Le Frère Quintien COLLIN,
décédé, le 10 mars 1939, à Mayumba,à l'âge de 74 ans.


Jean-Baptiste Collin, en religion Frère Quintien, né à Saint-Martin-des-Prés, au diocèse de Saint-Brieuc, le 30 janvier 1865, était déjà un jeune homme, lorsque il vint frapper à la porte de l’Abbaye de Langonnet. Il y fut admis comme postulant, y fit son noviciat, y émit ses premiers vœux (19 mars 1893) et ses vœux perpétuels (11 janvier 1896).

Il avait appris le métier de menuisier, dans le monde, rempli la fonction de sacristain de sa paroisse natale, voire même celle d'organiste. Ses compétences furent largement mises à contribution tout au long de son existence. À Langonnet d'abord, où il resta quatre ans après sa profession ; puis au Congo portugais, de 1897 à 1918 et enfin au Loango.

Désigné pour la préfecture apostolique du Bas-Congo, il s'embarqua à Lisbonne le 23 avril 1897. Placé d'abord à Loukoula il fut peu après appelé à Landana, chargé des apprentis, fonction qu'il garda pendant vingt ans.

Il avait déjà plusieurs cordes à son arc ; il en ajouta d'autres et devint bientôt maçon, forgeron, briquetier et chaufournier. Landana lui doit la menuiserie, la charpente de la maison d'habitation et de l'église ; tout son mobilier liturgique. Les autres stations de la préfecture, Cabinda notamment, eurent aussi recours à son savoir-faire.

Une décision de la maison mère l'affecta au vicariat apostolique de Loango, en novembre 1918. A Loango, il répara de son mieux les vieilles bâtisses en bois, datant du début de la mission (1883), et construisit la maison des filles.

Mais c'est à Mayumba surtout qu'il donna sa mesure. Il y édifia successivement le séminaire, l'établissement des sœurs, les dépendances de la communauté, reprit la construction de l'église en voie d'achèvement. Il lui fallut faire face à tout ; faire les briques, la chaux, abattre le bois dans la forêt, le débiter, le travailler, former et surveiller maçons, charpentiers, menuisiers, etc.

Le frère s'acquittait de sa tâche consciencieusement, tranquillement, patiemment, se fâchant rarement. S'il lui arrivait parfois de sortir de ses gonds, ce n'était pas grave : un diache retentissant, ou un boutique lentement articulé étaient la seule manifestation extérieure de sa colère. Avec cela, bon religieux, régulier, le premier à tous les exercices.

L'administration de la Colonie elle-même, si injuste, parfois, envers les missionnaires, s'est plu à reconnaître les mérites du Frère (ainsi que ceux de son confrère, le F. Hildevert) :

« A la mission catholique [de Mayumba], écrivait, dans son rapport de janvier 1937, le Chef du département de la Ngounié-Nyanga, il y a un vétéran, le F. Quintien, qui compte 40 ans de Congo et 72 ans d'âge. C'est à lui que sont dus les bâtiments actuels et les meubles que l'on admire. Il a formé tous les ouvriers spécialisés de la région, maçons, charpentiers, forgerons. Il a lui aussi, dans sa sphère, contribué à améliorer le sort de l'indigène, en lui donnant un métier. En dehors de toute idée confessionnelle, il convient de mettre chapeau bas, devant ces deux humbles serviteurs [FF. Hildevert et Quintien] de la première heure, et d'admirer leur labeur désintéressé et leur dévouement. »

Au cours de sa longue carrière apostolique, le F. Quintien ne rentra que deux fois en France : en 1908 et en 1920, et chaque fois pour quelques mois seulement. En 1932, estimant qu'il avait bien mérité un peu de repos, je lui proposai un congé au pays, sans le lui imposer. Monseigneur me répondit-il, je vous remercie, mais je n'y tiens pas. Accordez-moi quelques semaines de repos à Loango, cela me suffira. Le repos sollicité fut accordé et employé à ajouter deux chapelles latérales à notre église. Puis il se remit courageusement à la tâche à Mayumba.

Il avait entrepris, en 1937, la construction d'une église en briques il ne devait pas l'achever. Dans le courant de 1938 il se sentit à bout. Des soins reçus à Loango et à Pointe Noire semblèrent lui redonner un peu de vigueur, mais à peine retourné a Mayumba il dut cesser tout travail et garder la chambre.

Rien, cependant, ne laissait prévoir un dénouement aussi rapide. Le 9 mars dernier, après un examen sérieux, le médecin déclarait : « le frère n'a aucune maladie caractérisée, il s'éteint tout doucement, comme une lampe, faute d'huile. »

Le 10 mars, la journée avait été bonne. Le vieux frère indigène Marie-Joseph avait passé une bonne partie de l'après-midi avec notre malade, dont l'état semblait normal. Il l'avait quitté depuis peu, lorsque le P. Heidet, sortant de. sa chambre, l'aperçut étendu sur la véranda, vomissant le sang à pleine bouche. Surpris par l’hémorragie, il avait dû quitter sa chaise-longue pour appeler au secours.On le transporta sur son lit et on eut le temps de lui administrer l'extrême-onction, avant qu'il rende son âme à Dieu. Mort presque subite, mais pas imprévue. Le frère s’y préparait depuis lontemps. Une seule chose le chagrinait durant le repos forcé des derniers mois se son existence : c’était d’être à charge à la communauté. Il eût voulu mourir à son établi. - Mgr Henri Friteau - BPF, n° 4.

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