Le père Jean Bernachon
nous a quittés à quatre-vingt-dix ans. Les derniers temps, il parlait souvent de
sa mort : « Je sens que le P. Adrien (Rémy) me demande de le rejoindre »
m’a-t-il dit dix jours avant sa fin. Quelques heures avant de mourir, après
avoir reçu le sacrement des malades, il essayait encore de dire au P. Supérieur
tout le bien qu’il pensait du P. Daniel Woillez qui venait de décéder.
Finalement, c’est la pandémie qui a hâté sa fin.
Jean était un homme
attachant. Son curriculum vitae, il l’a décliné bien souvent : naissance dans
une famille chrétienne du diocèse de Cambrai ; une formation spiritaine très
classique ; ensuite treize ans à Madagascar puis quarante-deux à La Réunion. Là,
son plus long séjour aura été pour Saint-Jacques où il sera vicaire, puis curé,
durant dix-huit ans. Il y avait gardé beaucoup d’amis avec lesquels, depuis
Chevilly, il communiquait tous les jours par téléphone ; c’est très souvent par
ses amis que nous apprenions les nouvelles de la paroisse.
Jean avait soif
de reconnaissance. Il a construit ou réaménagé bien des églises et presbytères à
La Réunion. Sa plus belle réalisation : la chapelle du bienheureux Jacques
Laval, à Bras-Pistolet. Partout, il laissait la trace de son passage par des
épigraphes :
« … Jean Bernachon étant curé », ce qui donnait lieu à des
plaisanteries goguenardes de confrères. Il se contentait d’en sourire sans
jamais se fâcher. Il savait financer ses projets sans laisser la moindre dette,
ce dont il était très fier. Avant de quitter La Réunion, il rêvait encore de
construire une dernière église à Beauséjour ; le diocèse et ses supérieurs l’en
ont dissuadé. Les malentendus et son obstination ont précipité son départ de
l’île, vécu avec une certaine amertume.
Jean était un homme de foi, un peu
traditionnelle. Il s’est senti très à l’aise dans la foi populaire des
Réunionnais, en phase avec eux pour organiser nombre de pèlerinages, dans l’île
mais aussi à l’extérieur. C’est peut-être pour cela que les gens l’aimaient. Il
prenait plaisir à accueillir ses confrères et les autres prêtres. Il avait un
grand souci des vocations depuis son stage pastoral à Notre-Dame-des-Champs, à
Paris ; et il a eu la joie de voir un des enfants de Saint-Jacques parvenir au
sacerdoce. Un autre souci : valoriser les riches heures du passé religieux de
l’île par des articles dans
Église à La Réunion et en encourageant ceux
qui s’essayaient à être passeurs de cette mémoire.
Une de ses dernières
grandes joies : en 2019, des paroissiens de Saint-Jacques l’ont invité et
accompagné pour le pèlerinage du Rosaire à Lourdes, en fauteuil roulant. Lors
des aurevoirs à la grotte de Massabielle, échappant à la vigilance de ses
accompagnateurs, Jean s’est précipité au micro pour saluer une dernière fois
les Réunionnais et leur dire :
« Désormais : au ciel, au ciel ! » Ce fut
son dernier baroud d’honneur. Nous croyons que le Seigneur lui a ouvert les
portes de son paradis.
Étienne OSTY
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