Monseigneur Léon DELAVAL,
1868-1931


Ce fut sur les rives de la Marne que naquit et grandit ce futur Préfet Apostolique de la Guyane française, en 1925. (C'est en 1910 que les Préfets apostoliques reçurent du Pape Pie X le titre de Monseigneur).

Léon Delaval, d'une nature paisible et plutôt réservée, semblait destiné à avoir sur la terre une existence très calme ; ce fut tout le contraire : peu de vies furent soumises à des conditions de la Providence plus brusques et plus déconcertantes.

Il naquit le 10 août 1868, à Omey, petite paroisse des environs de Châlons. Dès l'âge de trois ans, il perd son père, et cette mort inopinée force la mère à quitter la campagne, et à chercher dans la ville un gagne-pain plus assuré pour elle et ses quatre enfants.

Quand l'âge scolaire arrive pour lui, il est confié à la formation religieuse des Frères de la Doctrine chrétienne ; bientôt le vent de la persécution, qui commence à souffler sur les écoles de France, le jette entre des mains laïques... Là son amour de l'étude, son ardeur au travail ses succès finissent par commander l'estime de ses nouveaux maîtres. Mais l'orientation de sa vie va en souffrir pendant quelques années. Au lieu d'entendre aussitôt l'appel de Dieu qui, plus tard, se fera pour lui si clair et si impérieux, l'adolescent entre dans le commerce et sert dans différentes maisons, où sa foi sera souvent mise en péril. Heureusement l'abbé Laîné, l'ayant pris sous sa direction, fera de lui l'apôtre de ses camarades ; enfin, un pèlerinage à Lourdes lui donne guérison d'un état de santé qui inspirait de sérieuses inquiétudes et, ce qui est mieux encore, éveille sa vocation sacerdotale.

A dix-neuf ans, il est au milieu des petits latinistes du collège ecclésiastique de Châlons et, au bout de trois années, il entre au grand séminaire diocésain. Mais voici qu'un appel plus intime le sollicite vers une société de missionnaires consacrés à la Vierge Marie ; son directeur de conscience, un Lazariste, lui indique la congrégation du Saint-Esprit, vouée au Cœur de Marie pour l'évangélisation de la race noire. En 1893, pendant les vacances, il fuit de Châlons, arrive à Paris et se présente au Supérieur général, le Père Emonet (dont plus tard il sera le successeur dans la Préfecture de la Guyane). Or l'entrevue ne fut pas longue ; à peine le P. Emonet a-t-il posé sur lui son regard profond, qu'il renvoit ce séminariste de vingt-cinq ans à son séminaire diocésain. La scène demeurera toujours inexplicable et très mystérieuse pour l’intéressé. Mais après une année de théologie, il revient frapper à la même porte de la congrégation du Saint-Esprit, qui, cette fois, s'ouvre toute grande.

Le voilà donc, en 1894, au grand scolasticat de Chevilly où il fait sa seconde année de théologie ; son repos n'y sera pas de longue durée, un nouveau coup de barre va être donné à son existence. A la Martinique, au collège de Saint-Pierre, en 1895, on a besoin de répétiteurs et de professeurs. M. Delaval y est envoyé ; là, tout en professant, il achèvera sa théologie et recevra les Ordres sacrés. En 1899, il reçoit le diaconat et la prêtrise dans la cathédrale de Saint-Pierre de la Martinique.

Il revint en France en 1899 pour faire son noviciat à Grignon d'Orly sous la maîtrise du P. Genoud. Après sa profession religieuse, le Père Delaval est destiné au missions du Congo. Près de l'inflexible Vicaire apostolique, Mgr Carie, tout en s'initiant à la langue du pays, au milieu des orphelins de Mayumba, il est chargé de travailler à la formation du clergé indigène. C'était une œuvre intéressante ; mais l'acclimatement du nouveau missionnaire du Loango fut très pénible. Sa santé donna de telles inquiétudes qu'il fallut le rapatrier précipitamment au bout d'une dizaine de mois. L'Afrique n'était pas pour lui.

On songea donc à le renvoyer à la Martinique qui lui avait bien réussi, et où il avait jeté des racines vivaces. Dès octobre 1901, il reprenait sa place au collège de Saint-Pierre. Son séjour n'y fut pas de longue durée ; cette fois, ce fut le fameux Mont Pelé qui se chargea de le faire déguerpir. Le 8 mai 1902, le volcan anéantissait la ville de Saint-Pierre et son collège, et, des treize spiritains qui y étaient restés, on ne retrouvait pas la moindre cendre. Mais la veille du cataclysme, le P. Delaval avait reçu l'ordre de s'en aller dans le sud de l'île, et c'est là qu'il apprit la terrible catastrophe.

En 1903, le P. Delaval était affecté au collège d'Epinal, mais les décret du ministre Combes fermait tous les établissements d'éducation religieuse. Il partit donc en Belgique à Gentinnes pour l'année scolaire 1904-1905. Enfin la Martinique le rappelle à Fort-de-France pour rétablir l'ancien pensionnat des Frères de Ploërmel. Trois ans plus tard, il rejoint la montagne du Mont Pelé. Au Mome-Rouge il travaille pendant dix ans pour la reconstruction de toute cette région dévastée.

C'est là que, le 14 janvier 1925, le trouve le décret du Saint-Siège qui le nomme Préfet apostolique de la Guyane française. La situation était très délicate dans ce pays que la congrégation avait dû abandonner en 1892 sous le vent de la persécution. Mais il n'y avait pas à discuter, il fallait l'accepter. Le nouveau Préfet apostolique arriva à Cayenne le 8 avril et se présenta àson peuple le saint jour de Pâques. Le premier accueil fut plutôt réservé, mais au bout de quelques semaines, la sympathie profonde que la population avait gardée aux spiritains se réveilla très vive. Mgr Delaval avait tout ce qu'il fallait pour la renouer ; il ne se prodiguait pas, il ne se pressait pas, il laissait à peine paraître sa présence ; mais il se créait tout doucement de bonnes relations qui devenaient de solides appuis. Il en imposait à tous par la dignité de sa vie. Quand il fallait faire quelque réforme, il savait envelopper une main de fer dans un gant de velours. C'était la santé qui lui manquait le plus. Déjà fatigué quand, en 1926, il partit à Paris pour le chapitre général, il revint en octobre plus fatigué et plus, malade.

Il est décédé à Cayenne, le 11 novembre 1931, à l'âge de 63 ans. Les funérailes, qui eurent lieu le surlendemain, furent pour la population de Cayenne une occasion de témoigner magnifiquement le vif attachement qu'elle portait à son Préfet apostolique. Les membres des différentes administrations étaient là, dans un mouvement d'unanime sympathie. M. Le Gouverneur de la Guyane voulut suivre le cortège funèbre jusqu'au cimetière et, avec une délicatesse parfaite, prononça près de la tombe un éloge dans les paroles qui convenaient parfaitement.

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