Le T.R.P. Ambroise EMONET
1828-1898


Le Père Ambroise EMONET naquit le 26 mars 1828 à Megève en Haute-Savoie. La Savoie faisait encore partie des États Sardes, elle ne deviendra française qu'en 1860 sous l'empereur Napoléon III, après un référendum. - La famille chrétienne du jeune Emonet était riche de sept enfants, deux garçons et cinq filles. - A la mort de sa mère, en 1859, son père désira consacrer le reste de ses jours au service de la congrégation du Saint-Esprit.

Entré au Petit-Séminaire diocésain de La-Roche-sur-Foron, Ambroise y fit de bonnes études. Le Père Libermann, fondateur de la Congrégation du Saint-Coeur de Marie, qui allait fusionner dès 1848 avec l'ancienne Congrégation du Saint-Esprit, fit une visite à ce petit séminaire de la Savoie. Cette visite déclencha la vocation d'Ambroise et de quelques-uns de ses amis pour les Missions : parmi ces amis, on comptera celui qui sera plus tard Mgr Duboin, évêque de Dakar.

Dans une lettre du 2 janvier 1846, combien affectueuse et décidée, le jeune Emonet sollicita le consentement de ses parents : " Vous savez que je veux entrer dans la congrégation du Saint-Cœur de Marie qui a pour but l'évangélisation des nègres de Guinée, je vous demande votre oui. Ce seul mot peut me rendre heureux, car j'ai la ferme confiance que c'est là ma vocation. Vous avez toujours eu la grande envie de me rendre heureux. Donnez-moi votre consentement de bon cœur." A 19 ans, en 1847, il entra donc au Noviciat de Notre-Dame du Gard (près d'Amiens), où le reçut le Père Libermann.

Le 19 mars 1850, Ambroise Emonet fait sa profession religieuse et l'année suivante, avec une dispense d'âge, il est ordonne prêtre. Le Père Libermann le garde alors pour enseigner la théologie aux étudiants spiritains qui commençaient à se grouper à Notre-Dame du Gard.

A la Martinique.

En 1850, sur l'initiative du P. Libermann, a lieu la création des évêchés coloniaux (Réunion, Martinique et Guadeloupe). Mgr Leherpeur devient le premier évêque de la Martinique. Sur sa demande les spiritains prennent la direction du pèlerinage de N.D. de la Délivrande et du séminaire-collège. Le Père Emonet est nomme supérieur de la nouvelle communauté spiritaine. Bientôt les instances romaines pensèrent en faire le successeur de Mgr Leherpeur, mais la Congrégation du Saint-Esprit refusa, estimant que, dans l'esprit de Libermann, elle ne devait fournir d'évêque que si cela était manifestement indispensable.

Mgr Porchez, deuxième évêque de la Martinique, lui confia en 1859, la direction du Séminaire-Collège de St-Pierre. A partir de ce moment, le Père Emonet est le supérieur principal des trois communautés spiritaines existant à la Martinique. Le collège de St-Pierre est si prospère qu'il lui est adjoint une annexe à Fort-de-France, la capitale. L'influence du Père s'étend à l'île entière.

Mais le Père Emonet s'estime placé à un poste trop aisé et trop agréable. Il écrit le 13 juillet 1869 à son supérieur général, le Père Schwindenhammer, s'estimant indigne de la place qu'il occupe, trop entouré d'honneur et de respect : " Je voudrais vivre dans un petit coin, sans autre responsabilité que d'obéir. Je suis fait pour être inférieur, non supérieur. Faites cela pour moi." Peu après, par une autre lettre, il demande un poste dans une léproserie ou parmi les malheureux les plus pauvres.

La réponse, au contraire, fut une nouvelle charge. En 1870, après un voyage en France, il retourne aux Antilles avec la charge, non plus de supérieur, mais de visiteur des maisons de la congrégation en Amérique.

La visite terminée, il se prépare à partir en Guyane dont Rome le nomme Préfet Apostolique en 1873.

En Guyane.

La Guyane française est un territoire de 91.000 kilomètres carrés, trois fois la Belgique. Sous Louis XIII, Richelieu en avait pris possession. En 1797, le Directoire le transformait en lieu de déportation ; en 1854, il devenait colonie pénitentiaire, avec Cayenne comme centre. Quand le Père Emonet y arrive, la colonie, couverte de forêts et coupée de rivières, est peuplée de quelques tribus indiennes dispersées sur tout le territoire, de noirs anciens esclaves, de quelques européens chercheurs d'or ... et des bagnards soumis au personnel pénitentiaire. En tout trente mille habitants, dont dix mille à Cayenne.

Le Préfet Apostolique dispose de quelques prêtres séculiers et d'une quinzaine de confrères spiritains, dans les villes de Cayenne, Mana, St-Laurent du Maroni et les missions de l'intérieur. Les Sœurs de Saint Paul de Chartres et celles de Saint-Joseph de Cluny dirigent déjà des œuvres florissantes. Pendant neuf ans, le Père Emonet ne cessera de parcourir son immense territoire, y faisant à la fois œuvre de missionnaire et œuvre de savant explorateur : sur la rive droite de l'Oyapock un sommet montagneux porte le nom de pic Emonet.

Le Supérieur Général.

En 1881, à la mort du Père Schwindenhammer, il est rappelé en France et participe au chapitre général devant lui donner un successeur. Il devient le premier Assistant du nouveau supérieur général, le Père Frédéric Le Vavasseur. En réalité, l'élection de ce dernier n'était qu'un hommage rendu à celui qui avait été le compagnon du Père Libermann et avec lui cofondateur de la congrégation du Saint-Cceur de Marie. Le Père était âge de 70 ans et de santé précaire. Un mois après sa nomination, il tombait malade et décédait en janvier 1882.

Le Père Ambroise Emonet fut alors choisi quasi à l'unanimité des membres du chapitre général pour lui succéder. Il avait 54 ans. Il donnera à la Congrégation un élan considérable. Sa manière d'agir fut bien différente de celle du Père Schwindenhammer. Autant celui-ci s'était montré sévère, exigeant la stricte application de toutes les obligations réglementaires de la vie religieuse, refusant souvent de tenir compte des réalités de la vie missionnaire, autant le Père Emonet tint à se montrer accueillant, compréhensif, ami de la discussion, sensible aux difficultés du prochain.

Sa nomination aux fonctions de Supérieur Général coïncide à peu près avec le grand mouvement qui, à la suite des explorations de Stanley, allait entraîner les européens vers l'Afrique. Le Père Emonet sut prendre partie de ces circonstances pour multiplier les fondations et les missions sur ce continent. Sous son administration furent créés les vicariats apostoliques du Congo et de l'Oubangui, ainsi que de nouvelles missions en Afrique orientale, au Sénégal et en Angola.

En même temps, les maisons de formation se multipliaient et se remplissaient d'aspirants ; il ouvrait le noviciat d'Orly près de Paris. Par ses soins, de nouveaux collèges ou séminaires s'ouvraient en France, en Irlande, au Portugal, aux Açores, en Australie, au Brésil et au Pérou.

En 1884, il fonde la revue "Les Échos des Missions d'Afrique", qui deviendra bientôt "Les Annales Apostoliques", et qui continue à paraître de nos jours sous le titre de "Pentecôte sur le Monde".

Le Père Ambroise Emonet mourut dans la maison tenue par les spiritains à Chevilly, près de Paris, le 28 juin 1898. Le Père Emonet avait choisi ce lieu de piété, d'étude et de silence, pour y passer ses derniers jours, se contentant comme chacun d'une modeste chambre, se pliant de son mieux au règlement de la maison, passant ses journées de malade dans la prière, le recueillement, la lecture. Trois ans auparavant, le 26 juin 1895, il avait été brutalement frappé d'hémiplégie en achevant une messe de première communion à Paris chez les Sœurs de Saint-Joseph de Cluny. Cela l'avait contraint à donner sa démission de 14-ème Supérieur Général de la Congrégation du Saint-Esprit. Monseigneur Le Roy, évêque de Libreville au Gabon, un normand, devait lui succéder.

Durant sa maladie, son esprit de foi, son grand cœur, la délicatesse de ses sentiments, ont porté le Père Emonet, déclara son successeur, "le premier dans l'obéissance, comme il avait été le premier dans le commandement".

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