Père Alphonse BISCH.
Annales du Diocèse de Port Louis (1937-1945) 23Mai 1938 :


Mort du R.P. Bisch C.S.Sp. chez les Sœurs de Bon Secours de Rose-Hill.
Le corps conduit en ville, reste exposé toute la journée dans la salle d’œuvres de la Cathédrale. Beaucoup de fidèles viennent prier pour le prêtre affable et vertueux que regrettent sincèrement tous ceux qui l'ont connu .

Alphonse Bisch avait vu le jour à Niedermorschwihr[14], dans le Haut-Rhin, le 26 Septembre 1874. Il appartenait à une famille profondément pieuse de l'Alsace rurale . Ses études terminées à Seyssinet, en Septembre 1896 il entra dans la Congrégation du Saint-Esprit[15] où l'avait devancé un de ses frères aînés, le Père Eugène, qui devait mourir à Sierra Leone en 1908 . Lui, ordonné au mois d’Octobre 1899[16], fut envoyé en Nigérie : il allait y passer trente-cinq ans et y remplir les importantes fonctions de supérieur d’Aguleri puis d'Onitacha.

En Afrique il se montra surtout, et plus que personne, le père des pauvres et des abandonnés . Au cours d'une épidémie de variole, pendant des semaines, il se dépensa sans compter au service des malades relégués dans un camp assez éloigné du village ; de ses mains, il creusait même les tombes et inhumait les cadavres qu'aucun indigène ne voulait toucher par peur de la contagion . Il recueillit ensuite à Aguleri de malheureuses vieilles femmes que des chefs païens avaient fait expulser de leurs villages à coup de bâton, parce qu'on les accusait d'être des sorcières malfaisantes coupables d'avoir répandu le fléau dans le pays ; des années durant, le Père les nourrit, les instruisit, les soutint de ses encouragements . Il visitait régulièrement la prison d'Onitscha et catéchisait les détenus . Il baptisa et assista près d'une cinquantaine de condamnés à mort ; certain jour il en vit pendre neuf, l'un après l'autre .

Il construisit cinq belles chapelles et des dizaines d'écoles . Pour se rendre à ses stations disséminées dans toutes les directions, il voyageait tantôt en canot, tantôt par terre, à pied, à bicyclette, à moto . De telles randonnées ne manquaient pas d’aventures . Par exemple, il dut recourir à sa carabine pour se débarrasser d’un crocodile qui, à trois reprises, faillit renverser sa barque. Une après-midi il fut appelé auprès d'un mourant, à vingt-cinq milles dans la brousse . Le moribond administré, il se coucha dans une case d'un des postes voisins . Bientôt on vint l'éveiller : des fidèles demandaient à se confesser . Pendant qu'il les écoutait sous la varangue, il entendit le boy pourchasser quelque chose dans sa chambre; c'était un gros serpent cracheur, à morsure fatale, sorti de dessous les oreillers tandis que le domestique faisait le lit . Le Père avait dormi là dans la plus parfaite tranquillité ...

Excellent missionnaire, parlant couramment le français, l'anglais, l'allemand et les langues vernaculaires, il était aimé et estimé de tous, de son Evêque, de ses confrères, des fonctionnaires et commerçants anglais, de ses fidèles spécialement, qui l'appréciaient beaucoup et auxquels il s'était attaché avec une grande affection .

Aussi éprouva-t-il une profonde douleur lorsqu'en 1935, à la fin d'un séjour de repos et de récollection spirituelle en France, ses préparatifs de départ étant déjà terminés, les supérieurs lui signifièrent qu'il ne retournerait pas dans son ancienne mission où il travaillait avec tant de zèle depuis se jeunesse .

Il arriva chez nous le 1° Septembre 1935 . D'abord vicaire à la Cathédrale, il devint curé de Pamplemousses le 9 Juin` 1936 . Ici il acquit tout de suite une grande popularité aussi bien auprès des prêtres qu'auprès des laïques . Sa bonté souriante, son amabilité, sa courtoisie, son humeur toujours égale lui conquirent d'emblée la sympathie des citadins et des paroissiens de Saint François d'Assise . De plus on était vraiment édifié de voir cet homme, déjà presque un vieillard, s'adonner avec l'ardeur d'un débutant à un ministère fatigant, sous un climat pénible .

Malheureusement, le diocèse ne profita que peu de temps de sa présence. Un abcès au pied droit, d'apparence insignifiante mais d'origine diabétique, provoqua la septicémie . Il reçut les derniers sacrements avec pleine connaissance le 19 mai (1938) . Ce matin, au son de l’angélus, il s’éteignit à la clinique du Bon Pasteur où il avait été transporté[17] . Jusqu’au dénouement, il s’unit aux prières, aux invocations, aux aspirations que faisaient à son chevet un de ses collègues, son compagnon et son ami en Nigérie pendant un quart de siècle .

(24 Mai 1938) Sauf quelques exceptions causées par les exigences du ministère paroissial, tout le clergé prend part aux obsèques du R.P. Bisch C.S.Sp. . La Cathédrale est comble ; au premier banc les Fabriciens de St François d’Assise . Monseigneur Lee, assisté du R.P. Eckert S.J. et du R.P. Harrison C.S.Sp., chante la Messe et donne l’absoute . L’inhumation se fait à Ste Croix . –

[12] Premiers vœux à Chevilly le 24/08/1884 ; Vœux perpétuels le 16/09/1902 à Mahébourg, Ile Maurice ; Diaconat le 19/05/1883 à Paris ; Sacerdoce à Chevilly ; il a travaillé à Maurice du 12/07/1894 à sa mort le 29/01/1919 ; il est enterré à Ste Croix .
[13] Monseigneur Meurin, mort le 1° juin 1895, avait reçu une sépulture provisoire au cimetière de Cassis, dans un caveau récemment construit pour la famille Evenor Manès .
[14] D’après les Archives Générales, les P. Bisch Alphonse est né à Morschwiller-le-Bas, Haut-Rhin
[15] Il fait ses premiers vœux le 02/01/1898 à Chevilly ; ses vœux perpétuels le 30/06/1901 à Onitsha
[16] Il est ordonné diacre le 01/10/1899 et ordonné prêtre le 28/10/1899 à Chevilly
[17] Il meurt le 23/05/1938 ; il a travaillé à Maurice du 01/09/1935 à sa mort ; il est enterré à Ste Croix .

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