Le P. Battmann a travaillé pendant 51
ans, dans différentes missions au Cameroun. Il est le fondateur de cette belle
mission de Nkomoutou où il est resté pendant 10 ans. Parlant de son enfance à
Masevaux et de sa formation, il écrit ceci:
« J'ai grandi dans un climat
familial de profonde tendresse. Élève de maternelle, j'avais été fortement
impressionné par la gentillesse d'un vicaire de la paroisse, Paul Wetzel, au
point que, à la question de savoir ce que je ferai plus tard, j'aurais répondu :
« Je veux devenir Wetzel ! ». Cet abbé me donnera les premiers cours de latin
avant de me conduire à Blotzheim en avril 1933 ». Il sera de la même
promotion que les PP. Lucien Deiss, Camille Bachmann, Paul Lazarus, Alphonse
Gilbert.
Dans toutes les missions, le P. Battmann a été un grand
travailleur et un infatigable bâtisseur. Plus tard, il jettera un regard
critique sur ses années actives, écrivant que, retiré à la Maison Saint-Léon, il
avait
« la chance de demander pardon pour son manque de prière dans une vie
trop active pour réussir à construire des chapelles en oubliant qu'il est plus
important de construire des communautés chrétiennes ». Regard autocritique
sûrement exagéré, puisque son apostolat sera apprécié par toutes les personnes
qui en ont bénéficié. Ce n'est pas pour rien qu'il a été décoré de l'Ordre
national du mérite camerounais et de la Légion d'honneur française. Ses années
camerounaises sont interrompues par un bref séjour à Bletterans, en France,
comme professeur, et à Misserghin en Algérie, comme économe, de 1961 à 1962.
« J'y vivrai, a-t-il dit, les heures difficiles de l'indépendance, avec le
meurtre d'un confrère, d'un abbé, de notre cuisinier et de son fils. ».
Il retourne dans son cher Cameroun, à Nkomotou. En 1993, à l'âge de73 ans, il
essaie de tourner la page camerounaise en devenant aumônier des Sœurs de
Saint-Maur à Toulon. Mais son cœur était encore beaucoup trop attaché au
Cameroun pour durer dans ce nouveau ministère. Au bout d'un an, il reprend la
route du Cameroun pour un dernier séjour.
Le 1er août 2000, il s'installe à
Saint-Léon pour les 17 dernières années de sa vie. Il apprécie ce changement
écrivant qu'il a
« la chance de vivre plus en profondeur, avec l'aide de
Dieu, des confrères, dans la force de l'Esprit. Nous avons le temps de lire, de
continuer à nous cultiver, de combler des lacunes dans les sciences, histoire
profane, histoire de l'Église, géographie, langues, allemand, anglais, italien,
mais hélas la mémoire est percée et nous oblige à revenir à l'Unique nécessaire,
Union habituelle en Dieu, quelle chance ! ». Ce seront des années
sereines, consacrées à la prière et au service, sans grands problèmes de santé.
Il avait plaisir à revoir, de temps à autre, son beau village de Masevaux. Aux
grandes occasions, il aimait chanter et réciter des poésies. Il était l'ange
gardien de son confrère, le P. Joseph Wirth.
Il aurait bien aimé atteindre
les 100 ans; quand on lui demandait son âge, il ne disait pas 96 ou 97 ans, mais
100 moins 4, 100 moins 3. Il est vrai que parfois il venait dans le bureau du
supérieur lui demander très officiellement la permission de mourir, permission
qui lui a toujours été refusée. Jusqu'à ces derniers temps, début octobre, où un
AVC l'a gravement handicapé, le privant de parole, paralysant son côté droit et
l'empêchant de déglutir, donc de se nourrir. Avec l'aide des Sœurs et des
infirmiers, des soins palliatifs ont été mis en place. Il s'est éteint
doucement. II a rejoint cet Unique nécessaire dont il rêvait depuis
longtemps.
Jean-Paul HOCH