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Missionnaires et développement

8.1 Le Père Duss

chercheur, savant, botaniste, ... .


Le père Antoine Duss est né à Haslé, dans le canton de Lucerne, en Suisse.
Après des études très moyennes pendant ses années de séminaire, il est envoyé en Martinique après son ordination chez les Spiritains. Ce n'est qu'à l'âge de quarante ans, lorsqu'on lui propose d'enseigner les Sciences Naturelles au collège de Fort de France qu'il découvre la botanique. Il va alors se passionner pour cette discipline et devenir un grand savant.
Il entreprend d'abord de créer un petit jardin près du collège où il fera pousser les plantes qu'il pourra montrer à ses élèves et étudier avec eux. Rapidement, les vacances et les jours de congés lui servent à visiter toute l'ile. En 1885, il écrit "Depuis quatre ans, je me suis occupé à ramasser, sécher, empoisonner, et nommer. Il ne me reste que sept à huit spécimens d'espèces qui poussent sur les hautes montagnes et fleurissent aux mois d'Avril et de Mai, époques où nous  ne sommes pas en vacances..." Pour réussir à obtenir ces plantes rares, il paye des gens de ces régions isolées, afin qu'ils lui amènent fleurs graines et parfois fruits.
    
Il achète le livre de "Jaquin", où l'on trouve dessiné et expliqué les plantes d'Amérique. Il va alors pouvoir faire oeuvre scientifique, en établissant la flôre de l'ile. En 1883, à l'exposition de Fort de France, il présente la collection la plus complète qui puisse exister de fougères du pays: 153 spécimens avec les graminées, les cypéracées, les commélynées et les lycopodiacées qu'il a recueillies. Contre quelques plantes qu'il envoie à Mr Decaine, directeur du museum d'histoire naturelle de Paris, il reçoit quelques subsides qui lui permettent de continuer ses travaux. Il devient célèbre si bien que le Conseil Général de la Martinique lui propose,  fin 1891, de devenir directeur du jardin botanique de Saint Pierre. Malade, il ne peut accepter. Il doit partir pour l'Europe afin de se soigner et de se reposer.
     Sa santé étant à peu près rétablie, il est nommé pour la Guadeloupe. Ses supérieurs lui accordent du temps pour publier son premier livre:"La Flôre Phanérogamique aux Antilles".En quatre ans de recherches, il va ensuite envoyer 1021 spécimens de plantes  préparées pour faire des herbiers en Europe. Une société botanique basée à Berlin sous la direction du docteur Hurban, l'aide à éditer en 1897: "Additamenta ad cognationem florae indiae occidentalis". 
Sa recherche le pousse à étudier l'utilité possible de certaines plantes pour la médecine et l'industrie...Il passe ensuite à des travaux sur les champignons, et fait publier une "énumération méthodique des champignons recueillis à la Guadeloupe et à la Martinique", en 1903. Suivent des brochures sur les muscinées, les lycopodes, les lichens.
Il s'attelle alors à un travail de 1000 pages à raison de trois ou quatre espèces de plantes par page: il va citer le nom botanique de la plante qu'il décrit; il explique ce nom en recourant à l'étymologie grecque ou latine. Puis, vient le nom vulgaire, en usage aux Antilles, les références aux auteurs qui ont parlé de la plante, les caractéristiques extérieures et pittoresques des organes, feuilles, fleurs et fruits, l'usage des diverses parties, avec des observations personnelles, les modifications dues à la culture, l'habitat.
     Ce sera son dernier ouvrage. Officier d'Académie, chevalier de la légion d'honneur, Antoine Duss va mourir à Basse Terre, en Guadeloupe, le 12 Mai 1924.

Père Roger Tabard,
Archiviste général-adjoint.



ANECDOTES
" Il n'oubliait pas son sacerdoce. Un de ses confrères, le Père Wechter a raconté à son sujet l'histoire suivante, digne d'un fioretti. "Il herborisait un jour (c'était vers 1878) dans la région du Lamentin. Une voix lui dit bien distinctement : "Près d'ici il y a une personne bien malade." Le Père se retourne et ne voit personne, et continue son travail. La voix reprend : Il faudrait aller voir ce malade." Le Père, une seconde fois, examine et ne trouve personne. "C'est curieux" se dit-il, et il reprend ses recherches. Une troisième fois il entend la voix mystérieuse : "le malade est au plus mal, allez le voir". Le Père impatienté demande . "Mais où faut-il aller ?" – Tout droit devant vous" lui est-il répondu. Pour le coup, le Père ramasse son attirail, il prend à travers les lianes, les broussailles, et le voilà sur un chemin. Il prend à gauche, confiant dans l'avis de son guide inconnu en cas d'erreur. Une grande habitation s'offre à lui et le Père demande : "Où est le malade ?" Après bien des hésitations, on l'introduit timidement auprès d'un moribond manifestement hostile à tout sentiment religieux, et pour lui-même et pour toute sa famille. La réception est franchement mauvaise, mais il n'y avait pas de quoi déconcerter un homme de la trempe de notre brave suisse. A la question . "Alors c'est vous cet original qui est à la poursuite de nos spécimens plantus ? " – "Oui, dit-il, pour le moment j'en trouve un très intéressant, c'est vous-même ! Bon pour l'herbier du bon Dieu ! Vous n'avez pas peur…" Le malade a beau protester, il est vaincu.

" Agé de 66 ans, en 1906, il monta sur le toit d'un appentis pour y cueillir une mousse ou un lichen. Arrivé au sommet, et tenant dans ses mains la plante, il perdit l'équilibre, glissa sur le toit en pente, et vint tomber sur le sol auprès de deux religieuses qui l'aidèrent à se relever. Il n'avait aucun mal, et surtout il n'avait pas laissé échapper la plante dans sa chute. "
(repris du P. Carrard
ancien archiviste de la Province de Suisse
ancien archiviste général)

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