Le Père Christian BERTHAULT
originaire de la Province de France, décédé à Paris,le 30 décembre 1968,
à l'âge de 66 ans et après 46 années de profession.


Christian Albert René Berthault était né à Orléans, le 3 août 1902, dans une famille profondément chrétienne où, très tôt, il entendit l'appel de Dieu.

Il faisait ses humanités à Conflans, au petit séminaire de Paris, quand un événement qui fit un bruit considérable à l'époque, le naufrage de «L'Afrique», vint lui rappeler son très ancien désir de consacrer sa vie au service des missions lointaines. Dans ce naufrage, vingt-et-un Spiritains dont Mgr Jalabert, Vicaire apostolique de Sénégambie, avaient trouvé la mort. De nombreux volontaires se présentèrent pour remplacer la coura­geuse cohorte trop tôt disparue, et le noviciat d'Orly dut se dédoubler: une annexe fut ouverte à Neufgrange. Ce furent des années fastes pour la Congrégation avec quatre-vingts novices et plus, chaque année!

Christian entre à Orly en septembre 1921. Quelqu'un qui l'a bien connu le décrit ainsi à l'époque: «Christian Berthault était un vrai «titi» parisien, caustique mais charmant, et qui «mettait en boîte», facilement mais genti­ment, ses jeunes confrères. Un peu frondeur, il était cependant des plus réguliers, respectait l'autorité et avait une véritable vénération pour le P. Liagre, alors Maître des Novices, que tous regardaient à bon droit comme un Saint».

Admis à la profession religieuse le 3 octobre 1922, il s'acquitte de son service militaire, puis entre à Mortain étudier la philosophie sous la direction du P. Soirat. « La vie, nous confie encore le même confrère, y était plutôt rude: immenses dortoirs non chauffés, pas d'eau courante et cuisine à l'avenant ... » Le même confort accueillit Christian en 1924. à Chevilly où, sous la houlette du P. Jolly, la théologie était enseignée par les PP. Lithard, Houpert et Catlin.

C'est à Chevilly que Christian Berthault émet ses voeux perpétuels, le 13 avril 1927, et reçoit les saints ordres qui l'amènent au sacerdoce le 28 octobre 1928. Un an plus tard, en octobre 1929, c'est le départ pour le Sénégal où Christian devait se dévouer toute sa vie, d'abord à Bignona, puis à Elana et à Dakar. Il ne rentrera en France que vaincu par la maladie qu'il devait accepter avec le même simple courage dont il avait toujours fait preuve. Ses dernières semaines, fort douloureuses, ne lui enlevèrent ni son habituel sourire, ni une admirable patience. Au matin du 30 décembre 1968, il rentrait à la Maison du Père.

Sa nièce, religieuse chez les Dominicaines missionnaires des campagnes, écrit en apprenant le décès: «Nous sommes profondément unis par cette nouvelle épreuve qui rappelle douloureusement cet oncle que nous aimions bien, dont nous étions fiers, même si parfois nous étions désorientés * par ses réparties, car il avait une grâce spéciale d'humour et de critique. Ce qui m'apparaît davantage depuis qu'il nous a quittés, c'est sa foi inébran­lable. Dans l'événement, aussi déconcertant fût-il, c'est le surnaturel foncier qui triomphait sous des dehors quelquefois originaux. Que Dieu le reçoive!»

Pour le repos de cette âme d'élite, une messe de Requiem fut célébrée en la Cathédrale de Dakar, le 9 janvier 1969. Voici le dernier adieu que lui adressait, au nom de ses confrères, le P. Gérard Dujardin:

«Mon cher Père Berthault, vous devez être heureux de nous voir si nombreux dans cette cathédrale et de nous entendre chanter à pleine voix la si belle et si pacifiante Messe des Morts... telle que vous la chantiez à Bignona, à Elana, ou même ici, avec votre voix forte et chaude, du temps où vous étiez parmi nous.

Vous y êtes encore dans nos pensées et dans nos cœurs, bien que vous n'ayez pas vu le seuil de l'année 1969. Dieu a voulu que vous passiez le réveillon de l'on en Sa compagnie.

D'autres diront mieux que moi votre activité missionnaire en Casamance, dans votre chère Casamance. «Père Berthault, diola» est-il encore écrit sur votre confessionnal Vous vous êtes fait diola avec les diolas. Vous les connaissiez si bien que certains - peu nombreux, d'ailleurs - ne vous l'ont pas pardonné. Je vous entends encore dire: «Et pourtant, c'est vrai! Je n'ai rien inventé, c'était comme ça!» Vous avez rejoint vos frères dans l'apostolat, les Pères Weiss et Jacquin. Le trio s'est reformé là-haut. Vous étiez vraiment les hérauts de l'Evangile, les missionnaires-type. Au cours de votre dernier voyage en Casamance, j'ai pu mesurer, toucher du doigt, la sympathie affectueuse de tous ces gens pour qui vous étiez le Père.

Vous avez été ici également le Père, car vous étiez foncièrement bon - on peut vous le dire maintenant! Vous paraissiez «bourru», et ceux qui ne vous connaissaient pas avaient peur parfois de vous abor­der; mais, quand le contact était établi, une amitié de qualité naissait. Vous aviez le mot pour chacun. Votre culture littéraire ou historique était éblouissante, sans pourtant éblouir, car vous saviez vous mettre à la portée de votre auditoire. Souvent à table, à la cathédrale, nous vérifiions à l'aide du Larousse, une date, un fait d'Histoire, et vous aviez souvent - pour ne pas dire toujours - raison.

Vous étiez un homme bon. Les survivants parmi les malades de l'Hôpital sont là pour le dire, et ceux que le Seigneur a repris ont été là pour vous accueillir là-haut. Ils ont dû vous faire une ovation. De la bouche d'un prisonnier - votre autre clientèle - j'ai entendu dire: «Le Père Berthault, un grand Monsieur.» Vous étiez «un grand Monsieur», peut-être pas par la taille, mais par le cœur.

Et cette bonté, qui a pour nom Charité, vous la puisiez dans votre Foi en Dieu qui nous aime, qui aime les petits, les humbles, les malades et les prisonniers. Vous nous faisiez sourire parfois par vos prises de position, par vos réflexions, pertinentes d'ailleurs et émaillées sans effort de mots d'esprit, sur la présentation actuelle de la religion, mais on sentait toujours en vous la conviction profonde d'un homme empoi­gné par Dieu dès l'enfance.

Mon Père Berthoult, vous avez toujours été lucide, et vous l'avez été jusqu'au bout. A un ami, vous écriviez récemment: «Je repasse à Curie, c'est l'évolution normale. J'attends l'appel ... » Vous en aviez tant vu!

L'appel est venu le 30 décembre de l'an dernier. En soldat vaillant et courageux, vous avez répondu: présent! Vous êtes mainte­nant dans là Lumière. Amen.»

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