Le Père Emile BOUGES,
1862-1901.


Né le 3 mars 1862 à Rouliac, dans la commune La Terrisse, Emile Bouges avait fait ses études classiques chez les Pères de Picpus, à Villefranche-de-Rouergue. Après sa rhétorique, il entra au grand séminaire de Rodez, en 1884 ; mais sa vocation ne paraissant pas encore complètement décidée, il quitta le séminaire à la fin de sa quatrième année, pour faire son service militaire. Il devait rester cinq ans sous les drapeaux. Par une faveur inespérée, qu'il regarda comme un signe providentiel de son appel à la vie religieuse, il obtint sa libération ; et quelque temps après, il sollicita son entrée dans la congrégation. Durant son service militaire, il s'était déjà fait apôtre auprès de ses camarades, en s'attachant à les amener au prêtre et à l'église.

Entré à Chevilly le 28 octobre 1890, il fut ordonné prêtre le 12 mars 1892 et fit sa profession religieuse le 15 août suivant. Il prononça ses vœux perpétuels à Dinguira le ler novembre 1895.

Mgr Barthet, qui a dirigé dans la carrière apostolique les premiers pas du cher défunt, nous a transmis à sa mémoire les lignes suivantes " Le P. Bouges, affecté au Sénégal, fut envoyé à Kita avec le P. Gros. Ils y arrivèrent le 6 novembre 1892, tous deux pleins de zèle et d'ardeur. On venait alors de commencer la station de Kayes, avec les PR Abiven et Chany. Ce dernier, étant tombé sérieusement malade, fut rappelé à Dakar et le P. Bouges alla le remplacer.

" A Kayes, on n'avait alors comme logement qu'une simple case humide et malsaine. C'est là que le nouveau missionnaire fit son apprentissage de la vie apostolique. Je l'y trouvai, en septembre 1893, lorsque j'allai au Soudan pour faire choix de l'emplacement de la station de Dinguira. Cet emplacement choisi et sa concession obtenue du colonel Archinard, le P. Bouges fut envoyé pour commencer l'œuvre avec le F. Marie-Abel. Il fallait avant tout débroussailler le sol, et faire disparaître les rochers qui l'encombraient, afin de pouvoir élever de futures constructions. C'est à quoi se livrèrent avec ardeur les deux fondateurs de l'établissement. Leur habitation fut prête après quelques mois de pénibles labeurs et de grosses difficultés.

" En même temps que s'élevait l'édifice matériel de la station de Dinguira, se développait aussi Vœuvre morale et spirituelle de la régénération des âmes. Le nombre des enfants libérés de l'esclavage s'accroissait de jour en jour ; et à côté des garçons on dut bientôt recevoir des filles. Les sœurs de Saint-Joseph, chargées de l'hôpital de Kayes, en avaient accueilli là un certain nombre auprès d'elles ; mais M. Grodet, récemment nommé gouverneur du Soudan, ne voulut point supporter la présence de ces enfants à Kayes : il exigea qu'elles fussent envoyées à Dinguira, ce qui amena l'adjonction d'une communauté religieuse à cette station. Le P. Bouges, qui s'était déjà formé aux travaux de construction sous la direction du P. Tranquilli, leur bâtit rapidement une maison, et trois sœurs de Saint-Joseph en vinrent prendre possession. Les deux œuvres de garçons et de filles se développèrent dès lors progressivement et donnèrent bientôt naissance à un village chrétien formé par les alliances des jeunes gens des deux sexes élevés par la mission. Depuis plusieurs années, le P. Bouges avait aussi préparé les matériaux d'une église, qui est sur le point d'être tenninée : il n'y manquait dernièrement que la toiture.

Dans une lettre du 11 juillet 1901, le P. Bouges rendait compte lui-même de l'état de sa chère mission de Dinguira :

" Dernièrement, tous les chefs de district sont venus nous voir avec M. le commandant supérieur du Soudan. Ils ont été enchantés des enfants et des cultures. Deux jours après, ils nous envoyaient des cadeaux de grande valeur. Le colonel chargé de la direction du chemin de fer nous a accordé tout ce que nous lui avions demandé.

" Ce qui a, je crois, attiré sur l'œuvre les bénédictions du Ciel, c'est l'union et la bonne entente qui règnent entre tous les membres de la mission, Pères, Frères et Sœurs. Nous avons formé avec soin de bons catéchistes pour les installer dans les villages environnants. Le nombre de nos familles chrétiennes va bientôt atteindre la quinzaine.

Sur ces entrefaites, le P. Bouges apprit la cession des stations spiritaines de Kayes, Kita et Dinguira (actuellement Kakoulou, au sud-est de Kayes, sur la rive droite du fleuve), en échange de la région de Kissidougou en Guinée, où les Pères Blancs nous cédaient une station en fondation. Attaché de cœur et d'âme à sa chère mission de Dinguira, pour laquelle il avait tant travaillé, il en conçut une grande peine, que la maladie lui rendit encore plus sensible. Déjà il avait dû revenir en France en 1898, par suite d'une affection au foie ; mais au bout de quelques mois, il s'était hâté de repartir, sans être peut-être suffisamment remis, et il retomba bientôt plus gravement. Il ajoutait lui-même dans la lettre précitée " Je me sens atteint d'une anémie profonde, résultat d'un travail excessif. A la suite d'une apoplexie cérébrale, j'ai dû passer 70 jours, en deux fois, à l'hôpital de Kayes. Selon les ordres des médecins, je me vois obligé de rentrer en France... Tout à la grâce de Dieu ! ..."

Le P. Bouges arriva chez sa sœur au Quiers, en la commune de Compeyres, le mercredi 4 septembre 1901. "Maintenant dit-il en rentrant, que la volonté de Dieu soit faite..." Puis, pendant qu'il causait avec sa sœur à voix basse, il s'affaissa tout à coup. Il avait cessé de vivre ! ... Il avait 39 ans. Son enterrement eut lieu le lendemain àCassuéjouls, sa paroisse natale ; il s'y trouvait une affluence considé rable de prêtres et de fidèles, accourus de tous les environs pour honorer la mémoire du vaillant missionnaire et donner à sa famille éplorée un témoignage de respectueuse sympathie.

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