Le Père Jean-Marie BESNARD
(1883-1963)


J'ai accepté de recueillir quelques éléments de la vie du père Jean Marie Besnard, un de nos ancêtres spiritains qui a travaillé plus de 50 ans à Madagascar. C'est un peu une gageure, car le Père Besnard fut un homme très humble, très discret et il n'a jamais cherché à faire parler de lui. J'espère qu'il ne m'en voudra pas si aujourd'hui je lui désobéis !

Au Carmel de Lisieux juste après le décès de sœur Thérèse de l'Enfant Jésus, une des vieilles sœurs qui l'avait connue toute sa vie disait à peu près ceci : « qui voudrait écrire la vie de Thérèse serait bien embarrassé - on dit que c'est une sainte, mais elle n'a jamais rien fait d'important ! » Et pourtant aujourd'hui on pourrait remplir une bibliothèque avec les livres écrits sur Thérèse de l'Enfant Jésus. Le Père Besnard a fait énormément de choses, mais il était aussi simple et effacé, que Thérèse et c'est son humilité et sa simplicité qui m'ont séduit.

Quand je suis arrivé à Madagascar en 1952, il avait quitté la charge de supérieur religieux et on lui avait confié le noviciat des frères spiritains malgaches qu'il avait fondé à Antalaha, puis en 1957 il fut remplacé au noviciat par le Père Oury et devint père spirituel du noviciat des soeurs C.I.M. et c'est à ce moment là que je l'ai rencontré pour la première fois, d'abord à Anivorano- Nord où se trouvait leur noviciat depuis 1956, puis à Joffreville où il fut transféré en août 1960.

Au moment de la mort du Père Besnard, le 22 Juin 1963, le Père Reynard qui était alors supérieur religieux a écrit une lettre aux confrères et cette lettre nous livre l'essentiel de ce qu'on peut écrire sur le Père Besnard, c'est pourquoi j'en reproduis ici la plus grande partie

«Le Père Besnard a beaucoup travaillé. Il a fait des tournées comme peu d’entre nous en ont fait. Un seul exemple en dit long : en 1920, Mgr Fortineau l’envoie visiter des postes qui avaient été plus ou moins abandonnés pendant la guerre 14-18. Avec une méchante bicyclette qu'il devait pousser la moitié du temps, il a accompli l'impressionnant circuit que voici : Diégo, Ambilobe, Vohémar, Sambava, Andapa, Antsakabary, Mandritsara, Analalava, Antsohihy, Befotaka, Maromandia, Ambanja, Ambilobe, Diégo... N’y a-t-il pas là de quoi flanquer la berlue aux grandes vedettes du cyclisme international ? Le Père Besnard a construit: le noviciat d’Antalaha et surtout l'église de Maroantsetra témoignent de sa compétence en la matière. Construire un tel bâtiment avec les pauvres moyens dont on pouvait 'disposer à Maroantscira dans les années 30 constitue certainement une performance.

Mais ne serait-ce pas juger bien superficiellement le Père Besnard que de nous arrêter à des manifestations extérieures de son activité missionnaire? ? A Maroanisetra où il a donné le meilleur de lui-même, le Père a laissé plus qu'une grande église : il a construit une chrétienté vivante et dynamique qui aujourd'hui encore reste marquée de son empreinte.

Il a été votre supérieur principal pendant une dizaine d'années. Je n'ai entendu aucun d'entre vous formuler une critique contre lui. En 1951 lorsqu'il quitta sa charge, j'ai vu dans maints journaux de communauté des réflexions qui en disent long sur l'estime et l'affection dont il était entouré par ses confrères. »

Ceux qui en ont la possibilité pourront aller voir dans les différents journaux de communauté ces réflexions dont parle le Père Reynard. Pour ma part j'ai pu lire dans le journal de Vavatenina les réflexions du Père Berclaz à la date du 3 juin 63 : « Nous recevons du Père Reynard l'annonce de la mort du cher Père Besnard. Tous ceux qui l'ont connu gardent de lui un souvenir d'admiration : un parfait religieux, un grand missionnaire, qui aurait donné toute sa mesure s'il avait été évêque ! » (sic) Même si on lit dans 1 Tim 3,1 que « désirer l'épiscopat c'est désirer une bonne chose » il semble bien que ce désir n'a jamais effleuré la pensée du Père Besnard.

Mais continuons de citer la lettre du Père Reynard : « Toute, la vie du Père Besnard a appartenu à Dieu seul. Son intelligence, ses forces, son énergie qui dépassaient amplement la moyenne, il les a dépensés entièrement au service des autres en qui il servait le Christ. C'est là le secret de cette humilité, de cette simplicité qui frappaient tous ceux qui entraient en contact avec lui... La mort du Père Besnard. doit-elle être pour nous une cause de tristesse ? Je ne le pense pas. Lui-même a tellement désiré mourir... Voici ce qu'il écrivait à un confrère le 19 juin, trois jours avant sa mort : ce n'est pas ma faute si j'ai atteint 80 ans. Il est vrai qu'une longue vie est un don de Dieu. Ce dont je remercie Dieu, c’est de m'avoir ménagé un temps d'arrêt pour me préparer au grand passage, réparer les fautes et les oublis de ma longue vie. Nous avons été pendant longtemps compagnons d'apostolat. Priez pour moi. J'ai la grippe, la fièvre et je ne puis écrire comme je le voudrais. Un jour, j'espère, nous nous reverrons au ciel. Votre tout dévoué. J.Besnard »

De la naissance à la consécration à l'Apostolat

Je n'ai pas trouvé grand chose concernant cette période. C'est le parcours type de la plupart des spiritains de cette époque, parcours réalisé dans le minimum de temps et sans accrocs, semble-t-il :

Naissance le 12 janvier 1883 à Parcé petit village d'Ille et Vilaine, à une dizaine de kilomètres au sud de Fougères.

Etudes primaires à Parcé.

Etudes secondaires au collège Saint Augustin à Vitré (1895-1900) et cinq ans seulement pour arriver au Bac.

2 ans de philo au grand séminaire de Rennes (1901-1902).
Noviciat spiritain en 1903 et profession le 6 octobre 1904 à Chevilly
Prêtre, consécration à l'apostolat et départ pour Madagascar en 1907, après trois années seulement passées à Chevilly. Dans les appréciations de ses éducateurs et spécialement de son maître des novices, le Père Genoud, il n'y a que des éloges. C'est tout juste si on relève une fois une certaine timidité et susceptibilité.
1907-1914 : MADAGASCAP avant la guerre de 1914

Ce furent 7 années d'initiation au pays, à la langue, au milieu d'intenses activités et difficultés de toutes sortes.

14 mois à Diégo avec Mgr Corbet, le prernier évêque de cet immense diocèse du Nord, confié aux spiritains, le centre avec Tananarive étant réservé aux Jésuites et le Sud aux Lazaristes : trois diocèses seulement pour un pays qui en compte 20 aujourd'hui. L’évangélisation en est à ses débuts (à peine dix ans depuis l'arrivée de Mgr Corbert et des premiers Pères). Lejeune Père Besnard, sous les ordres du curé Heitz ne ménage pas sa peine. Il est chargé du ministère auprès des français nombreux à l'époque et de la visite (à pieds) des églises d'Anamakia (7 kms) et de Joffreville (32 kms). Il montait à Joffreville le samedi (6 h de marche) pour redescendre à Diégo le dimanche, marchant de 10 h à 16 h en vue dès son arrivée de donner un coup de main au curé de la cathédrale débordé... On signale pendant ces 14 mois 174 enterrements avec levée de corps à domicile et conduite au cimetière à 2 kms de l'église. Ajoutez à cela bien sûr les visites aux malades, prédications, catéchismes... et le début de la construction de la cathédrale.

Avril 1909 Il est affecté à Majunga où il remplace pendant un an le P. Pichot rapatrié sanitaire.

1910 - 1914, Il rejoint le secteur Marovoay-Maeirovalo : 4 ans de vie missionnaire en brousse dans la plus grande pauvreté. Il y a très peu de chrétiens. L'évangélisation ne fait que commencer. Toutes ces plaines de la Betsiboka régulièrement inondées sont infestées de moustiques. Les marches durent des journées entières car il y a très peu de villages avec des chrétiens. Le Père emporte du riz cuit enveloppé dans des feuilles de bananiers : c'est le plat de résistance, accompagné de quelques bananes quand il en trouve ou de mangues à la saison des pluies. Les rapports avec l'administration ne sont pas toujours faciles: c'est le fameux Augagneur, anticlérical notoire, qui règne sur Madagascar ! En 1912 après deux ans de cette vie, le Père Besnard est terrassé par une crise de paludisme très grave, ce qu'il appelait à l'époque « bilieuse hématurique », très souvent mortelle. L'évêque venu pour bénir la nouvelle église de Marovoay crut bien devoir faire aussi un enterrement. Heureusement une canonnière quittait Marovoay pour Majunga et on y embarqua le Père mourant... Il vomit beaucoup de bile et sa robustesse de paysan breton eut raison de la maladie. Il put regagner son poste et continuer ses tournées de brousse jusqu'en 14.

LA GRANDE GUERRE DE 1914-1918

Jean-Marie Besnard fut mobilisé 4 ans comme sergent infirmier au ler bataillon de tirailleurs malgaches, d'abord dans le Sud tunisien. Il poursuit avec ardeur son apostolat missionnaire auprès des soldats et signale 14 baptêmes de tirailleurs pour Noël 1915. Une lettre de Gabès en 1916 nous apprend qu'il instruit 20 catéchumènes. Nous le retrouvons ensuite à Salonique puis en France où il est démobilisé en 1918. Il a eut la douleur de perdre trois membres de sa proche famille tués au combat.

1919 -1924 : LE BROUSSARD.

Quand le Père Besnard revint à Madagascar en 1919 il y trouva la plupart des stations vidées de leur personnel. Sur la côte Est les Pères Prémontrés décimés par la maladie repartirent en Europe. Pendant cinq ans le Père Besnard va parcourir la plus grande partie des diocèses actuels de Diégo, Majunga et Ambanja . Sur un petit carnet qui datait de sa cinquième au collège Saint-Augustin, il a écrit au crayon, au jour le jour, des notations utilitaires sur les distances, les gens rencontrés, la pastorale, bref, ce qui pouvait être utile pour les tournées ultérieures. C'était un véritable travail de défrichement ou d'exploration, sur des lieux et des itinéraires où souvent aucun Père n'était passé avant lui. Il serait bien sûr trop long de reproduire tout le carnet écrit très fin et parfois presque illisible . Contentons-nous de quelques passages significatifs qui nous donneront une idée de ce qu'ont enduré nos aînés pour préparer les voies du Seigneur:

4 novembre 1919 : départ 3 h 30 (le Père ne dit pas de quel endroit) 5 h 40 pause à Analalava, puis marche avec un intermède en pirogue jusqu'à Antsohihy où il arrive à 18h 30 . La nuit il a la fièvre. A la messe de 6h, il y a 10 personnes et cinq communions. Le Père a l’oeil à tout : il y a bien 14 tableaux au chemin de croix, mais pas une seule croix - Un mur de l'église s'écroule - Le toit est une écumoire - Le catéchiste est prétentieux : « et voudrait se faire nommer inspecteur ». A l'arrivée à Antsohihy le Père était certainement très fatigué car il note « impression personnelle : quel supplice à l'arrivée dans un village d'avoir à supporter la présence d'une quantité de gens qui viennent vous voir sous prétexte de politesse et ne savent pas s'en aller: impossible de se changer, de se nettoyer, de se mettre à l'aise. »

6 novembre : Messe à 2 h , départ d'Antsohihy à 3 h. Ce jour le Père fait 35 kms et il note tous les villages avec le nombre de cases. Il arrive au chef-lieu de canton Ampombilava à 14 h 45 tout heureux de trouver du miel à bas prix.

7 novembre : Messe à 1 h, départ à 2 h 15 . Il marche jusqu'à 18 h , soit sûrement plus de 40 kms et toujours à pieds car il n'utilise pas le filanjana, pour arriver mort de soif au gros village de Befandriana. Il se trouve mal en arrivant et se couche avec près de lui une grande marmite de tisane .

8 novembre : Bien que réveillé souvent par les punaises et la soif, il trouve que la nuit a été « assez bonne » mais comme il a bu après minuit, il ne peut dire la messe à cause du jeûne eucharistique et il en est tout chagriné. Suit la description minutieuse et détaillée de l'église de Befandriana qui lui plaît et la rencontre avec Mr. Istria, Administrateur très bien disposé envers la mission et il précise : « je passe l'après-midi à me reposer car je suis vraiment très mal en point et je n'arrive pas à étancher ma soif. Je me couche à 7 h etl prends mes précautions contre les punaises : je garde mon pantalon enfoncé dans mes chaussettes. Je prends une autre paire de chaussettes pour y mettre les mains. »

9 novembre : « J'ai assez bien dormi. Je ne sais si mes précautions sont efficaces, mais je n'ai pas trop senti les morsures. La bénédiction de la nouvelle église et la messe doivent avoir lieu à 8 h. Monsieur l'Administrateur me fait dire de bien vouloir retarder un peu. Je consens pour une fois. A 8 h les gens étant arrivés, je fais dire la prière du matin puis chanter un cantique, 2eme cantique, 3eme cantique, 4eme cantique : toujours personne. A 9 h moins le quart je procède à la bénédiction de l'église. J'allais commencer ma messe quand enfin l'administration s'est amenée. Il y avait 60 personnes à la messe, 8 communions et 5,35 frs à la quête ». Quand on connaît l'importance des communautés chrétiennes aujourd'hui à Antsohihy et Befandriana, qui sont devenues des missions florissantes, on voit, par les chiffres donnés par le Père Besnard qu'on en était alors qu'au tout début !

10 novembre : le Père reste toute la journée à Befandriana, journée sans doute bien remplie puisqu'elle commence avec la messe à 5 h 30 et que le compte-rendu remplissait deux pages du carnet qui ont disparu.

11 novembre : Messe à 1 h du matin, départ à 2 h et longue marche jusqu’ à 16 h où on s'organise pour la nuit: nuit atroce, car les trois ennemis des missionnaires à Madagascar, à savoir les moustiques, les rats et les punaises, se sont donnés rendez-vous et attaquent en force le Père et ses compagnons. Aussi dès 1 h 20 le lendemain matin le Père repart vaillamment.

12 novembre 9 h de marche jusqu'à Kalandy.

13 novembre La messe est à 3 h du matin et à 4 h c'est le départ pour Mandritsara, le village le plus important de toute cette tournée. Le Père est tellement pressé d'y arriver qu'il prend le raccourci par la montagne, piste très rude et accidentée... Enfin un dernier col et voici qu'apparait la jolie petite ville de Mandritsara. C'est la même joie que pour les pèlerins israélites apercevant enfin Jérusalem : « Oh ma joie quand on m'a dit... » On sent que le Père Besnard aime Mandritsara qui le lui rend bien. Il va y rester quatre jours et chaque matin quand il se rend à l'église à 5 h, les gens l'attendent dehors. Il y a tellement de travail que « mon bréviaire en souffre, mon chapelet ainsi que tous mes exercices de piété » gémit-il. Enfin le 17 novembre Il reprend son rythme infernal : lever à 3 h 30, messe à 4 h et malgré l'heure matinale, il y a encore 50 personnes et 25 communions. Puis ce sont les adieux... Mais citons encore le petit carnet: « Je vais prendre mon café, chercher mon bâton et plus de 30 personnes viennent m'accompagner sur plus de 500 mètres au delà du village. Je ne saurais dire la quantité de riz, de poules et d’oeufs que les gens m'ont apportés. On sent vraiment que le Père est sympathique. Je n'exagère pas en disant que des pleurs ont été versés à mon départ. »

On aimerait poursuivre la lecture du petit carnet, vraiment passionnante, mais on ne peut allonger indéfiniment ce texte. La tournée s'achève le 21 novembre . Ensuite c'est une autre tournée du 27 décembre. au 6 janvier dans les régions d'Antsohihy, Antonibe et Analalava.

Le 12 avril 1920 : Nous retrouvons le Père Besnard à Diégo, au départ de la longue tournée dont parle le Père Reynard dans la lettre citée plus haut, avec pour compagne la vieille bicyclette qui finira par rendre l'âme avant la fin de la tournée qui durera jusqu'au 4 août avec des arrêts prolongés dans les principaux centres : Ambilobe, Vohémar (du 25 avril au 10 mai), Sainbava (du 13 au 17 avril), Andapa. Puis il retrouve Mandritsara, Befandriana, Analalava, Antsohihy où il était déjà passé. Le 2 juillet, il part résolument vers le Nord par Maroinandia, Befotaka , Ambanja, Ambilott: et enfin Diego où il arrive le 4 août. La boucle est bouclée. Il vaudrait la peine de publier intégralement le petit carnet écrit au crayon où sont inscrits les noms de très nombreux villages traversés, les étapes souvent inconfortables, les gens rencontrés, le travail apostolique intense, beaucoup de déboires mais aussi des émerveillements devant l'action de l'Esprit-Saint . Redonnons quand même la parole au petit carnet en citant quelques passages significatifs.

Entre Ambilobe et Vohémar cela faillit mal tourner. Le Père arrive à Betsiaka le 20 avril et il est reçu par monsieur Benoît, directeur de la société des mines d'or. Mais il ne dit pas un mot de ces fameuses mines d'or. Ca ne devait pas l'intéresser beaucoup. Il dort dans l'église et reprend la piste le lendemain 21 avril, mais il est surpris par la pluie et s'arrête à Andrafialava. Profitant d'une éclaircie ils repartent vers 14h . Ils arrivent au bord de l'Ankaramamy sous une pluie battante, un otage terrible, avec tonnerre et éclairs comme au Sinaï ! Il faut choisir : traverser cette rivière en furie ou coucher dans la forêt. Ils passent de justesse, l'eau aux aisselles, et peuvent passer la nuit au village Ankaramainy chez l'instituteur. La pluie continue toute le nuit « avec des coups de tonnerre effroyables ».

Le lendemain le temps s'est éclairci, ils repartent à 7 h avec un guide car le chemin est très pénible. Il faut traverser un marécage de plus de 300 mètres avec de l'eau aux cuisses pour arriver enfin à Anaborano au bord du fleuve Loky. En saison sèche ce fleuve est souvent à sec, mais il ne faut pas trop s'y fier. Dans les années 50 un Russe tombe en panne au milieu, enfoncé dans le sable avec sa Jeep toute neuve. Arrive un gros orage et la voiture fut emportée par les flots ! En ce 22 avril 1920 le Père Besnard et ses compagnons sont effrayés de voir les eaux tumultueuses de la Loky. Plus de 200 mètres à traverser et dans le village il n'y a que deux femmes ; tous les hommes sont aux rizières.

« Nous faisons chercher le chef et en attendant nous faisons sécher nos affûtiaux au soleil. Le chef arrive et déclare que nous pourrons passer, mais ce sera dur. Le courant est fort est rapide, je ne connais pas la profondeur, traverser ne me dis rien qui vaille. On m'invite à me déshabiller. Le chef a amené deux hommes. L'un prend ma bicyclette, l'autre les habits. Nous nous tenons les uns les autres à l'aide d'un long bâton. Nous avons de l'eau jusqu'aux cuisses, puis jusqu'aux hanches enfin jusqu'aux aisselles. Au plus profond, j'ai cru que le courant allait m'emporter. !e commençais à nager; le bâton m'a ramené. Une fois sortis je félicite le chef et lui donne du riz. Il n'est pas exagéré de dire que ce fut une imprudence de traverser, d'autant plus qu'il y a de nombreux caïmans ! »

La route se poursuit jusqu'à Vohémar où on s'affaire pour rassembler pierres et parpaings pour reconstruire église et mission « totalement irréparables ». Le Père y reste jusqu'au 10 mai puis file vers Sambava par le bord de mer. Il y arrive le 12 mai. Il n'a pas perdu de temps pour faire les 150 kms qui séparent Vohémar de Sambava. « Dans tout le pays l'air est parfumé d'une odeur de vanille très prononcée. Tout le monde est planteur de vanille et il faut environ 3,8 kilos de vanille verte pour un kilo de vanille préparée. » Il est clair que la vanille de Sambava intéresse davantage le paysan breton que l'or de Betsiaka ! »

Pourtant Sambava ne reçoit pas que des compliments : « C'est une honte pour un pays où tous les gens gagnent de l'argent comme ils veulent (l’an dernier Sambava a exporté 73 tonnes de vanille pour une valeur de près de 4 millions) de voir l'état de la mission. En 1915 l'église a été détruite par un cyclone et la maison des Pères a été dépouillée de ses vérandas. Actuellement une partie de la maison des Pères sert d'église: c’est étroit et misérable - Pas de tabernacle - ciboire cassé - pas de pierre d'autel - ni burettes ni registres. Des ornements moisis et empilés les uns sur les autres sont dans une caisse vermoulue alors qu'il y avait autrefois tout ce qui était nécessaire. Où cela a-t-il passé ? La maison elle-même est minable, mangée par les termites. Evidemment rien en fait de matériel. La maison n'a pas besoin de réparation mais de démolition. » Il déplore ensuite qu'une partie du terrain de la mission ait été envahie par des habitations ... Mr. Hoarau a construit pour ses boeufs un parc à quelque mètres de l'église... Et puis, il y a des bagarres de terrains, bref tout ce qu'il faut pour décourager tout autre que le Père Besnard. Il reprend courage le 13 mai en célébrant la fête de l'ascension où il distribue 24 communions et célèbre 6 baptêmes. « Les gens, les indigènes surtout, écrit-il, me font bonne impression. »

Le 17 mai 1920 : C'est le départ pour Antalaha à 80 kms. Il y arrive le 18 à 3 h de l'après-midi. Il y est reçu « comme nulle part ailleurs ». Pour la suite du voyage par Andapa, Antsakabary, Befandriana, Antsoh ihy, Maromandia, Ambanja, Ambilobe, Diégo, il y a de grandes lacunes dans le carnet de route. Nous savons déjà qu'il rejoint Diégo le 4 août 1920.

Le 11 octobre : Il reprend la route pour Vohéwar, Sambava, Antalaha, Andapa , Doany, Androranga, Bemarivo, Sambava où il arrive le 10 décembre vers 9 h, . Après quoi, c'est la course contre la montre (mais il n'a plus de montre) pour attraper à Vohémar le bateau Imerîna qu'il a manqué à Sambava. Il y arrive le 16 décembre vers midi pour apprendre que le bateau n'arrivera que le 18 . Il a pu préparer avec les gens au cours de sa tournée des quantités de demandes de réunions cultuelles pour fonder de nouvelles églises tout le long du parcours. Il embarque sur l'Imerina à 4 h du soir le 19 décembre, pour arriver à Diégo le lendemain à 4 h du matin. Pendant cette tournée épuisante il a pu certains jours se servir du filanjana (chaise à porteurs).

Du 28 décembre au 6 ianvier 1921 : Il fait !a tournée Ambilobe-Beramanja qu'il n'a pas faite en octobre, puisqu'il est allé directement à Vohémar par la côte Est (Ampisîkinina).

Le 9 février 1921 : C'est une nouvelle expédition vers Vohémar, Sambava, Antalaha,. En bateau jusqu'à Vohémar sur le Sidon. Cette fois, il emporte du matériel pour ré-équiper les missions de Sambava et Antalaha, recrute des porteurs de bagages, un filanjana... et un cuisinier antaimoro, et quitte Vohémar le 22 février. A 13 h, il arrive à Fanambana mais le cuisinier n'arrive qu'à 14 h 30 et le Père écrit « je ne me suis pas mis en colère ». Le soir, il sert un poulet à moitié plumé et à peine rissolé : impossible d'en manger. Y a-t-il eut colère ce soir-là ? On ne le sait pas ! Mais à 20 h réunion à l'église, prières, examens de caté... et ça continue ainsi pour arriver à Sambava le 25 février..Et à Antalaha le ler mars où le Père reste jusqu'au 20 mars.

20 mars 1921- Il embarque à Antalaha sur le Sidon par une mer démontée : il est trempé comme une soupe et a le mal de mer jusqu'à Vohémar où il arrive le 21 à 9 h 30 pour dire la messe.

29 mars Il repart à pied pour Diégo par la côte Est et il y arrive le 2 avril. Dans quel état ? Il ne le dit pas car le carnet de route s'arrête là.

1922 ( ?) 1940 : Deux restaurations : Antalaha et Maroantsetra

ANTALAHA : 1922 (?) 1925

Grâce à la notice nécrologique écrite par le Père lrigaray , nous savons que le Père Besnard ira s'y installer pour y résider, en emportant de nouveau du matériel et accompagné cette fois de deux mulets. Il y sera rejoint en 1924 par son ami normand, le Père Lebaron. Ils s'entendront comme deux frères et nous verrons que cette collaboration normando-bretonne sera des plus fructueuse. Tous les deux sont des paysans rudes à la tâche et les deux pieds sur terre, tout en ne refusant rien au Seigneur. lls refont les cases des Pères et des Soeurs, et mettent en chantier la belle église actuelle qui sera mise si mal en point par le cyclone Iluda en l'an 2000. Leurs tournées de brousse couvrent les cinq missions actuelles d'Antalaha, Sambava, Andapa, Amboangibe et Ampancfana (environ quatre départements français !) et ils ne sont que deux. Les deux mulets font ce qu'ils peuvent, mais un jour l'un deux tombe dans un ravin et se tue. L'autre sans doute attristé par la mort de son compère meurt quelques mois plus tard.

En 1925 le Père Besnard est appelé à Diégo pour assurer l'intérim de Mgr Fortineau qui part en France pour une année et, en même temps, pour le service de la grande paroisse de la cathédrale.

En 1928 il part pour la France qu'il n'a pas revue depuis 9 ans. Il commence à poser les jalons d'une oeuvre qui lui tient à cœur : préparer des jeunes malgaches à devenir frères coadjuteurs spiritains au même titre que leurs confrères d'Europe.

MAROANTSETRA 1929-1940

A son retour il est désigné pour aller travailler à Maroantsetra, une mission pour ainsi dire abandonnée depuis le départ des Prémontrés et où tout est à faire ou à rc-faire. Il devait y travailler une dizaine d'années et là encore comme à Antalaha avec son ami Lebaron. Ah ils en ont abattu du travail ces deux là ! (cf ce qui est dit plus haut dans la lettre du Père Reynard). C'est là qu'il commence à former quelques jeunes au travail et à la vie religieuse pour en faire des frères Spiritains quand le moment serait venu. Le souvenir des Pères Besnard et Lebaron est resté vivace à Maroantsetra.

LE SUPERIEUR RELIGEUX : 1940-1950.

Pendant ces dix années de supériorat il est souvent par monts et par vaux pour visiter les confrères et il lui fallait passer par Tananarive pour atteindre ceux d'Amnbatondrazaka et Imerimandroso. Mais il avait aussi beaucoup à faire à Ambilobe où il fixa sa résidence, car le Père Vogel Etienne, le curé, était souvent seul. En 1942 la maison des Pères d'Ambilobe brûla complètement avec tout le matériel et même les dossiers du supérieur principal. C'était la guerre. Aucun secours ne venait de l'Europe. Il fallait du courage et un certain « culot » pour décider la construction de la grande maison en pierre que nous voyons actuellement. Il était bien sûr impossible d'avoir du ciment et ils décidèrent eux-mêmes de fabriquer la chaux nécessaire à la construction. Ils trouvèrent de la bonne pierre à chaux à Ambilomahaodra à 18 kms sur la route de Diégo et les moellons de grès dans une carrière sur la route d'Ambakirano à 6 kms. Ce fut d'ailleurs suivant les mêmes procédés que fut construite la belle église d'Ambilobe.

Ces dix années de supériorat ne furent pas de taut repos. Si le Père fut très apprécié de ses confrères spiritains, il n'en fut pas toujours ainsi de la part de Mgr Fortineau. Celui-ci, qui fut certainement un bon évêque, avait la réputation d'être autoritaire. Le brave Père Anglade en sut quelque chose qui se vit rabrouer dans une lettre du 12 mai 1930 : « J 'ai appris que vous avez fait le lavement des pied le Jeudi Saint . Simplement soit dit : vous savez bien que même à Diégoi ça ne c'est jamais fait. Nil innovetur. »

Surtout, jusqu'à la nomination du Père Besnard, l'évêque cumulait les fonctions d'évêque et de supérieur religieux . Ce ne fut certainement pas une joie sans rnélange pour l'évêque d'avoir en face de lui une autorité qui avait son mot à dire pour les placements, les congés et tout ce qui concerne la vie religieuse. Le Père dut avaler bien des couleuvres et il sut se taire et porter sa croix, mais quand il s'agissait de choses importantes, il savait tenir son rôle, tout en gardant toujours un grand respect pour celui que Dieu avait désigné comme responsable de la pastorale.

Le noviciat des Frères et les derrnières années : 1950 - 1963

A la fin de son service comme supérieur religieux, le Père Besnard assiste à Paris, en 1950, au chapitre général des spiritains et en profite pour prendre un congé bien mérité. En ces temps là, on ne rentrait pas en France par avion tous les trois ans, mais par bateau et seulement tous les 10 ou 15 ans, parfois davantage !

A son retour de France le Père Besnard va consacrer toutes ses énergies à la formation des Frères spiritains à Antalaha où le noviciat a été établi. On y vivait pauvrement mais la formation spirituelle donnée par le Père était sérieuse et sérieux aussi l'apprentissage - divers métiers : imprimerie, menuiserie, maçonnerie horticulture et élevage. Les Frères ont réalisé de belles constructions, comme leur noviciat et l'archevêché de Diégo-Suarez. Il y eut parmi eux d'excellents religieux, mais le Père Besnard vieillissait. Il eut fallu lui donner du personnel qualifié et suffisant. On peut dire qu'il ne fut pas suffisamment soutenu par la maison mère, mais d'après le Père Avelino Costa qui fut envoyé par le supérieur général pour visiter les spiritains de Madagascar en 1964 (donc un an après la mort du Père Besnard), l’œuvre des Frères spiritains malgaches n'était pas viable parce qu'il n'y avait pas de prêtres spiritains malgaches. C'est un fait que le Père Oury qui remplaça le Père Besnard en 1957, malgré toute sa bonne volonté, n'était pas en état de poursuivre cette oeuvre dans de bonnes conditions et d'abord pour la raison bien simple qu'il fut mis là, de but en blanc, sans avoir fait le moindre ministère à Madagascar et sans parler la langue. Toujours est-il qu'après quelques années, la congrégation arrêta la formation de nouveaux Frères, les profes ayant le choix de rester spiritains ou de continuer avec le Père Dantin et ses « Frères Auxiliaires du Clergé ». Actuellement les Frères sont devenus une congrégation diocésaine. Trois d'entre eux avaient opté de rester chez les spiritains...   

Mais revenons en 1957 où le Père Besnard cède la place au Père Oury au noviciat d'Antalaha et où il est demandé par la jeune congrégation du Coeur Immaculée de Marie (CIM) pour être le directeur spirituel des novices, d'abord à Anivorano où leur noviciat s'est établi en 1956 , puis à Jofrreville à partir d'août 1960. Si ces Sœurs furent une congrégation diocésaine voulue par Mgr Wolf le successeur de Mgr Fortincau, on peut dire aussi qu'elles sont les Filles spirituelles des Salésiennes missionnaires avec lesquelles le Père Besnard travailla pendant 10 ans à Ambilobe. Il arrivait donc en terrain connu et sa direction spirituelle fut très appréciée.

Malheureusement en octobre 1961, en descendant les marches extérieures de la résidence de Joffreville, le Père fit une chute et se brisa le col du fémur. Le Père Jouan son confrère, complètement sourd l'avait précédé à l'église. Le pauvre Père eut beau appeler, personne ne, l'entendit et il resta étendu une heure de temps avant qu'on ne lui porte secours. Dès qu'il se fut remis, il sentit à 79 ans le besoin de souffler et se préparer au grand passage. Il demanda de se retirer à Antalaha et il vécut là sa dernière année dans le silence, la retraite et la prière en n'étant une charge pour personne.

L'homme, le religieux, le missionnaire,

Nous voici arrivés au terme de cette longue vie, mais tout ce qu'on vient de dire reste bien superficiel. Pour pénétrer plus profondément sa personnalité, il eut fallu vivre avec lui et être son confident. Pourtant le petit carnet dont nous avons parlé plus haut nous livre en finale quelques secrets de son cœur de prêtre. Il s'agit d'une retraite (la dernière peut-être) qu'il prêcha à ses confrères environ six ans avant sa mort à Antalaha.

En introduction, il présente cette retraite comme une visite de Jésus, un rendez-vous d'amour, une audience particulière, et il commente le rendez-vous du Seigneur avec la samaritaine. Au fil des conférences il se montre souvent exigeant, sévère même. Il est bon de se souvenir que ces coins de Bretagne et de basse Normandie où il avait ses racines étaient très marqués par le jansénisme et on retrouve chez beaucoup de chrétiens une certaine rigidité, un certain volontarisme ; et on avait tendance à agir par devoir plutôt que par amour. Les instructions reçues dans notre enfance, les fameuses « missions » faisaient appel davantage à la crainte de l'enfer qu'en la foi en la miséricorde Dieu.

Le travail, les privations, la souffrance étaient le lot du Père Besnard depuis son enfance. Il confiait au Père Irigay : « Quand je me blessais je le cachais à mon père qui m'aurait repris durement.» Mais comme il le fit avec Ste Thérèse de l'enfant Jésus, le Saint Esprit l'amena peu à peu à plus de souplesse, à plus de confiance en Dieu, témoin ce que l'on peut lire dans sa conférence d'introduction à la retraite : « En jetant un regard sur votre passé vous y découvrirez beaucoup de défectuosités, lacunes et fautes. N'en soyez ni surpris, ni découragés. Regrettez les du fond de votre cœur et croyez à la miséricorde de Dieu. Elle est plus grande que tous nos péchés. »

Les deux conférences qui suivent ont pour titre la dignité du prêtre et la vie religieuse. Il n'a pas de mots trop forts pour magnifier l'excellence du sacerdoce et de la vie religieuse. Il invite à l'action de grâces pour le Seigneur qui nous a choisis bien qu'indignes. Il insiste sur le fait que toutes ces grâces nous sont données pour les autres. Le souci du salut des âmes est une hantise chez lui. On le sent navré, déchiré au plus profond, devant la conduite scandaleuse ou tout simplement médiocre de certains prêtres. Il rappelle avec force que le sacerdoce, la messe, l'eucharistie doivent nous configurer au Christ tout donné aux autres, offrant sa vie pour le salut du monde.

Ses exigences pour la dignité de la liturgie, la propreté des églises et des ornements, la parfaite exécution de toutes les fonctions sacerdotales rappellent le curé d'Ars. On sent que l'eucharistie est vraiment le centre de sa vie. Quand à la pénitence il l'appelle « un des plus grands chefs-d’oeuvre de la miséricorde divine. » et il déplore une certaine désaffection pour ce sacrement qui déjà se faisait sentir de son temps. Quant à lui il demeura fidèle, dans toute la mesure du possible à la confession hebdomadaire (5 ème conférence).

Dans la 6ème conférence, il aborde ce qui fut sa principale activité au cours de sa longue vie: le ministère de la Parole (prédication, catéchèse ... ) Il cite et expose longuement Exode 4,10-13 et Jérémie 1, 1- 10 pour bien montrer que ce n'est pas notre parole, mais celle de Dieu qu'il faut annoncer : « Je mettrai ma parole dans ta bouche et dans ton coeur » ce qui n'cmpêche pas un travail assidu de préparation ni surtout un recours insistant aux lumières du l'Esprit Saint.

D'ailleurs la 7ème conférence est consacrée entièrement à la nécessité des études et de la formation continue. Au prêtre il faut deux ailes : la sainteté et science. Il fustige durement ceux qui comptent sur leur facilité et abandonnent les études aussitôt après le scolasticat. Il conseille d'apprendre à s'organiser pour trouver du temps pour lire. Il ajoute encore : « nous pouvons ne pas avoir l'expérience des voies mystiques, mais nous devons les étudier pour pouvoir soutenir ceux qui s'y engagent, y engager ceux qui cherchent et répondre à tous les besoins spirituels des gens qui ont recours à nos services. » Il parle aussi longuement de la connaissance la plus parfaite possible de la langue et des coutumes malgaches.

La 8ème traite des rapports avec les autorités c:~,iles. Pendant les premières années de son ministère ce ' srapports étaient difficiles. Il cite sa visite de courtoisie à Maevatanana en 1912 au nouveau chef de province Piermé qui lui dit tout de go : « Je viens ici pour vote faire la guerre » et aussi le fait qu'à Dîégo l'entrée de l'hôpital en ce temps là était interdite aux prêtres, et il ajoute : "c'était pour moijeune missionnaire très encourageant ! Devant cette intolérance, les réac.,ions des missionnaires étaient aussi variées que les tempéraments des gens en présence, depuis la soumi." ion et la frousse jusqu'à la violence : C'est lui ou moi qui doit sauter ! "Quant au Père Besnard, voici l'attitude qu'il recommande : « En cas de difficultés avec les membres du gouvernement, nous devons user dans l'intérêt des àmes qui nous sont confiées, d'une extrême prudence, conservant notre sangfroid, réprimant noffie amour propre, nous souvenant que nous arrangerons toujours mieux les choses de vive vobc que par écrit. D-ès souvent le mieux sera de porter sa croix en silence mais quand l'intérêt des âmes est enjeu, nous ne devons pas être des chiens muets; il ne faut pas non plus être des chiens enragés. »

La plus longue de ses conférences, la 9 ème, est consacrée à la prière. Le Père Besnard était un homme de prière: « supprimer l'oraison écrit-il, ce n'est pas gagner du temps, c'est en perdre » Il insiste beaucoup, chose rare à l’époque où l'on faisait facilement passer tout le monde par le même moule, sur la nécessité de suivre son attrait personnel dans la prière, ou plutôt l’inspiration de l'Esprit Saint qui conduit chaque âme dans la voie qui lui est propre, et de ne pas être esclave des livres et des méthodes.

On sent que pour lui la souffrance est très importante (10ème conférence) non pas la souffrance recherchée pour elle même, mais la souffrance qui vient des autres, du travail, des événements, parce que cette souffrance nous rend semblables au Christ qui a choisi la souffrance pour sauver le monde : « 0 crux ave spes unica » « Qu'on le veuille ou non, la souffrance noas accompagnera toujours et partout. En cela, rien qui doive nous effrayer et encore moins nous décourager. Nous sommes en bonne compagnie. Unissons nos croix à celle du Christ. »

Le Père Besnard n'a pas de conférence sur la pauvreté mais il parle du désintéressement. Il a dû manier pas mal d'argent avec toutes les constructions mais il a'était pas attaché à l'argent : « Entre un prêtre qui aime l'argent et les âmes il y a un rideau » écrit-il. Il fustige ceux qui recherchent dans la vie religieuse leurs aises et une bonne petite vie tranquille.

Sa conférence la plus remarquable est sans doute la 13ème sur le zèle. On sent que toute sa vie ardente est là et il faudrait tout citer, mais terminons plutôt par une citation de la conférence sur l'obéissance (la 12ème) car il y a certainement une touche d'autobiographie « Il arrive que l'autorité dans l’Eglise soit une épreuve pour notre zèle et l'exercice de notre apostolat. On a beau avoir compris et cent fois expliqué son rôle providentiel dans lEglise, le jour où en pleine action on se heurte à un veto, la volonté se cabre. Ce n'est plus l'autorité qu'on a devant soi, mais un être incompréhensif, antipathique. Est-il un seul apôtre qui ne se soit heurté à la hiérarchie, qui n'ait été empêché de prêcher, d'organiser ses oeuvres à sa guise ? Que de bien a été interdit par ceux qui ont mission de promouvoir le bien. Ce heurt du bien avec la disciplinc religieuse est la vraie crise, voir le moment decisif d'une vie apostolique. On en sort révolté ou saint ! Dans ce conflit, l'autorité est censée avoir raison alors que quelque fois ce n'est pas le cas. Eh bien, l'obéissance est toujours bonne, même quand elle s'avère très difficile, car l'âme s'élèvera plus haut dans la charité .Il y aura dans le trésor de lEglise un accroissement de mérites, Je sais ce qu'il y a de pénible pour un bon mi 1 ssionnai . re de sentir le mécontentement de ses supérieurs, de n'avoir pas la confiance de ceux que Dieu nous a donnés pour chefs et pères. C'est une épreuve amère entre toutes. Demandons à Dieu cette lumière de la foi et cette force de l'amour qui rendront notre obéissance parfaite. »

Mahajanga 2 février 2002
René Gaillard, cssp

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