LE PÈRE EUGÈNE BERBACH
du District du Canada
(1869-1913)
(Not. Biog. V p. 393-394)


Le Séminaire Saint Alexandre d'Ironside n'avait pas encore une année d'existence, que déjà Dieu venait lui demander une victime d'agréable odeur en la personne du P. Eugène Berbach.

Cet enfant de l'Alsace était né à Morschwiller, le 22 janvier 1869. Le curé du village, charmé de sa candeur et frappé de sa vive intelligence, l'avait encore bien jeune admis parmi ses enfants de choeur. Il ne tarda pas à découvrir en lui les signes ordinaires de la vocation sacerdotale, et sans difficulté il dirigea ses aspirations vers notre Institut.

Eugène fut envoyé au petit scolasticat de Cellule en octobre 1881. Deux ans plus tard, ses supérieurs jugèrent à propos de le faire passer à Blackrock, où il reçu L le sain L habit le 8 décembre 1884. Dès qu'il fut; maître de la langue anglaise, il prit la tête de sa classe, et se présenta à tous les concours généraux. Il y gagna plusieurs premiers prix ; et ses succès attirèrent si bien l'attention sur lui, qu'on lui offrit dans le monde les places les plus brillantes... Mais fidèle à l'appel divin, le pieux jeune homme préféra travailler en humble religieux dans les oeuvres de la Congrégation.

Quand il eut terminé ses études littéraires, sur l'ordre du T. R. P. Emonet, il se rendit à Rome au Séminaire français. Il y resta quatre ans (1892-1896), prenant ses grades de théologie, et remportant de nouveaux prix aux concours annuels.

Après sa profession, faite à Grignon le 15 août 1897, le P. Berbach reçut son obédience pour l'Irlande, où il passa près de 15 ans dans les labeurs du professorat. A Blackrock on lui confia les cours préparatoires à l'Université royale de Dublin. Sans compter, passionnément même, il se dépensa pour ses nombreux élèves, d ont il était l'idole, distribuant à tous avec une grâce séduisante le meilleur des trésors accumulés dans sa vaste intelligence.

Le bon Père était causeur, mais causeur dans le plus beau sens du mot, un de ces causeurs que l'on entoure avidement avec l'assurance d'être instruit et charmé. On peut mettre en fait qu'on ne l'a jamais pris au dépourvu, quelle que fut la difficulté soumise à son jugement. Rien ne semblait lui coûter un effort quelconque. Sur ses traits on ne voyait que l'intime allégresse d'une âme éprise de nobles travaux et qui résout comme en jouant les problèmes les plu§ ardus. Pourtant le P. Berbach ne ménageait pas sa peine. Afin de pouvoir toujours donner, et donner davantage, il lisait, il lisait sans cesse, il lisait énormément, ne se réservant chaque nuit que quatre ou cinq heures de sommeil. Son regard scrutateur fouillait avidement tous les ouvrages de valeur parus de son temps, depuis la simple grammaire jusqu'aux traductions des mystérieux hiéroglyphes.

Il oublia peut-être qu'il avait une partie faible. A Rome déjà sa poitrine, délicate s'était ressentie de fatigues excessives. De fréquents crachements de sang produisirent un épuisement général qui nécessita un repos complet (le quelques mois. En Irlande, le mal ne repartit qu'après une période de douze ans. Le Père fut d'abord envoyé à Roclkwell en changement d'air, puis il dut aller se faire soigner au sanatorium de Bligny. Avec le temps les lésions pulmonaires se cicatrisèrent, et une destination nouvelle fut assignée au P. Berbach. Le 9 décembre 1912, il s'embarquait pour le Canada. A peine eut-il le temps d'y faire entrevoir des espérances ou d'y laisser des regrets, le 7 février 1913 il mourait à Ironside, emporté par la tuberculose.

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