Le Père Julien CARRER,
décédé à Mayumba, le 9 mai 1896,
à l'âge de 31 ans.


Julien Carrer était né à Ploerdut (Morbihan), le 28 juillet 1865. Dans sa demande d'admission à la profession, il fait connaître comment la Providence l'avait conduit dans la congrégation : « Privé de ma mère à l'âge de cinq ans, je fus placé au collège de Langonnet en 1879, et j'y ai poursuivi mes études jusqu'à Pâques 1883, entouré de maîtres aussi saints que dévoués, qui m'ont inspiré l'amour de la congrégation.

Après avoir achevé mes études, à Rambervillers, je vins au grand scolasticat de Chevilly en 1885. Sur six postulants philosophes que nous étions, nous sommes deux seulement à avoir persévéré. Je crois pouvoir dire que j'ai fait mon possible pour écouter et mettre en pratique les sages avis de mes directeurs ; c'est pourquoi sans doute le Seigneur m'a conduit à bon port. »

Admis à la profession le 15 août 1890, le P. Julien Carrer fut tout aussitôt, selon ses désirs, envoyé au Congo français. Le F. Hildevert, qui était son compagnon de voyage et qui est resté avec lui jusqu'à sa mort, nous donne sur les vertus et les travaux de ce zèle missionnaire des notes édifiantes que nous n'avons qu'à résumer.

A son arrivée dans la mission, le P. Carrer reçut son obédience pour Linzolo. Il part avec joie, accompagné de trois autres confrères, mais bientôt il est pris de fièvre et se trouve épuisé, impossible d'avancer ; il revient tristement à la côte, avec l'aide du F. Honoré. À Loango, cependant, il se remet assez vite, et est alors envoyé à Mayumba, avec mission de s'occuper des enfants.

Tout y allait à souhait, quand au bout de 18 mois, il est appelé à Sette-Cama, pour y aider le P. Ussel. qui venait, en 1890, de commencer cette nouvelle station. On en était aux premières installations, c'est assez dire qu'il y avait à supporter des privations de tout genre. Le P. Ussel, très anémié, fut bientôt contraint de repartir pour la France. Chargé ici encore de l'œuvre des enfants, le P. Carrer se mit avec ardeur à sa tâche. A son arrivée il n'y avait que 25 petits Noirs, tout nouveaux encore, et par conséquent presque sauvages. Grâce aux soins actifs du père, à sa patience et à sa fermeté, ils furent bientôt transformés. Leur nombre s'augmentait en même temps ; au bout de quelques mois ils étaient plus de 80.

Le P. Carrer commençait ainsi à jouir à Sette-Cama des fruits de ses premiers travaux, quand une lettre de Mgr Carrie le rappelle à Loango pour y remplacer le P. Gaétan, rentré malade en Europe. Il y arrive le 9 décembre 1892 et est aussitôt chargé, comme à Sette-Cama, du soin des enfants. Les jeunes Noirs élevés à la mission étaient alors très indisciplinés ; ils ne savaient plus ce que c'était que d'obéir. Le P. Carrer connaissait par expérience les difficultés de cette œuvre ingrate et pénible, mais féconde en mérites pour ceux qui s'y consacrent. Il s'y dévoua de tout cœur : partout il suivait les enfants avec soin ; il les surveillait de très près. Les soucis et les fatigues lui occasionnèrent des accès de fièvre bilieuse qui le mirent à deux doigts de la mort. Il se rétablit cependant assez vite.

Sur ces entrefaites, le P. Ignace Stoffel, fondateur et premier supérieur de Mayumba, fut obligé par la maladie de rentrer en France ; il fallait, pour le remplacer, un missionnaire énergique et dévoué. Mgr Carrie désigna aussitôt le P. Carrer pour cette fonction. Mayumba était sa première mission ; elle lui était restée particulièrement chère. Il y retourna avec bonheur.

Tout entier à sa charge, il veillait à tout sans relâche. Par ses soins, la chapelle fut décorée avec goût ; aussi ce modeste sanctuaire attira-t-il bientôt une foule de Noirs qui n'avaient jamais rien vu de si beau. Il s'occupait également de perfectionner les installations des bâtiments et de pousser les travaux de culture.

Mais son œuvre de prédilection, c'était celle des enfants. Voyant parmi eux quelques-uns qui paraissaient animés de meilleures dispositions, il demanda à Mgr Carrie l'autorisation de commencer un noviciat de frères indigènes. Cette œuvre est aujourd'hui en bonne voie.

Très aimé des indigènes, qui savaient tout son dévouement pour eux, le P. Carrer était aussi très estimé des Européens. qui voyaient en lui un prêtre entièrement à son devoir. Dans la communauté, il se montrait parfait observateur de la règle. D'un caractère sensible et impressionnable. il pouvait parfois, involontairement, faire quelque peine à un confrère; il s'en humiliait au pied de son crucifix.

Cependant, des fatigues incessantes affaiblissaient de jour en jour sa santé et, le 4 mai 1896, il eut de forts accès de fièvre. Il sentit que c'était sa fin et, dès le troisième jour. il demanda les derniers sacrements. Il fit alors appeler, avec les membres de la communauté, les enfants et les chrétiens de la mission demanda pardon à tous de la peine qu'il avait pu causer aux uns ou aux autres et fit d'une voix émue ses dernières recommandations.

M. l'abbé Maonde, prêtre indigène, qui restait seul avec le Père, lui administra l'extrême-onction, qu'il reçut avec les sentiments de la foi la plus vive et avec la plus profonde piété.

Le cher malade souffrait horriblement; il sanctifiait ses souffrances en les unissant à celles du Sauveur. Il récitait, autant qu'il pouvait, son chapelet et demandait à la Sainte Vierge la grâce de mourir un samedi. La bonne Mère la lui accorda. Le samedi 9 mai, au matin, il entrait en agonie et, vers 1 heure de l'après-midi, il exhalait son dernier soupir. -
BG, t. 18, p. 584.

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