Le Père Jean BATISSE
décédé à Cellule, le 15 mai 1953 à l’âge de 67 ans,
après 46 années de profession.


La mort du P. Batisse fut une surprise pour nous qui l'avions vu passer quelque quinze jours plus tôt à Paris, à la Maison Provinciale.

Le Père était prêt depuis longtemps à paraître devant Dieu; il par­lait volontiers de sa mort prochaine et ses souffrances continuelles étaient pour lui le meilleur avertissement. Depuis quarante ans déjà, il se préparait sans pouvoir désigner le moment précis où, Dieu lui ferait signe.

Sa vie se résume en peu de mots. Né au Vernet, commune de Saint­ Georges de Mons, dans le Puy-de-Dôme, le 23 août 1885, le Père fit ses études secondaires au Petit Séminaire de Cellule. A la fermeture de cette maison, en 1903, il alla les poursuivre au Petit Scolasticat de Gentinnes où s'étaient réfugiés nos aspirants chassés par les lois sectaires de la séparation.ation. Il y prit l'habit le 11 Juillet 1994, passa au noviciat et prononça ses premier vœux à Chevilly, le 26 décembre 1906. Son service militaire était déjà fait et il ne lui restait plus qu'à achever ses études théologiques. Prêtre, le 28 octobre 1911, il fit sa consécration à l'apostolat, le 14 juillet 1912.

Envoyé, au Gabon, il n'y resta que deux ans. Le 24 mars 1914, le médecin di-sait de lui. : « Le Père, se trouve dans l'état où je l'ai déjà vu, ayant perdu toute force physique, et, de plus, avec des manifestations nouvelles de névrite dues an paludisme ». Le mois sui­vait, le Père débarquait à Bordeaux.

A Paris, on le soigna à l'Hôpital Pasteur pour la maladie du sommeil. Quarante années durant, il devait vivre avec la hantise de son mal ; Il continua jusqu'au bout les consultations à I'hôpital, exécutant ponctuellement toutes les prescriptions des docteurs, sans espoir pour­tant de guérir un jour. Il souffrait de son inutilité apparente sans cesser jamais de rendre1e plus de services possibles. Nous le suivons par les indications qu'il nous donnait lui-même : en 1914, en traitement à l'Hôpital Pasteu: de 1920 a 1927, à la Maison-Mère; de 1927 à 1938, aumônier à l’hôpital Pasteur; de 1938 à 1947, aumônier des Sœurs missionnaires du Saint-Esprit, à Mantes, puis â Nogent-sur-Marne; de 1947 à 1953, aumônier de la clinique des Buissonnets, à. Lisieux.

Partout, dans ces différents postes, il fut très apprécié pour son dévouement, sa discrétion, et même sa bonne humeur. La directrice des Buissonnets écrivait au R. P. Provincial : « C'est avec stupeur que j’ai l'annonce du décès de notre bon et saint Père Batisse. Il laisse chez nous le souvenir d'un prêtre saint et dévoué; les médecins, malades, anciens malades, Sœurs et infirmières, éprouvent une vraie peine de cette mort si brusque. Je tiens à vous remercier de nous avoir donné pendant cinq ans ce cher Père Batisse qui fit tant de bien ici. »

D'ordinaire, l’état de sa santé le rendait triste; au premier abord, il paraissait découragé, se plaignait sans lamentations, puis avait vite fait, de reprendre courage. Il avait facilement le mot plaisant sur les lèvres, souriait, riait même sans éclat, et quittait son interlocuteur sous l’impression d'une douce joie, décidé à souffrir tant que le Bon Dieu voudrait, sachant bien que cette souffrance courageusement supportée lui valait de faire du bien aux âmes. Malade lui-même il savait, mieux que quiconque aller aux malades et il partageait vraiment la peine des autres. De violentes migraines ne l’empêchaient pas de trouver pour ses malades le mot consolateur qui raffermît. Sa discrétion était entière : il ne parlait pas d'autrui. Il acceptait, sans réagir au dehors, les procédés indélicats que certains se permettaient à son égard lui laissant comprendre qu'il n'était qu'un aumônier de seconde zône. Et pourtant, il avait le secret pour remonter une âme et lui rendre le courage. Pendant sept ans, il fut employé au Secrétariat Général à la Maison Mère. Sa maladie aurait dû normalement lui enlever toute ardeur au travail. Il sut accomplir sa tâche, acceptant volontiers les corvées pé­nibles, et ne refusant pas ce qui rebutait l'un ou l'autre de ses confrères. Serviteur de tous avec une gaîté de bon aloi, il n'avait rien d'affecté et n'était à charge à personne. Sa piété profonde faisait le charme de ses interventions auprès des malades. Loin de se contenter d'une compassion banale, il adaptait très habilement sa conversation aux besoins de chacun, parce qu'il y mettait une note surnaturelle. Et avec cela une douceur jamais prise en défaut qui lui conquérait les âmes. Modeste en tout, il n'imposait jamais son sen­timent tout en restant un homme de bon conseil.

Aussi a-t-il fait le bien autour de lui en s'oubliant lui-même et offrant ses souffrances continuelles pour le salut des âmes confiées à ses soins.

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