action de grâce pour tous les hommes, pour les chefs d'État et tous ceux qui ont des responsabilités, afin que nous puissions mener notre vie dans le calme et la sécurité, en hommes religieux et sérieux. Voilà une vraie prière, que Dieu, notre Sauveur, peut accepter, car il veut que tous les hommes soient sauvés et arrivent à connaître pleinement la vérité » (1 Tm 2, 1-4) ».

Importance  de cette lettre
Le père Benoît Vermander, sj, Jésuite français de la province de Chine, qui vient d’être nommé consulteur du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux nous dit en un mot toute l’importance de la lettre : « le dialogue avec les religions présentes en monde chinois est essentiel pour l’avenir du christianisme au sein des religions du monde, mais aussi pour le futur de la planète : la Chine joue un rôle considérable dans l’effort que nous avons tous à faire en vue d'un développement plus humain, plus durable, et une meilleure appréciation des ressources spirituelles du monde chinois peut nous aider tous à nourrir l’apport des religions et des spiritualités au combat à mener pour la réforme de notre modèle de développement. »  (in DC 15 juillet 2007)