Père BINGER Aloys
Annales du Diocèse de Port Louis 1916-1926 p. 49(30/01/1919)

Aux obsèques du R.P. Binger C.S.Sp. à trois heures dans l'église de l'Immaculée archicomble, presque tous les prêtres de la colonie - réguliers et séculiers - entourent la bière . avant de donner l'absoute, Monseigneur fait l'éloge du défunt, décrivant la grandeur et la beauté du sacerdoce, montrant ensuite combien le Père avait répondu à sa haute vocation .

Aloys Binger était né le 21 mai 1860, à Marienthal, en Alsace . A la fin de fortes études secondaires à l'école apostolique d'Amiens, couronnées par le baccalauréat ès lettres, il entra dans la Congrégation du Saint-Esprit le 2 septembre 1879. Quatre ans plus tard, le 30 novembre 1883, il recevait la prêtrise des mains de Mgr Duboin, qui avait séjourné chez nous de 1872 à 1875 comme Supérieur Principal des Pères du Saint-Esprit et Recteur du collège St-Louis .

La brillante formation classique du Père lui valut d'être nommé professeur de troi-sième à Mesnière. Tout en dispensant à ses élèves des cours de grec et de latin extrêmement soignés, il aidait volontiers les curés du voisinage ; rapidement, il s'acquit la réputation de prêcher fort bien. Aussi, aux grandes vacances de 1888 ses supérieurs l'envoyèrent-ils à Bourbon, où l'on réclamait un missionnaire jeune, actif, bon prédicateur.

Il n'allait rester que quelques mois à la Réunion . Le R.P. Janin C.S.SP., dans son livre des Diocèses Coloniaux (p. 262), relate pourquoi il dut s'en aller. " En 1888, écrit l'historien, le R. P. Malaval, jésuite, fit un sermon où il attaqua publiquement le Gouvernement. Mgr Fuzet exigea son départ. L'année suivante, le P. Binger fait un sermon plus agressif encore, où il s'en prend au Gouvernement à propos des écoles, des séminaristes soldats, de l'épuration de la magistrature etc. Toutes les questions les plus brûlantes y passent. Tous les journaux gouvernementaux protestèrent. " De la part d'un jésuite, passe encore, mais de la part d'un Père du Saint-Esprit, membre d'une Congrégation autorisée, occupant un poste rétribué par l'Etat, c'est intolérable ". L'évêque et le gouvernement partirent en guerre à la fois et le Père du prendre le bateau. Par on ne sait quel malentendu, la nouvelle arriva qu'il était mort en mer. Aussitôt tous les journaux réactionnaires font son éloge, en racontant sa vie et ses vertus : on le fit passer pour une victime de l'arbitraire épiscopal, tué par le chagrin . "

Heureusement pour nous, le Père devait fournir encore une longue carrière. Un bref séjour en France suivi de quatre ans à la Martinique, l'amenèrent à Maurice le 11 juillet 1894.

Il ne fut curé que pendant deux périodes - à Souillac, par intérim, de juillet 1896 à mars 1897, à Pamplemousses d'avril 1902 à juin 1904. En exceptant aussi deux congés, le premier à Bourbon, juin à novembre 1904, le second en Europe, octobre 1911 à juillet 1912, le reste de son temps s'écoula dans les fonctions de vicaire : à St François-Xavier 1894-1896 ; à Souillac 1896-1898 ; à Mahébourg 1998-1902 ; à St François-Xavier encore une fois, 1904-1908 ; à Rivière-Sèche 1908-1911 ; enfin à l'Immaculée depuis 1912 .

Mais on ministère rayonna sur le diocèse entier, car il se fit entendre, et souvent, dans la chaire de presque toutes les paroisses - sans jamais un seul écart de langage. Il possédait un réel don d'orateur. Croix et Patrie lui rend ce témoignage, que ratifient ses innombrables auditeurs : " Dans toute l'île, le P. Binger était connu, aimé, admiré. Il a prêché de nombreux carêmes et aux occasions solennelles on se disputait son concours. Doué d'un beau talent de parole, le populaire prédicateur était surtout remarquable pour la sobriété et la justesse de l'expression, l'élévation de la pensée, la chaleur du sentiment. Il mettait dans ses discours toute son âme et tout son cœur, et l'on sentait qu'il ne visait qu'à conquérir, entraîner, faire monter vers Dieu ceux qui l'écoutaient. " Son œuvre oratoire la mieux réussie fut l'oraison funèbre de Monseigneur Meurin. Il la prononça le 12 septembre 1985, lors de la translation des restes du prélat au sanctuaire de la cathédrale. Les contemporains s'accordèrent à reconnaître dans ce panégyrique savamment balancé, un portrait authentique de la personnalité si complexe et si diverse du quatrième Evêque de Port-Louis . D'ailleurs, le P. Binger avait le respect de ses auditoires ; même pour les allocutions les plus simples, il ne s'adressait jamais aux fidèles sans une préparation des plus fouillées : les manuscrits qu'il laisse formeraient une bonne trentaine de volumes .

Si effective qu'ait pu être son action par la parole, " son influence s'exerçait avec plus de résultat encore au confessionnal, note un de ses intimes. Chaque jour, à des heures déter-minées, le Père était à l'église, à la disposition des fidèles, qui recouraient en grand nombre à sa sage et vigoureuse direction ". En fait, c'est pendant une longue séance au Tribunal de la Pénitence qu'il prit la broncho-pneumonie dont il est mort hier après-midi au presbytère de l'Immaculée .

Depuis plusieurs mois il ne voyait quasiment plus, et il se savait condamné à une complète cécité dans un proche avenir .

Au physique il était d'une taille toute menue, bien au dessous de la moyenne - ce qui le contrariait fort. Sa physionomie, très mobile, brillait d'intelligence et de malice sans caus-ticité. Jusqu'à sa dernière maladie il conserva la vivacité, la gaieté, la finesse de répartie qui faisait de lui un compagnon des plus charmants.
Il est inhumé à Sainte-Croix.
B.G. XXIX N° 350 p. 322

Le P. Aloyse BINGER, profès des vœux perpétuels, du District de l'île Maurice, décédé à Port-Louis le 30 janvier 1919, à l'âge de 58 ans, après39 années passées dans la Congrégation, dont 34 ans et 5 mois comme profès.

Le P. H.-A. Binger naquit à Marienthal, diocèse de Strasbourg, le 21 mai 1860. Après de fortes études secondaires à l'école apostolique d'Amiens à la fin desquelles il obtint le baccalauréat-ès-lettres, il entra dans la Congrégation du St Esprit et y prit l'habit religieux le 27 septembre 1879. Ses études théologiques achevées, il fut ordonné prêtre par Mgr Duboin le 30 novembre 1883 ; l'année suivante, le 24 août 1884, il fit sa profession religieuse à Chevilly, près Paris . De 1884 à 1894, il enseigna dans différents collèges, notamment à St Pierre, Martinique. C'est le 12 juillet 1894 qu'il vint à Maurice, St François-Xavier, Souillac, Pamplemousses, New-Grove, Rivière Sèche et l'Immaculée, en ville, furent les endroits où il exerça le saint ministère. Son talent de prédicateur le faisait souvent inviter dans les paroisses du diocèse pour y donner les instructions de carême ou des sermons de circonstances. C'était un bon et vaillant missionnaire.

Il est mort pieusement à l'âge de près de 59 ans, des suites d'une pneumonie, le 29 janvier 1919, au presbytère de l'Immaculée, Port-Louis

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