Le P. Yves CARIOU,
décédé à Langonnet, le 18 janvier 1956,
à l'âge de 68 ans.


Né le 28 janvier 1888, à Plomodierne (Finistère), Yves Cariou, après ses études secondaires à Langonnet et à Gentinnes, et son noviciat à Orly, fait profession le 13 novembre 1911. Il est ordonné prêtre le 18 octobre 1914.

Pour motif de mauvaise vue, il bénéficie d'un sursis de rappel sous les drapeaux, et, pour ce même motif, classé dans le service auxiliaire, et affecté au Service de Santé de la garnison de Vannes. L'armistice signé, la fin des hostilités représentait pour lui le départ pour l'Afrique. À la consécration à l'apostolat du 21 septembre 1919, il est désigné pour le Congo français, où il parvient à la mi-novembre.

A Brazzaville, nouveau venu dans la grande communauté du P. Jules Rémy, il trouve là de gais et valeureux compagnons, en la présence des PP. Guiton et Bonnefont et des FF. Lin, Théogène, Engelmar et François d'Assise.

Au bleu qui ne connaît pas encore la langue indigène, on confie d'emblée toutes les œuvres en français : séminaire, école des catéchistes, œuvre des Noirs parlant français. Les amateurs d'œuvres spécialisées d'aujourd'hui ne peuvent, bien entendu, que sourire en voyant tout cela confié à un seul homme. Il faut reconnaître qu'à l'époque Brazzaville n'avait pas encore l'allure d’une capitale ; néanmoins, pour faire face à tant de responsabilités, il ne pouvait être question de lambiner, ni de rechigner à la besogne ; le responsable des années 20 fit vaillamment ses premières armes, avec entrain et bonne humeur.

Le départ du P. Rémy, après la mort de Mgr Augouard, va occasionner le changement de fonction du P. Cariou : promu vicaire général de Mgr Guichard, le P. Guiton lui cède la barre du bateau chargé du ravitaillement des missions du fleuve. Le fleuve large, majestueux, fougueux, écumant, qui venait de si loin, Dieu sait d'où… Sur le Pie X, le nouveau capitaine prend ses fonctions au sérieux : il lui incombe la responsabilité de la navigation, celle du ministère aux escales, celle du ravitaillement des missions et, entre les voyages, celle de l'entretien du bateau. Ces responsabilités ont leur contrepartie ; sans doute, il y a l'ennui de la lenteur à la montée et les risques d'excès de vitesse à la descente du fleuve, mais, à chaque voyage, quelles bonnes rencontres avec les confrères du Haut, avec les broussards de Sainte-Radegonde, Boundji et Lékéti.

Ici, le P. Jean Prat, un vétéran déjà, plein de verve toujours, mais devenant absolument intarissable dès qu'il s'embarque sur les pistes inexplorées des langues nitales (le P. Prat tentait de démontrer que le mbochi venait du latin : à l'envers : nital). Là, le bon P. Jeanjean, plus que quiconque l'homme de la brousse, celui-là même qui arrivant à Boundji, disait sa satisfaction : « Ici je suis dans mon élément ! » Lékéti a l'avantage d'offrir aux passagers du bateau quantité de fruits excellents. Enfin, à la descente, à Boundji, on fait le plein de bois de menuiserie pour les ateliers de Brazzaville.

En 1928, le P. Cariou laisse la barre au F. Alexandre Friederich, pour un poste sédentaire à la mission de Liranga. Liranga, îlot de verdure sur les rives du grand fleuve, terre argileuse propre à la fabrication de briques, terre riche, avec possibilité de plantations d'arbres fruitiers et de cultures de légumes. À l'arrivée du nouveau directeur, cet éden équatorial possède déjà l'essentiel des installations en dur, avec une élégante église centrale. Suffisamment libre du côté matériel, le père va s'adonner au travail apostolique proprement dit. Laissant de préférence au P. Le Bail la visite des postes de brousse, lui-même cumule toutes les fonctions sur place : direction, économat, catéchisme, écoles, dispensaire, jardinage, visite des malades et toute la vie paroissiale. Régulier comme une pendule, toujours prévoyant, il n'est jamais pris au dépourvu.

A Liranga les semaines s'écoulent heureuses, les mois et les années aussi, toujours au même rythme, avec une seule distraction : le passage des bateaux : pour ceux qui font le trafic, sur le Congo et l'Oubangui, entre Brazzaville et Bangui, Liranga est une escale obligée. Auparavant, c'était lui qui était reçu ; aujourd'hui, c'est lui qui reçoit. la bonhomie du P. Cariou a vite gagné la sympathie des nouveaux capitaines et leurs largesses. Le bateau parti, les dernières salutations échangées, la mission retrouve son calme.

Rentré en France une première fois en 1928, le P. Cariou doit, en 1939, rejoindre la métropole pour y refaire ses forces. La guerre survient et le retient plus longtemps que prévu. De 1940 à 1950, il est successivement économe à Langonnet, procureur des missions à Bordeaux, puis à Marseille, jusqu'à son retour à Brazzaville, à la fin de l'année 1950.

Il passe alors trois ans et demi à Ouenzé, l'une des paroisses de Brazzaville, à l'extrémité du quartier de Poto-Poto, mais, au mois d'août 1954, il doit rentrer en France, pour raison de santé.

Après un court passage à Maulévier, il est accueilli à Langonnet, où il meurt le 18 janvier 1956. -
Louis Didailler - BPF, n° 79.

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