Frère NICODÈME, Henri CANSOT,
1851-1915.


Le F. Nicodème avait pour père Louis Cansot, garde-forestier dans notre propriété de Langonnet. Celui-ci avait déjà donné deux de ses fils à la congrégation, les Frères Calixte et Célestin, quand Henri, le troisième, y entra. :

"Je suis né à Larivain, Côtes-du-Nord, le 8 juin 1851, lit-on dans une de ses notes. Jusqu'à l'âge de six ans j'ai habité Larivain. Alors je suis venu avec ma famille à N.D. de Langonnet. J'ai été à l'école à l'Abbaye jusqu'à quatorze ans, et l'ai quittée pour apprendre le métier de forgeron. Je travaillais et m'habituais à vivre avec les Frères. Si bien qu'à la fin de la retraite annuelle de 1866, j'ai eu envie d'entrer dans leur communauté. J'y pensais tous les jours. Enfin je suis allé demander au Père Danger, alors supérieur à N.D. de Langonnet, d'être admis au postulat des Frères. Je fus ajourné jusqu'à la St Joseph ; puis jusqu'au 29 novembre 1866."

Le 18 février 1869, il est admis à la profession sous le nom de Frère Nicodème. Au noviciat de Chevilly, comme déjà à Langonnet pendant son postulat, le Frère, qui montrait beaucoup d'aptitude pour les travaux de forge, avait été formé et était devenu bon forgeron. C'est en cette qualité qu'il fut envoyé au Gabon en 1869. Il resta dans cette mission jusqu'en 1874, préposé à la formation des apprentis en tout ce qui concernait la ferronnerie. C'est dans la communauté de Ste Marie qu'il perdit l'oeil gauche par suite d'un accident. Il avait été atteint par un éclat de bois, projeté d'une hache dont il dégageait l'emmanchure.

Il lui fallut rentrer en Europe. Mais plus que jamais, lui disait-on en plaisantant, puisqu'il était devenu cyclope, il devait rester forgeron. Il fut placé à St Ilan, où nous le voyons, de 1874 à 1879, chargé de la forge et en même temps chef de section et instituteur.

Il passe ensuite plus de sept années à Cellule, et est envoyé à Nossi-Bé en 1886, pour les fonctions habituelles de forgeron et d'instituteur. Là à Ampombilave, nouvel accident : il est obligé de se faire amputer deux phalanges de l'index de la main droite, à la suite de cruelles souffrances provenant d'une plaie envenimée, causée par la morsure d'un vieux singe. De retour en Europe en 1889, sa santé s'est affaiblie, et il ne peut guère occuper qu'un poste de convalescent. Nous le trouvons à St Michel, où d'abord il ne figure qu'à titre d'aide forgeron.

En 1895, il reçoit une obédience pour Haïti et passe deux ans à Port-au-Prince, s'occupant d'installations diverses. Rentré en France en 1897, il retourne à St Michel encore convalescent, et en 1904 il est définitivement fixé à N.D. de Langonnet.

Le Frère Nicodème avait de précieuses qualités religieuses. Il était surtout fermement attaché à la congrégation. "C'est de famille", écrivait-il à Frère Hubert de Cellule, en se rappelant les deux Frères Calixte et Célestin. Le Père Walter, à Nossi-Bé, le disait d'une "soumission sans réplique" et, en 1887, il écrivait : "Le Frère Nicodème, grâce à Dieu, est feu et flamme pour toutes nos entreprises."

Dans les communautés où il a passé, avant ses dernière années de dépression et de souffrances, il devenait aisément un boute-en-train des récréations. "Toujours gai", est-il dit dans une des notes le concernant. Don de nature, excellent à coup sûr, surtout dans les missions, où si facilement, en changeant un peu le mot de St François de Sales, "un missionnaire triste peut faire un triste missionnaire". Cependant cette disposition de gaieté peut naître d'un fonds défectueux qui reste à combattre. Le cher Frère Nicodème, français de bonne race, était, comme ses compatriotes, qualifié de "léger", et cette légèreté allait parfois jusqu'à "l'espièglerie". Les anciens Frères racontent volontiers encore les tours qu'il aimait à jouer, et aussi ceux qu'on lui rendait. Était-il en réalité "moqueur" ? Non : il était resté "jeune de caractère", mais "d'un bon caractère et dévoué".

Il avait, aux époques voulues, renouvelé régulièrement ses vœux de cinq ans. En mars 1898, il eut le bonheur d'émettre les vœux perpétuels. "Je suis heureux, écrivait-il alors, d'être pour toujours à cette famille religieuse à laquelle j'ai consacré mes forces et ma vie" (Lettre du 20 mars 1898).

Cette vie devait durer encore dix-sept ans, en restant celle de quelqu'un "presque toujours malade". La souffrance, pour ainsi dire lui tenait providentiellement lieu d'emploi. Le 26 septembre 1915, au dîner, un coup d'apoplexie venait le foudroyer. Il reçut néanmoins les derniers sacrements en pleine connaissance et avec le sentiment d'une foi vive. La nuit suivante, il rendait doucement son âme à Dieu. (Lettre P. Hassler, 26 septembre 1915)

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