Le Frère Pol-de-Léon CORNEC,
décédé à Chevilly, le 3 novembre 1909,
à l'âge de 31 ans.


Pierre-Marie Cornec né le 24 juin 1878, à Kernaët-en-Plougonvelin (diocèse de Quimper), ne fréquenta l'école que trois ans environ, puis travailla dans des fermes. Il profitait de ses rares temps de loisirs pour s'instruire dans le premier livre qui lui tombait dans la main. Le vicaire de sa paroisse trouva les ressources nécessaires pour l'envoyer, en 1899, au collège Saint-Pol-de-Léon. Il avait alors 21 ans. Il entra à Notre-Dame de Langonnet à la fin de l'année 1901. Un an plus tard, il est admis au noviciat, à Chevilly et il fait profession, sous le nom de Pol-de-Léon, le 19 mars 1904 et il est alors affecté au vicariat apostolique de l’Oubangui.

A Brazzaville, Mgr Augouard le désigne pour reprendre, avec les PP. Prat et Epinette, la mission Saint-François, de Boundji, qui avait été provisoirement fermée en avril 1903. Tous trois embarquent sur le Léon XIII (le bateau de la mission), le 20 septembre et parviennent à Boundji dix jours plus tard.

Le F. Pol se mit à faire les constructions qu'on avait décidées de faire en provisoire. Il fut aidé par le P. Épinette qui était l'homme plein de la plus grande volonté quand il fallait donner un coup de collier. Tous le temps qu'ils furent ensemble, le P. Épinette et le F. Pol-de-Léon ne faisaient qu'un. C'étaient deux natures droites. L'une, celle du P. Épinette, à la façon du torrent à qui il faut de l'espace pour passer ; l'autre, à la façon du petit cours d'eau qui va tout tranquillement son petit chemin à travers les mousses du rivage, peu préoccupé d'attirer l'attention. Sans extérieur du tout, il fallait connaître le bon F. Pol-de-Léon pour l'apprécier. Et on le connut et on l'apprécia.

Le Frère était très populaire dans le pays mbochi. Il avait acquis cette popularité en arrangeant les fusils des Noirs et, pour cela, il profitait du temps libre de l'après-dîner. Après la matinée de travail, le voyant encore travailler après ces fusils, au lieu de se reposer un peu, je lui disais : « Mais, Frère, il faut prendre un peu de repos à midi. » - « Tonnerre ! mon Père, me répondait-il, je ne puis pas faire la sieste, moi ! »

Il écrivait à son curé : « J'aime les hommes d'ici de plus en plus. Ils sont sauvages, peureux, et toujours couverts de sagaies et de couteaux. mais ils ne sont pas méchants. Plusieurs fois, il m'est arrivé d'accompagner un père dans les villages. Jamais nous n'avons été mal reçus. Nous mangeons et dormons tranquilles parmi ces couteaux qui couperaient l'appétit si nous ne voyions le bon côté de ces hommes. »

Depuis octobre 1904, on n'avait cessé de parcourir les villages mbochis. On avait vu que la sauvagerie de la population n'était réellement qu'une grande timidité. Les enfants étaient accourus, nombreux, à la mission. On résolut alors de se fixer dans le pays et de préparer des habitations définitives.

On était en janvier 1906. Le frère partait tous les matins, avec son équipe d'ouvriers, à la forêt, qui n'était qu'à une vingtaine de minutes. Il y faisait de nombreuses planches que les enfants de la mission allaient chercher le soir.

Au mois de mai le frère vit ses jambes et ses pieds enfler et il dut garder la chaise longue tout le mois de juin. En juillet, il descendit à Brazzaville, par le Léon XIII, pour consulter un médecin. Celui-ci crut d'abord à une simple anémie, mais un examen de sang révéla la présence du trypanosome de la maladie du sommeil. On le fit rentrer en France et, le 9 novembre 1906, il débarquait à Bordeaux.

Il fut soigné à l'hôpital Pasteur (Paris) juqu'en juin 1907 ; on le croyait guéri. Il reprit le bateau pour le Congo, le 25 septembre 1907, Il resta alors à Brazzaville, où on le chargea de la menuiserie et du jardin. Mais, dès le mois de mars suivant, on décèle de nouveau dans le sang la présence de trypanosomes : son état nécessitait un nouveau retour en France.

Les soins à l'hôpital Pasteur vont durer de juin 1908 à septembre 1909, avec quelques retours partiels à la maison mère. Le 23 octobre il quitta la rue Lhomond pour Chevilly. où il mourut le 3 novembre 1909.

La carrière du bon Frère Tonnerre, pour l'appeler comme on l'appelait dans l'Alima, a été bien courte ! Deux ans et demi de travail, puis autant de maladie, et voilà tout ! C'est peu aux yeux des hommes, mais c'est beaucoup pour Dieu. En le voyant si bon, si dévoué, si pieux, alors que nous étions ensemble en mission, je ne pouvais m'empêcher de penser, « Voilà un beau modèle ! » -
Jean Prat - B, t. 4, p. 256.

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