Le Frère Colomban AUDREN,
1828-1902


Décédé le 2 novembre 1902, le bon Frère Colomban (Pierre Colomban Audren) allait dans deux mois célébrer le cinquantième anniversaire de sa profession religieuse. Par rang d'ancienneté, il n'avait plus avant lui, parmi les Frères, que le F. Dosithée.

Né à Moréac, canton de Locminé, le 15 décembre 1828, il appartenait à une famille de cultivateurs aisés. De bonne heure orphelin de père et de mère, il fut élevé dans la famille du P. Cyr Guyot, son cousin, qui, par son exemple et ses exhortations, l'entraîna après lui dans la congrégation. - " Tu sais, mon cher cousin, lui écrivait celui-ci de N.-D. du Gard, que je t'ai sauvé la vie du corps, en te retirant d'un trou profond de la rivière où nous étions en train de nous baigner.. Et si le bon Dieu voulait aussi se servir de moi pour te sauver la vie de l'âme ? Penses-y bien !... - Cela pourrait bien être vrai ! répondit Pierre. Hé bien ! j'irai avec toi." Il avait alors 23 ans. Ce fut en juin 1851 qu'il arriva à N.D. du Gard, où il eut encore le bonheur de voir notre Vénérable Père. Après sa profession, qu'il fit en la fête de saint Jean l'évangéliste, le 27 décembre 1852, il resta dans cette maison, comme commissionnaire, jusqu'en octobre 1854. Il fut alors envoyé à l'établissement de Gourin, que venait de nous céder M. Maupied, puis, en 1857, à N.D. de Langonnet. C'était aux tout premiers commencements de cette communauté ; il y est demeuré jusqu'à la fin de sa carrière.

Durant les 44 ans qu'il y a passés, il a eu, on peut dire, toutes sortes d'emplois et de fonctions, suivant que le demandaient les circonstances. C'est ainsi qu'il était, selon le besoin, commissionnaire, charretier, couvreur, forgeron, agriculteur, terrassier, etc.

Il n'avait reçu qu'une instruction primaire médiocre ; mais il était pour tout d'une grande habileté et, ce qui vaut mieux encore, d'un vrai et généreux dévouement. Gai et joyeux en récréation, il était simple et modeste en toute sa conduite, actif et tenace au travail. Fidèle à sa règle, soumis et respectueux à l'égard de ses supérieurs, bon et charitable pour ses confrères.

"J'ai connu le bon F. Colomban, nous écrit le F. François-Marie, d'une façon très intime, dès le printemps de 1857 ; je travaillais alors sous ses ordres, pour l'installation de Langonnet. Tous les jours, nous allions charger quatre voitures de chênes au bois de Kerfloc'h. Le travail était rude et pénible, les chemins raides et boueux ; mais le bon F. Colomban, avec son entrain et sa gaieté, donnait du cœur à tous. Un jour au travail, il perdit sa croix de profession qu'il portait sur lui ; le surlendemain, un novice la retrouve entre les arbres. Le Frère l'embrasse avec effusion : "Oh ! vous m'avez rendu mon trésor s'écria-t-il. Et il se met à baiser sa croix avec amour.

"J'ai souvent voyagé avec lui. Sa belle humeur semblait abréger la route ; mais il n'oubliait jamais les exercices de piété : oraison, examen, récitation du chapelet, visite au saint-sacrement, etc, se faisaient exactement ; et, si le voyage était un peu long, le rosaire y passait tout entier."

C'est ainsi, que le bon et cher F. Colomban a travaillé, prié et obéi jusqu'au bout de ses forces. Sa fin a été celle d'un ressort usé. Depuis un mois environ, il n'avait plus guère conscience des choses de la vie ; assis sur une chaise, la tête appuyée sur la table, il sommeillait ; c'est ainsi qu'il s'est paisiblement endormi de son dernier sommeil le 2 novembre 1902 à 8 heures du matin. Il avait, sur sa demande, reçu depuis un mois tous les sacrements. Le lendemain, le P. Audren, son cousin, échappé au désastre de la Martinique, présidait ses funérailles, célébrées devant toute la communauté.

Le F. Colomban était âgé de près de 74 ans ; il avait passé 51 ans dans la congrégation, dont 49 ans 10 mois comme profes.

Pendant longtemps, il a été chargé de faire les commissions et de les transporter de Langonnet à Quimperlé. Arrivé au pied-à-terre qu'on avait en cette ville, il improvisait lui-même un frugal repas, soupe au lait ou à l'oignon, crêpes, beurre et cidre. C'était vite appreté et à peu de frais. mais on était content. Le bon Frère savait assaisonner le tout de la joie la plus cordiale... Le cachet de sa vie, c'était la gaieté. Je l'ai entendu dire : "Je crois que je mourrai en riant." Qu'il repose maintenant à jamais, dans la paix et la joie du Seigneur

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