LE PÈRE LOUIS BINDLER
de la Nigeria Méridionale
(1885-1914)
(Not. Biog. V p. 399-401)


Longue serait la biographie de ce jeune missionnaire, si elle relatait ses désirs d'apostolat, ses espérances, ses projets, toutes choses qu'une trop courte existence n'a laissées que comme expression et non comme réalisation de son zèle. Malheureusement, ramenée au seul récit de ce qu'il a pu faire pendant la durée de quelques mois, elle reste dépourvue et fruste.

« Tout en faisant mes études dans les séminaires de Saint-Dié, écrivait-il, j'avais toujours les regards tournés vers l'Afrique et je priais pour les noirs mes futurs paroissiens ». (Lettre du 24 août 1910).

C'était comme une destination imprimée en lui et qui le vouait à l'apostolat des plus abandonnés en pleine conformité avec la pensée du vénérable Père.

Il était né le 1er octobre 1885, à Bussang, au diocèse de Saint-Dié. Il fit son éducation en partie au sein de sa famille, puis dans les établissements ecclésiastiques du diocèse, la couronnant du baccalauréat ès-lettres, dont il ne put subir que la première partie.

« Prêtre, missionnaire » : toute sa vocation, il le sentait, était dans ces deux mots. Mais le second demandait à se préciser dans son esprit et ce furent les PP. Voegtli et Jeanroy qui successivement, lui faisant connaître la Congrégation, l'amenèrent à apprécier les avantages d'une vie d'apostolat doublée de la vie religieuse.

Le jeune séminariste avait conquis la meilleure estime de ses maîtres et de ses condisciples. Les ligues suivantes de son supérieur méritent d'être citées, car elles témoignent de sentiments auxquels nous ne saurions rester insensibles. Écrivant au P. Directeur du Noviciat il disait :

« Je ne puis que confirmer, et sans réticences aucunes, les renseignements donnés dans le certificat qui accompagnait la demande de M. Louis Bindler. Pour la piété, la conduite, le travail, les réponses en classe et aux examens, le caractère, il est de nos meilleurs sujets... Sa famille jouit d'une excellente réputation. Sa mère est une miraculée de Lourdes. Elle a été subitement et complètement guérie d'une maladie déclarée incurable. Nous le regrettons tous, mais nous n'avons fait aucune opposition à sa décision. On ne marchande pas aux Congrégations religieuses et à la vôtre moins qu'à toute autre les candidats que Dieu y appelle ». (Lettre du 24 juillet 1909).

Dans la lettre de demande dont il est question, Louis Bindler priait Mgr Le Roy : « de vouloir accepter son bien faible concours pour l'évangélisation des pauvres noirs d'Afrique ». Il ajoutait : « Toutes mes aspirations sont à l'Afrique et à ses infidèles. Or, venu pour aller en Afrique, rien à craindre de ce côté, j'irai en Afrique. » (Lettre du 14 juillet 1909).

Tout heureux de cette assurance qui avait mis fin à une hésitation un instant survenue, il se rendait à Chevilly et le 2 octobre 1909 il était reçu novice. Il avait fait au grand Séminaire de Saint-Dié, deux années de philosophie et une de théologie. Le 2 octobre 1910 il faisait sa profession, et le lendemain, il entrait au Scolaslicat pour terminer ses études ecclésiastiques. Il n'était que minoré.

Ses ordinations allèrent s'échelonnant régulièrement, s'encadrant dans le développement progressif de son temps de formation. Le 1" Juin 1912, il était ordonné prêtre et le 14 Juillet suivant, il faisait sa consécration à l'apostolat. « Sujet excellemment disposé, porte son Information d'alors, bon, dévoué, très pieux ; fera un excellent missionnaire. » En septembre 1912 il recevait son obédience et partait pour la Nigeria.

Il avait toujours été pendant ses études d'une santé normale. Il était cependant faible de poitrine, et après quelques mois donnés avec un zèle ardent aux travaux du ministère auprès des noirs dans la communauté de Calabar, ce lut sur ce point vulnérable, qu'il subit la première atteinte du mal qui devait l'emporter.

« Dès le premier instant de ma maladie, écrivait-il, au T. R. Père, j'avais offert ma pauvre vie de missionnaire pour cette chère mission de Calabar que j'avais déjà tant à coeur et où je comptais m'user. Le bon Dieu a connu ma prière et en a décidé autrement : « fiat voluntas Domini. » Mais pour moi je ne retire pas cette offrande et mon attachement à la Préfecture de la Nigeria reste tout entier. Je souffre beaucoup de cette crainte que peut-­être je n'aurai plus le bonheur de missionner en Afrique. Que vos prières, mon T. R. Père, m'obtiennent de revenir ici un jour, de m'y retrouver missionnaire, ce rêve de toute ma vie. » (Lettre du 21 Décembre 1912).

Dans son trajet de retour, il s'arrête successivement à Free-Town, à Dakar, à Saint-Louis, d'où « il garde les yeux toujours fixés sur sa première et chère Mission. »

Enfin, en juin, nous le voyons à Paris, adressant à Mgr Le Roy sa demande de voeux de cinq ans, qu'il émet le 2 octobre 1913.

De Paris il est placé à Montana, aux Taulettes, en Suisse, dans un état de santé très incertain d'abord. Mais le mal s'accentue rapidement. En mai il est envoyé aux sources minérales de Bussang son lieu de naissance. Il va s'affaiblissant et le 17 décembre il rend son âme à Dieu.

Pendant sa maladie, il lut un modèle de résignation. Il resta ce qu'il avait été toute sa vie, le missionnaire « qui n'a rêvé que des noirs d'Afrique ». Sa pensée demeure fixée sur eux, il les nomme dans ses dernières paroles. Ne peut-on pas dire que si Dieu l'a rappelé si jeune auprès de Lui, c'était pour donner à ceux que par anticipation déjà il nommait ses futurs paroissiens, aux noirs de Calabar, un protecteur au Ciel ?

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