Le Père Jean CHEVALIER
décédé à Chevilly-Larue le 24 janvier 1996, âgé de 73 ans
inhumé à Chevilly, le 26 janvier


Né : 22.03.22, issy- les- Moulineaux (92). Profès : 05.10.43, Piré. Prêtre : 13.04. 51, Yaoundé. AFFECTATIONS - Cameroun : vicaire à Albalinayo (51-55) ; directeur à Afinta (55-70) ; vicaire à Dizangue (70-93) ; vicaire à Piti (93-95).

(Adresse au Père Chevalier, à l'occasion de ses obsèques)
Jean, tu as vraiment été un confrère original : tu nous auras étonnés, en même temps qu'édifiés, tout au long de ta vie.

Ta sortie de Chevilly, un an avant l'ordination, n'a surpris que toi. La peinture pouvait-elle remplacer la théologie ? Mais accepter le statut de prêtre diocésain et achever les études ecclésiatiques avec les séminaristes camerounais de Yaoundé, "il fallait le faire" ; comme de réintégrer la Congrégation en 1960, après un deuxième noviciat, dix-sept ans après ta première profession de 1943 !

Ta stabilité a été sans faille. En 45 ans, Minta et Piti auront été tes deux missions,. construites de tes mains. On visitait la mission de Minta, pour l'architecture originale des bâtiments de briques.

Ton travail pastoral a été pétillant d'initiatives, à la recherche de la Vie, à la recherche du Beau. Au service de tes frères, la Vie, car la Parole de Jésus, "Je suis venu pour qu'ils aient la Vie", a donné sens à tes efforts de catéchèse et de développement.

Au service de Dieu, quête de la Beauté. Comblé de talents, tu as réalisé des merveilles : dessins, fresques, sculptures, mosaïques, peintures. Le vitrail a été ton oeuvre principale. Au Cameroun, cet art t'a fait connaÎtre, et d'autres pays ont fait appel à toi. Ton dernier chantier a été la chapelle de l'Université catholique de Yaoundé.

La maladie est venue te rejoindre. Là encore tu nous as tous étonnés, par ta lutte incessante et convaincue d'en venir à bout. Par deux fois, tu as tenté de retourner sur ton chantier en panne mais le Seigneur te voulait sur son chemin de croix.

Ma dernière surprise aura été, après tavoir connu porté surtout sur la peinture, de te retrouver, en pleine maladie, passionné uniquement par la théologie à intégrer dans ton catéchisme en genèse, "Méthode de catéchisme par le dessin", bien sûr.
Merci, Jean, pour toute la joie que tu as semée. A bientôt.
Jacques MICHEL

Homélie. Enterrement du Père Jean Chevalier, le 26 janvier 1996.
Durant toute sa vie, Jean a gardé quelque chose du titi parisien...
Toute sa vie il a gardé son cœur d'enfant, (ceux qui l'ont vu parler à un enfant pouvaient voir qu'il le regardait dans les yeux, les yeux dans les yeux). Il était parfois râleur, bougon. Le dernière fois que je l'ai vu, il me dit :"Tu sais je suis en train de disputer la sainte Vierge. Toujours mal fagoté. Pourquoi vouloir être quelque chose quand on est quelqu'un ? C'était un vrai artiste qui est resté très humble, très effacé, très vrai.

Le Pire Maurice Zundel écrit "la vocation d'artiste est une vocation de sainteté ; si la sainteté veut dire précisément, être toujours perméable à lé, lumière. Et Rodin affirmait que l'art est une vue contemplation.

Jean voulait toujours associer la beauté à la liturgie, à la présentation de l'évangile. Il avait saisi au Cameroun, aussi bien en brousse qu'en ville, que tout homme fut-il jeune ou vieux, peu importe sa race, porte en lui la nostalgie de l'éternelle beauté. Pour lui, et il l'a montré dans l'ébauche de son catéchisme par l'image, l'homme est créé à l'image de Dieu et tient dans la création une place unique. Si Dieu est vraiement venu parmi nous, il est clair que ce n'est pas pour diminuer la vie, pour la rabougrir, mais pour lui donner toutes ses dimensions afin qu'elle soit toujours plus grande et toujours plus belle.

Par les couleurs, les lumières des vitraux, des fresques, des statues, ses ouvrages en fer ou, cuivre repoussé, Jean nous met toujours en face de l'éternel, il fait surgir au dedans de nous le visage du Christ. Il amorce un dialogue silencieux où nous rencontrons la Présence de Dieu. C'est vrai pour toutes les créations de Jean, mais plus encore par l'immense vitrail qu'il a créé pour l'Institut Catholique de Yaoundé. Aucune oeuvre d'art ne peut naître en dehors du silence. L'artiste est toujours un être qui écoute, un être qui peu à peu devient transparent à Dieu. Parler de cela ne vaut rien si on n'a pas vu. Il y a eu, en 1992, un numéro spécial de la revue Saint Joseph sur les vitraux de Jean. Je revois encore Monseigneur Mamie évêque de Fribourg, photographiant les vitraux de Jean à Nkolemeyang, cet évêque était vraiment conquis. Il faudrait qu'un vrai artiste puisse filmer toutes les oeuvres de Jean dans tous les coins du Cameroun et à Berbérati, (RCA), qu'on puisse en faire un vrai commentaire.

Jean était un créateur, chez lui rien de préfabriqué, c'est toujours nouveau, inédit, original, et cela est vrai dans tous les domaines : à Minta au Cameroun, il avait des ânes, des carrioles, qu'il louait à la population pour une somme modique et on transportait ainsi les charges pesantes. Les confrères souriaient de cette initiative, mais au fond, ils étaient un peu jaloux des trouvailles de Jean. Plus tard, pour ses vitraux, fresques, statues, c'était toujours du neuf, du non copié. Jamais on ne pouvait dire : "on a déjà vu cela quelque part". Tout ce que Jean a créé est réussi comme si ses mains étaient des mains de lumière.

Dans le temps, nous commencions la messe par ces mots : "J'irai à l’autel de Dieu, du Dieu qui réjouit ma jeunesse... Jean n'a pas eu le temps de devenir un blasé et il est parti avec des projets plein la tête, plein le cœur, il est resté tout jeune. C'est pourquoi nous avons choisi la petite parabole du grain de blé qui meurt ... et qui porte beaucoup de fruits. La mort est racontée comme un processus de vie, une production de vie. La mort n'est pas la mort, c'est la transformation J'une vie en une multitude de vies. Cette parabole va à l'encontre de la fatalité, de la tristesse, du découragement. La mort a un sens. Le grain de blé, c'est le Christ Jésus, c'est sa vie et sa mort, une mort offerte comme sa vie a été offerte. Une mort féconde comme sa vie a été féconde. Vivre pour Jésus c'est être semé en terre, se laisser entamer, ouvrir, éclater. Dépenser sa vie sans compter, sans économiser, sans se protéger. Vivre pour Jésus, c'est comme pour le grain de blé qui meurt pour vivre ; se laisser travailler, imprégner, entamer, éclater, par les forces de vie qui le sollicitent lorsqu'il tombe en terre. Si le grain de blé qui tombe en terre ne meurt pas, s'il n'accepte pas de se laisser ouvrir, comme par une blessure d'amour pour les autres, il reste seul, inutile. Jean a vécu à plein, il a fait le pari de la vie victorieuse, de la vie éternelle, de la vie plus forte que la mort. Il a empoigné la vie, l'a regardée en face, jusqu'au fond des yeux. Il a toujours su qu'il était image de Dieu Amour, Beauté. Que la vie de Jean offerte continue à porter beaucoup de fruits, ici et dans ce Cameroun qu'il a tant aimé.
Joseph Balthasar

Page précédente