Frère CALIXTE, André CANSOT, 1843-1904

Le vendredi saint, s'éteignait à Langonnet le bon Frère Calixte, et au matin du jour de Pâques, on conduisait ses restes mortels à leur dernière demeure. Aux yeux des chrétiens, du religieux surtout, il ne peut y avoir de dates de meilleur augure.

Né à St-Gilles-Pligeaux, diocèse de St-Brieuc, le 4 octobre 1843, le Frère Calixte appartenait à une famille chrétienne comptant 18 enfants, dont la plupart ont fourni une longue carrière. Lorsque la Congrégation eut acquis Langonnet, leur père fut nommé par le Père Guyot garde-forestier et vint s'établir dans la chaumière adossée au mur du parc, sur le chemin de la forêt. Il avait là toute facilité pour élever ses nombreux enfants. Trois des garçons entrèrent dans la Congrégation : Martin, André et Henri ; les deux premiers prirent ensemble le saint habit le 19 mai 1861 sous les noms de Frères Calixte et Célestin, et firent ensemble aussi leurs premiers vœux le ler octobre 1862 ; le troisième, plus jeune, les suivra plus tard sous le nom de Frère Nicodème.

Dès son noviciat, le Frère Calixte fut appliqué à la maçonnerie avec le Frère Jean Parchet, de sainte mémoire ; il apprit très bien ce métier sous sa direction, et à son départ pour Paris en 1861, il lui succéda comme chef maçon à l'abbaye. Ce n'était pas, en effet, un ouvrier quelconque. Très habile de ses mains, il savait parfaitement tailler la pierre et même dessiner, sculpter et mouler. A la fin de 1864, il passait à St-Michel. Il y avait alors de grands travaux à faire, en raison du développement de la colonie pénitentiaire. Le bon Frère organisa parmi les enfants une escouade de tailleurs de pierre pour préparer les constructions, et y travailla lui-même. Il avait en même temps la surveillance générale de la section des ateliers ; et, au dire de tous, il s'acquitta parfaitement de cette fonction. Il aimait ses enfants, et il en était aimé. Aussi le directeur de l'œuvre tenait beaucoup à le conserver. Mais à l'établissement de Mesnières, que l'on prit en 1880, il fallait un habile chef maçon. Le R.P. Le Vavasseur jeta aussitôt les yeux sur le Frère Calixte. Ce fut lui qui, avec l'aide d'ouvriers, construisit le pensionnat primaire, ainsi que l'hôtel, et répara l'escalier d'honneur conduisant au château. Il était en même temps chargé de la surveillance générale des domestiques de l'établissement et présidait leurs repas ; il remplit cette charge à la satisfaction de tous.

Le Frère Calixte travailla ainsi 15 ans à Mesnières ; il en avait passé 21 précédemment dans les maisons de Langonnet et de St Michel. Quand, en 1895, on commença l'essai des Ateliers de St-Joseph à Port-au-Prince, en Haïti, il fut tout aussitôt choisi pour cette œuvre, avec son frère, le Frère Nicodème. Malgré son âge déjà avancé (52 ans), il accepta joyeusement cette obédience, et s'y dévoua de son mieux. Il fit en Haïti divers travaux importants, qui lui donnèrent bientôt dans le pays la réputation d'un ouvrier hors ligne. Mais il s'attachait surtout à être fidèle à sa règle. C'est ce que l'on voit par une de ses lettres à son ancien surveillant du petit postulat de Langonnet. Elle respire en tout le véritable esprit religieux, disposition de soumission et d'obéissance à ses supérieurs de patience, de charité, d'abandon à la sainte volonté de Dieu. A la suppression de l'œuvre des Ateliers de Port-au-Prince, en 1890, le Frère Calixte rentra à Langonnet, où il s'est dévoué généreusement jusqu'à sa mort. L'an dernier, en réparant le clocher de l'abbaye, il fit deux chutes de ses échafaudages, dont il se remit lentement et imparfaitement. Il venait de terminer des ouvrages assez importants à l'église et au presbytère de la Trinité-Langonnet, quand il dut cesser tout travail. Il était atteint d'un cancer à l'estomac, qui lui rendait depuis plusieurs mois l'existence extrêmement pénible ; mais il demeurait toujours aussi soumis au bon plaisir de Dieu.

Enfin, le jeudi saint, au matin, sur l'avis du Père Supérieur, le bon Frère appelle son confesseur et lui dit : "Mon Père, si vous voulez bien m'entendre, réglons tout, tout de suite, c'est fini !." Dans la soirée, le Père Hassler lui donne les derniers sacrements, qu'il reçoit avec une grande piété : il renouvelle entre ses mains les vœux perpétuels qu'il avait émis en 1870, et fait généreusement au bon Dieu le sacrifice de sa vie. Puis le lendemain, ler avril, à 9 heures 35 du doir, après une dernière absolution, il rend doucement son âme à Dieu, assisté du Père Supérieur, de son confesseur, de son frère aîné, le Frère Célestin, et de deux infirmiers. Homme simple et droit, religieux dévoué, sa mémoire demeurera en bénédiction à N.D. de Langonnet, avec le souvenir de ses travaux pour la restauration de l'antique abbaye.

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