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Missionnaires et développement

2.1 Le Père Charles TISSERANT

Missionnaire et savant. .


Le père Charles Tisserant, frère du Cardinal Eugène Tisserant, doyen du Sacré collège, nait à Nancy le 14 Octobre 1886, dans une famille de vétérinaires. Son grand-père, son oncle, son père exercent ce métier. Ce dernier est même secrétaire de la Société d'agriculture de Meurthe et Moselle. Marqué par ce milieu de la recherche, Charles aime participer aux réunions de la Société de géographie de l'Est: les conférences qui y sont données par des militaires, administrateurs coloniaux, lui font découvrir l'Afrique. En même temps, il fait partie du "Sillon" de Marc Sangnier, mouvement qui est à l'origine des parties démocrates chrétiens en France. Entré au séminaire des pères du Saint Esprit de Chevilly, il y rencontre le père Sacleux, linguiste et botaniste, qui arrive de l'Afrique de l'Est. Ordonné prêtre le 28.10.1910, il est nommé pour l'Oubangui-Chari, aujourd'hui République Centre Africaine. Envoyé à Bambari, au
milieu de l'ethnie Banda, pour construire une nouvelle mission, il passera aussi un temps à Bozum, dans l'Ouest du pays, en région Gbaya. Il ira jusqu'à Bangassou, à l'Est, au milieu des Nzakara. Quand le Supérieur des Spiritains de l'Afrique centrale lui demandera de faire une visite de toutes les missions de la colonie, il aura acquis une vision globale de cet immense pays de plus de 700000 km2. Mais, il n'aura pas attendu cette visite pour se lancer dans différentes recherches, parfois en lien avec son activité proprement missionnaire. C'est surtout au début la linguistique.. Dans le but d'aider ses confrères à apprendre les langues et de composer des catéchismes, il va connaitre plusieurs langues. Ce n'est pas facile de vivre dans un monde de civilisation orale, à une époque où il n'y a pas encore de règles d'écritures internationales, où on n'a pas de magnétophone
pour nous aider. Son système est de dire un mot qu'il connait et de demander aux gens qui l'écoutent de faire diverses phrases avec ce mot. Ceci lui permet de préciser le sens des mots, la tonalité. Il va écrire ainsi un dictionnaire Sango, la langue nationale actuelle de la RCA. Plus tard, il fera encore un dictionnaire et une grammaire Banda, édités par la Société de Géographie en 1931. Il écrira encore un dictionnaire Gbaya, qui ne sera pas édité. Lié aussi à son travail de missionnaire, il étudie la vie des populations de l'Oubangui, faisant des dossiers sur le "mariage et la dot", le "culte des ancêtres", le "clan", "l'idée de Dieu". Voulant dénoncer ce qu'il a rencontré bien des fois au cours de ses tournées de brousse, et qu'il trouve à juste titre insupportable, il publiera chez Plon en 1955 "Ce que j'ai connu de l'esclavage en Oubangui-Chari".
Mais le père est mondialement connu surtout par ses études sur la flore. Quand il arrive à Bambari, il n'y a pas de route dans tout le secteur. Il faut se frayer un chemin à la machette à travers les herbes et les lianes. Il ramasse quelques branches coupées, puis des plantes, des feuilles, en faisant bien attention à localiser ses découvertes. Bientôt, il fait appel à des pygmés pour monter au sommet des grands arbres et lui rapporter fruits, lichens, mousses... Il envoie des spécimens au Museum d'Histoire naturelle de Paris, en particulier un herbier de 3800 planches de 2000 espèces différentes, dont une va porter son nom. En 1942, fatigué, il passe 5 mois sur les hauts-plateaux de Huambo, en Angola. Signe de sa passion extrême pour la botanique, il passe son temps pour se reposer la-bas à faire un herbier de 600 plantes qu'il fait parvenir à un centre de recherche au Portugal...
En 1950, l'Institue des "Etudes Centrafricaines" publie sa liste des plantes de l'Oubangui sous le titre "Catalogue de la flore de l'Oubangui". Il fait éditer encore "Les Xylophia de l'Oubangui", les "Indigofera de l'Est Africain", dix articles traitant chacun d'une famille de plantes. Pour aider les agriculteurs centrafricains à améliorer leurs rendements, il fait paraitre aussi en 1931, "les Formations végétales du Haut Oubangui et leurs Rapports avec l'Agriculture", dans la Revue botanique appliquée à l'Agriculture. Dans la même revue, il a publié en 1930 "Plantes à filasse de l'Oubangui".D'autres sujets l'intéressent et donnent matières à éditions: "Les Caféiers sauvages de l'Oubangui", "l'Arachide est t'elle indéhiscente?",
" l'Agriculture dans la savane de l'Oubangui" (Bulletin d'Etudes Centrafricaines),"Plantes nouvelles de l'Oubangui" (Bulletin de la société botanique française). C'est sans doute son intérêt, ses connaissances sur l'agriculture qui font nommer le père Tisserant par le gouvernement français "Directeur du laboratoire de phanérogamie, de la Station de Boukoko, près de Mbaiki.
Cette station centrale de l'agriculture de l'AEF étudie les plantes de la régions et surtout les variétés capables de résister aux différentes maladies. Elle s'intéressera surtout au développement de la culture du café. Directeur de 1947 à 1953, date de la fermeture, le père passe sa matinée à travailler dans son laboratoire. L'après-midi, il est libre pour accueillir les gens qui viennent chercher conseils. Le soir, il complète un dictionnaire de 1200 espèces de plantes. A chaque congé en France, il viendra étudier plus profondément ces plantes au Museum d'Histoire naturelle , dont il est correspondant permanent depuis 1923. En 1934, il est nommé Officier d'Académie; il est fait Chevalier de la Légion d'honneur en 1948, du Mérite agricole en 1951... C'est un homme très célèbre dans le monde scientifique, très aimé des Centrafricains, et pourtant très humble, qui meurt le 28.09.1962 à Paris, et qui est inhumé à
Chevilly-Larue,là où tout a commencé.

.Roger TABARD
archiviste général adjoint
rtabard@yahoo.fr


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