LE P. PROSPER BISCH
DE LA MISSION DE SIERRA-LEONE
décédé à la Maison-Mère, à Paris, le 20 février 1907.
(Notices Biog III p. 51-54)


I. - Le cher confrère que vient de perdre la Mission de Sierra-Leone, après quelques mois passés à la Maison-Mère, avait dû rentrer de nouveau en France, en décembre 1906, par suite d'une grave maladie de dysenterie, compliquée de sé­rieuses attaques au foie. Il avait contracté son mal dans une excursion apostolique. Déjà très fatigué par le voya­ge, exténué de faim, il avait été surpris par une pluie tor­rentielle, en retournant à sa station de Moyamba. Dès son arrivée, la dysenterie se déclara. On appela aussitôt le médecin. La Soeur infirmière aussi lui prodigua ses meilleurs soins, si bien qu'au bout d'une semaine, le Père crut pouvoir se remettre au travail. Mal lui en prit. Il eut une rechute qui le terrassa et l'obligea de rentrer à Freetown.

A son arrivée dans cette ville, il se plaignit de rhumatismes et de grandes souffrances dans la région du foie et des entrailles. L'habileté du meilleur médecin de Sierra-Leone, les soins assidus du bon F. Régis, un changement d'air à la maison de campagne, rien ne put arriver à le soulager; et, le 23 novembre 1906, il dut s'embarquer pour l'Europe. La traversée lui fit du bien; la dysenterie parut s'arrêter, mais l'examen du foie faisait craindre qu'il ne s'y trouvât un abcès en voie de formation. Le médecin de la Maison-Mère, M. Coffin, crut utile de le faire examiner par un habile chirurgien de la capitale M. le Dr Quenu, à la clinique de Levallois-Perret, tenue par 1es Soeurs de Saint-Joseph, pour voir s'il n'y avait pas lieu de procéder à une opération. Mais c'est là une de ces mesures extrêmes auxquelles on n'a recours qu'en cas de nécessité bien constatée. Tout bien examiné, on crut devoir attendre. Du reste, le cher malade, paraissait aller un peu mieux, et l'on espérait que peu à peu il pourrait se remettre, quand survint l'influenza, accompagnée d'une forte fièvre, qui le réduisit bientôt à l'extrémité. Le 19 février au soir, jour où nous célébrions la fête renvoyée de saint François de Sales, il se confessa comme à l'ordinaire, et le lendemain fit encore la sainte communion. Cependant, dans la journée du 20 février, le P. Urien, alors aussi à l'infirmerie, voyant son grand état de faiblesse, l'avertit du danger où il le voyait. Le cher Père reçut cet avis dans toute la paix de son âme. Depuis longtemps déjà son sacrifice était fait. Il se confessa de nouveau, pour recevoir une absolution générale ; puis il dit au P. Urien : « Merci, mon Père, au revoir au ciel ! » - Ce furent ses dernières paroles; peu après, sans agonie, sans secousse, il rendit doucement et d'une manière imperceptible le dernier soupir. Le R. P. Pascal, prévenu en toute hâte un peu auparavant, n'eut que le temps de lui donner l'Extrême-Onction.

II. - Le P. Prosper Bisch était né à Niedermorechwelser près Colmar (Alsace), de parents très chrétiens, qui ont élevé une nombreuse famille et donné deux prêtres à notre Congrégation: le cher défunt dont nous écrivons la notice, et son frère Alphonse, missionnaire au Bas-Niger, puis une religieuse aux, Soeurs de la Providence de Ribeauvillé. Le jeune Prosper, après avoir terminé ses études primaires, fut d'abord reçu, sur la recommandation du digne curé de sa paroisse, au Petit Scolasticat de Merville, d'où il passa à Blackrock le 16 octobre 1883.' Il se distingua bientôt non seulement par son adresse et son,, habileté dans les jeux athlétiques, auxquels, on le sait, on,', attache en Irlande une importance toute particulière, mais encore par sa piété, ses talents et son excellent caractère. Aussi fût-il admis, par le vote unanime des Pères, à revêtir le saint habit, le 1er novembre 1887. Tout en lui, d'après J'avis de ses directeurs, annonçait un bon religieux et un excellent missionnaire. Passé au Grand Scolasticat de Chevilly, en septembre 1890, il fut ordonné prêtre au noviciat de Grignon le 28 octobre 1894, par Mgr Augouard, et fit sa profession religieuse le 15 août de l'année suivante.

Dans sa lettre de demande d'admission, il écrivait au T. R. P. Émonet :

« Ma vocation pour la vie religieuse n'a jamais souffert aucune grave atteinte, et quoique je n'aie pas toujours répondu à la grâce aussi fidèlement que je l'aurais pu, je vous promets de réparer mes manquements, par une vie toute pour Dieu et le salut des âmes.

« Une chose qui m'a bien souvent frappé, surtout dans les moments de ferveur et de réflexion, c'est que le bon Dieu m'a prodigué de grandes grâces et m'a accordé une protection toute spéciale pendant le temps de ma probation ; et actuellement, si je comprend bien son appel, je crois qu'il me destine aux Missions d'Afrique. Il me semble que c'est là mon champ de travail. Je ne me fais pas illusion sur les difficultés, je sais bien que, si j'écoutais la nature seule, je n'aurais pas la force de faire ce sacrifice, mais je compte sur le secours d'En-Haut. » Comme il savait l'anglais, le T. R. Père lui donna son obédience pour la Mission de Sierra-Leone. Le R. P. Browne était alors chargé de la direction de cette Mission, à titre de Pro-Vicaire apostolique. Trouvant dans le jeune Père qu'on venait de lui envoyer un missionnaire aussi zélé que dévoué, il le garda près de lui, à Freetown, mais ne lui ménagea pas la besogne. Le P. Bisch en fut heureux; il ne demandait que le travail. Il faisait le catéchisme dans les écoles de la Mission, celle des garçons et celle des filles ; il était chargé du soin du chant et de la musique; et le reste de son temps, il l'employait aux oeuvres diverses du saint ministère. D'un caractère très gai, il gagna aussitôt l'affection de la jeunesse qui lui était confiée. Il développa beaucoup l'association du Sacré-Coeur, dont il fut le Directeur pendant plusieurs années. Il ne manquait jamais de préparer les membres de cette oeuvre à la communion générale du premier vendredi de chaque mois. Souvent aussi il donna les exercices de la retraite préparatoire à la fête de saint Joseph. Au mois de mai 1896, il fut chargé d'aller à Bonthe remplacer pour quelque temps le P. Tuohy ; il s'acquitta de cette mission avec dévouement, puis revint à Freetown.

III. - Cependant, le ministère quasi paroissial que l'on a à remplir en cette ville ne suffisait pas à l'ardeur du jeune missionnaire. Il rêvait d'aller au loin dans la brousse exercer son zèle apostolique. Le R. P. Pro-Vicaire crut devoir se rendre à ses désirs; et, en avril 1902, il le chargea de la station de Moyamba Mais, trois mois plus tard, obligé par sa santé de rentrer en Europe, le P. Browne rappela le P. Bisch à Freetown et lui confia la direction de la Mission durant son absence. L'année suivante, il succombait, au grand regret de tops. Le P. Bisch, qu'il avait choisi, d'accord avec la Maison-Mère, comme son Vicaire général, reprit la direction du vicariat, qu'il conserva, jusqu'à l'arrivée du nouveau chef de la Mission, Mgr 0'Gorman.

Libre ensuite des soucis de l'administration, le cher Père retourna, en avril 1904, à son ancien poste de Moyamba. s'y dévoua de tout coeur jusqu'au bout de ses forces, avec autant de patience que d'activité. Il avait la confiance de tous les chrétiens ; et sa conduite commandait même le respect aux ennemis nombreux que le démon suscitait à l'œuvre.

Ses anciens enfants de Freetown ne l'oubliaient pas non plus ; et quand, de temps à autre, il avait occasion de revenir chef-lieu de la colonie, il en repartait toujours chargé de toutes sortes de cadeaux pour ses oeuvres de Moyamba. Aussi la triste nouvelle de la mort du bon et cher Père a-t-elle été pour tous dans la Mission, comme un coup de foudre, d'autant plus terrible qu'on ne s'y attendait pas, et que, le jour même où elle nous parvenait, nous venions de perdre aussi une de nos religieuses de Saint-Joseph. Tous nos chrétiens ont pris part à nos vifs regrets, ainsi qu'à nos prières pour le cher défunt. Ils ont même fait célébrer de nombreuses neuvaines de messes pour le repos de son âme, ce qui témoigne en même temps de leur esprit de foi et de leur pieuse reconnaissance à l’égard des missionnaires qui se dévouent pour eux.
Joseph WOELFFEL.

Page précédente