Le Frère Lucien (Yves) DRÉAU
décédé à Langonnet le 17 mai 2001, âgé de 93 ans
Né : le 24 mars 1908, à Lennon (29). Profès : le 8 décembre 1928, à Chevilly

AFFECTATIONS :
France - Cellule, jardinier (30-76) ; Langonnet, jardinier (76-01)


Yves-Marie Dréau est né à Lennon, en Finistère. De bonne heure, il aspire au sacerdoce, mais le Seigneur a d'autres projets : une surdité quasi totale apparaît et l'oblige à abandonner ses études. Toujours désireux de servir le Seigneur, il entre au noviciat des Frères, Que pense-t-il de ce changement d'orientation ? Cela reste son secret. En 1930, le Frère Lucien est affecté à l'École apostolique de Cellule en Auvergne, ou il retrouve des professeurs et des élèves bretons, qu'il faudra nourrir - car il arrive en renfort au jardin. L'école avait été bâtie en pleine Limagne, dont la terre argileuse, mélangée de cendres volcaniques, est incroyablement fertile et généreuse en moissons et fruits varies. Mais cette terre, épaisse et grasse, est dure à travailler ; la mécanisation n'a pas encore pénétré dans les jardins. Et ne parlons pas du climat continental : en hiver des nuits à -30' ; en été, des orages de grêle fréquents et dévastateurs. Mais l'ancien étudiant ne craint pas sa peine. Il va passer 46 ans de sa vie, d'abord au jardin, ensuite, après la guerre de 39-45, à la ferme sise au hameau voisin de Saunat, en compagnie du célèbre Frère Barnabé Morvan. Il fallait cette fois nourrir une bande de novices où voisinaient Français, Belges, Suisses, Anglais... Toujours courageux, sourd mais souriant, discret mais exigeant, il n'hésite pas, les jours de travail manuel, à écarter d'un geste énergique certains novices qu'il sait allergiques, ou carrément inadaptés aux travaux agricoles durs ou salissants.

1976 : Lucien retrouve sa Bretagne natale, loin des hivers rigoureux et des orages tropicaux. Il a 68 ans, l'âge de la retraite pour beaucoup de gens, pas pour lui, évidemment. Il prend en mains le jardin de Langonnet : Dieu merci, ce n'est plus la terre lourde de la Limagne, mais la terre bretonne, légère, friable...

« Dur en affaires », a-t-on dit. Sans doute avait-il le souci de la rentabilité maximum du jardin, puis de la serre, où il régne en maître et dont il s'occupera presque jusqu'à la fin : sa passion, c'était les fleurs. Entre-temps, en 1998, il fête ses 70 ans de profession - ce n'est pas si courant, même à Langonnet !

2001 : Lucien commence à décliner. Il peine à marcher, mais ne se plaint jamais. Le P. Job Morvan lui apporte un jour des poires juteuses, pour sa bouche toute desséchée : « Non, merci, un religieux ne doit rien conserver dans sa chambre ». Cette fidélité rigoureuse à nos anciennes constitutions en dit long sur sa foi et ses convictions.

Frère Lucien, sourd aux accents de la terre, puissiez-vous entrer au plus vite dans la liturgie du ciel « avec harpes et cithares » !
PP. Rubin et Morvan