Le Père Mathurin COURTOIS,
1878-1935

Par le P. LE MAILLOUX

Le P. Mathurin Courtois naquit le 15 novembre 1878 à Saint-Avé, aux portes de Vannes. Il avait 10 ans et allait à l'école quand un missionnaire passa. L'enfant écouta de ses deux oreilles les récits du Père et sentit pousser en lui la première pointe de vocation : il serait prêtre et missionnaire. Aussitôt il s'en ouvrit à sa mère. Mais il était timide, si timide que, devant le sourire de bonheur qui parut sur le visage maternel, quand il eut annoncé son intention de devenir prêtre, il n'osa pas aller plus loin dans ses confidences, sentant bien que, si la première ouverture avait réjoui le coeur de sa mère, la seconde, avec la perspective des missions et du départ pour des pays lointains, l'attristerait.

Comme la bonne Providence l'arrange toujours dans ces cas, il trouva un bon aumônier de Vannes pour prendre les premières leçons de latin et ainsi préparé, il entra au petit séminaire de Sainte-Anne d'Auray en 1893, dans la classe de quatrième : il avait quinze ans.

Sainte-Anne, sous l'impulsion dâmes ardentes, était alors une pépinière de missionnaires. Mathurin Courtois connut, plus avancés que lui, Mgr Le Hunsec et Mgr Le Mailloux ; il eut Pour di-recteur de conscience M. Buléon, très discret mais très fervent promoteur des missions. Une vocation naissante devait s'épanouir en pareil milieu ; sans but précis d'abord elle s'affirma peu à peu en faveur des noirs d'Afrique et pour la Congrégation : c'était le temps où le P. Buléon revenu du Feman-Vaz, avant d'être évêque du Sénégal, publiait ses récits de fondateur de station et d'apôtre, et où Sainte-Anne - maîtres et élèves - accueillait ses livres comme un héritage de famille.

Mathurin Courtois avait dix-neuf ans quand il acheva sa rhétorique ; le temps du service militaire approchait, et, pour bénéficier de la dispense d'étudiant ecclésiastique, c'était l'heure de prendre parti. Mais il lui fallait obtenir congé aussi de ses parents pour aller au noviciat, où le portaient ses attraits. Il n'osa pas parler et, comme rien ne pressait encore, il fit sa philosophie sur place. Puis, sa philosophie achevée, il négocia péniblement son départ. A la première déclaration sa mère pleura, son père faillit s'opposer ; puis la mère céda, le père accepta : ils étaient chrétiens et avaient compris leur fils. Ce furent ensuite les prêtres de la connaissance de Mathurin qui essayèrent de le dissuader de s'expatrier : à voir ce grand tin­àde qui osait à peine exprimer ses volontés, ils avaient un semblant de raison. Enfin, l'appel de Dieu l'emporta et Mathurin Courtois entra au noviciat d'Orly le 22 septembre 1898. Il fit profession le 10 octobre 1899 ; quelques jours après, il entra à la caserne pour son année de service, à Vannes.

Ce qu'il fut à Orly, à la caserne, et plus tard à Chevilly, pendant ses études théologiques, il le resta toute sa vie. Soldat à Vannes, quand il va le soir au séminaire, il n'ose réciter le chapelet en public, quand vient son tour de le faire. En 1902, on l'envoie en maison, à Beauvais : il y commence par se décourager, puis se met à l'oeuvre sans beaucoup d'allant pourtant ; quand il rentre à Chevilly, on le secoue fortement, on lui fait voir que sa réserve exagérée donne des craintes pour l'avenir. Sous l'influence de ces remontrances, il se reprend sans peine et montre que son bon vouloir ne saurait être mis en cause ; c'est son caractère qui est défaillant.

Il montra pourtant de la constance ; après sa consécration à l'apostolat. en 1901, il fut envoyé au Congo Portugais ; il y resta seize ans il y travailla en bon missionnaire ; il y souffrit du climat du milieu on ne le comprit pas comme il pensait l'être ; il supporta néanmoins avec une grande patience certains procédés qu il jugeait déplaisants et contre lesquels il n'était pas armé.

Quand il rentra en France en 1920, il en garda même du ressentiment, comme il arrive aux timides qui conservent un souvenir plus profond de ce qui les a blessés.

C'est seulement à l'occasion, quand on lui parlait d'un retour pos-, sible au Bas-Congo, et devant ses supérieurs, qu'il revenait ainsi sur son passé. En outre, il semblait avoir trouvé le poste de tout repos où il passerait, sans heurt, ses dernières années ; il craignait tant d'être rejeté dans le tourbillon ! Il venait en effet d'être chargé de l'aumônerie des enfants de Saint-Michel­en-Priziac, après avoir desservi, à titre d'aumônier, la clinique des Soeurs de Saint-Joseph à Lagny et avoir résidé quelque temps à Monaco. Saint-Mchel lui convenait ; le ministère près des enfants allait à ses goûts, et, une fois qu'il y fut, il trouva pour y rester ce motif : qu'il y avait grand inconvénient pour les élèves à changer trop souvent de confesseur. C'était en 1922. Comme le personnel de la maison devait être tout entier renouvelé, le P. Courtois quitta Saint-Michel pour la procure de Marseille, à la rentrée des classes de cette année. Il y demeura jusqu'à la fin de 1925.

Il partit alors pour l'île Maurice, dans l'Océan Indien : ce fut la dernière étape de sa carrière.

« Il nous arriva le 21 janvier 1926, écrit le P. Pivault dans La Vie Catholique ; il fut d'abord placé à l'Immaculée avec la charge de desservir la paroisse du Saint-Sacrement aux Cassis et celle de Saint Vincent-de-Paul aux Pailles. Il réussit à faire donner à ses paroissiens une grande mission par les Pères Joray et NeyroUes. Lui-même se donna beaucoup de peine pour assurer le succès de cette mission et fut content des résultats.

« La cure de Saint-François-d'Assise étant devenue vacante par la maladie et le départ du P. Kauffmann, le P. Courtois recueillit cette succession ; il aimait sa paroisse, ne s'absentait que rarement et rien que par obligation. A la fin, le climat de Pamplemousses ruina complètement sa santé, qui du reste ne s'était jamais complètement remise des fatigues éprouvées au Congo. Il fallut user d'instances pressantes pour l'obliger à chercher un climat plus sain à SainteHélène de Curepipe. Il y recouvra un peu de vigueur, assez pour se croire encore la force de reprendre à l'Immaculée les fonctions par lesquelles il avait débuté en 1926, le service des Pailles et des Cassis ; mais il se faisait illusion. Le bon P. Courtois a ainsi travaillé jusqu'au bout de ses forces.» Ses paroissiens comprirent qu'il s'était sacrifié pour eux et en témoignèrent par leur affluence aux obsèques.

D'une note du P. Streicher, supérieur principal de l'île Maurice, nous recueillons les quelques détails suivants sur les derniers jours de notre confrère : « Les chaleurs de l'été à Port-Louis l'avaient fatigué : depuis longtemps d'ailleurs il souffrait au coeur d'une grave lésion dont il ne s'occupait guère. Le jeudi, 7 mars, il ne se sentit pas la force de dire la messe ; désormais il dut se priver de la célébrer. Le médecin, qui lui prodigua des soins assidus et empressés, diagnostiqua de l'urémie et 1'oedème pulmonaire, et conclut que le malade n'était pas guérissable. On transporta pourtant le Père à la clinique des Soeurs de BonSecours à Rose-Hill, où il fut soigné jusqu'au bout avec les plus délicates attentions.

« Aussitôt connu l'avis du docteur, je proposai au P. Courtois les derniers sacrements ; il les reçut en pleine connaissance, renouvela ses saints voeux et fit à Dieu le sacrifice de sa vie : c'était le jeudi matin. J'avais le pressentiment qu'il durerait jusqu'au samedi, pour que la bonne Mère du ciel lui ménageât la faveur de l'appeler à elle en son jour béni. Il mourut en effet le samedi 16 mars 1935. JI avait 56 ans. Il nous a quittés sous les auspices de la Sainte Vierge, pendant le mois de saint Joseph, double assurance de salut ! »

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