Le Frère Sulpice CASTÉLA,
1849-1919.


Le Frère Sulpice (Jean Castéla) avait connu la congrégation par son cousin, Alexandre Rulhe, alors scolastique, mort provincial du Portugal.

Né à Castelnau-Montratier, le 23 juillet 1849, il avait de bonne heure aspiré à la vie religieuse et essayé de rejoindre les Frères de la Doctrine chrétienne ; son infirmité - il était manchot de la main droite - ne lui avait pas permis de donner suite à ce projet. Mais adroit, intelligent et écrivant très bien de sa main gauche, il rachetait ce défaut physique par des qualités appréciables, et le P. Collin le reçut au noviciat des Frères, àChevilly, en 1867 : il avait 18 ans.

Il venait de faire sa profession quand éclata la guerre de 1870. Placé comme second portier à la maison mère, il y resta pendant le siège et y rendit de grands services. En mars 1871, survint la Commune. Le Frère Sulpice servit alors de facteur entre Paris, Chevilly et Versailles : ce n'était pas une fonction sans difficultés ni périls, et plus d'une fois il courut de réels dangers, que son sang-froid et sa présence d'esprit surent tourner. Par exemple, il put souvent passer les barrières en compagnie de la mère supérieure des Sœurs Servantes du Saint-Cœur de Marie, dont il Se disait le fils.

Le Gouvernement de la Commune, présidé par Raoul Rigault, siégeait àlHôtel de Ville. Or il y avait là un ancien orphelin de Chevilly, Charles Chérius, qui informait la maison mère de la situation, surtout quand elle devenait compromettante pour les "Jésuites" du séminaire de Chevilly (c'est ainsi que les communards surnommaient les spiritains). A la maison mère de Paris, une femme écarta le danger en déclarant qu'il n'y avait là que des missionnaires et des amis du peuple ; mais à Chevilly, l'affaire fut plus sérieuse.

Un matin on vit arriver à la communauté deux ou trois cents soldats de la Commune, chargés de faire des perquisitions et d'emmener à la prison de Mazas le P. Speisser et les 12 Frères qui étaient avec lui. Pendant que le commandant procédait à l'interrogatoire, le Frère Sulpice invita les hommes à prendre un verre de vin, avec un morceau de pain et du fromage. Personne ne se fit prier. Survint le commandant : "Au fond, ditil, ces curés ne paraissent pas être de méchantes gens ; Mazas n'est pas fait pour eux." Et ils se retirèrent. Mais à leur retour à Paris, Raoul Rigault, se mit dans une violente colère, et une seconde expédition fut ordonnée. Charles Chérius en prévint le F. Sulpice, et quand le détachement arriva à Chevilly, la maison était vide : le P. Speisser et les Frères s'étaient retirés à Rungis, où ils ne furent pas inquiétés.

La paix revenue, le F. Sulpice resta attaché à la maison mère comme second portier, puis comme écrivain, chargé de transcrire les écrits du Vénérable Père Libermann pour le procès de Béatification.

Vers 1880, il fut envoyé à la Guadeloupe et resta plusieurs -années professeur à notre collège de Basse-Terre. Il s'y plaisait beaucoup, et ce fut avec quelque peine qu'il se vit obligé de rentrer en France. Son chagrin cependant fut adouci en se voyant affecté de nouveau à la maison mère, où il continua à rendre de nombreux services soit à la porterie, soit aux archives. Le bon F. Sulpice est mort de la grippe infectieuse qui a fait partout tant de victimes, dans la nuit du 5 janvier 1919.

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