Le Frère ANTONIN Evesque

Il a vécu 72 ans sans connaître la maladie. "Après une vie de travail et de prière, ayant toujours été un religieux modèle, il est mort comme un saint." C'est ce qu'écrivait de lui le Père Guérin, supérieur de St-Louis du Sénégal, le 7 juin 1892.

Jean Evesque (tel était son nom dans le monde) est né le 10 juillet 1820 aux Salelles près des Vans, d'une honorable famille du Vivarais, dans laquelle Dieu s'est choisi un grand nombre de religieux et de religieuses. L'enfant puisa au foyer paternel cette piété douce et énergique qui devait le soutenir et le distinguer toute sa vie. Mais avant de se donner complètement à l'Église de Dieu, il dut passer par l'épreuve de la caserne. En 1842, on était, en Algérie, au plus fort de la résistance d'Abd-el-Kader. Le jeune militaire pensait être envoyé en Afrique. Déjà les pays lointains avaient de l'attrait pour cette âme généreuse qui ne demandait que le sacrifice. Mais ses chefs le retinrent en France, et il dut passer une grande partie de son service à Bitche, petite forteresse d'Alsace qui s'est illustrée parle courage de ses défenseurs en 1870. Là, il conquit successivement les galons de caporal, de sergent et de sergent-major.

La vie de garnison ne changea rien à ses habitudes chrétiennes, il communiait régulièrement deux fois par mois. Aussi, sortant des Voltigeurs du 2e Léger, Jean Evesque demanda-t-il son admission parmi les Frères Léonistes de St-Ilan, dans le diocèse de St-Brieuc (cf notre n' 2 du mois de mars 1993). Il y resta de 1847 à 1856, date à laquelle le fondateur demanda au Père Schwindenhammer d'intégrer les Frères Léonistes dans la congrégation du Saint-Esprit et de prendre en charge son œuvre de St-Ilan.

La maturité de son esprit, son expérience, son ardeur au travail, l'avaient fait particulièrement apprécié dans la colonie agricole de St-Ilan. Mais la Providence le voulait au Sénégal. Mgr Kobès brûlait de développer une œuvre qui lui était chère entre toutes : élever des enfants, les former au travail, à l'agriculture, et constituer peu à peu des familles chrétiennes. Dans ce but, il demanda avec instance un Frère qui pût le seconder dans son entreprise. Le Frère Antonin, en ayant connaissance, supplia le Supérieur général de l'envoyer en Sénégambie. La Mission venait de perdre coup sur coup sept ou huit missionnaires. Cela ne l'effraya nullement, et après trois mois de traversée, il fut tout heureux de prendre en charge les jeunes enfants de la ville naissante de Dakar : il devait leur apprendre le catéchisme, la lecture, l'écriture, le calcul et le travail manuel. Creusant un puits dans une petite vallée descendant à la mer, le Frère Antonin obtint de l'eau douce en abondance qui lui permit de créer un splendide jardin légumier.

Une autre culture était encore plus chère au zélé religieux : celle du cœur et de l'esprit des enfants qui lui étaient confiés. Il eut bientôt conquis l'affection de tous. Pendant les récréations, il exerçait ses jeunes élèves aux exercices militaires : la marche au pas, un fusil de bois sur l'épaule, les mouvements de toute sorte que l'on fait exécuter aux recrues, devinrent familiers à cette petite troupe improvisée. Une grande revue ayant eu lieu à l'occasion de l'arrivée du gouverneur général Faidherbe, celui-ci fut enchanté de l'habileté des jeunes soldats. Il les félicita et encouragea le Frère Antonin.

En 1865, Mgr Kobès transféra l'œuvre des enfants de Dakar à Saint-Joseph de Nagazobil, pour développer l'école primaire dans un cadre rural, former des catéchistes, implanter un petit séminaire et créer une exploitation agricole de rapport pour soutenir ses œuvres. Là, tout était à faire : défricher, construire et gérer l'ensemble. Le F. Antonin y trouva un travail à son goût et s'y donna totalement.

En 1872, Mgr Kobès l'affecta à la communauté de Saint-Louis, où il s'adapta à un autre style de vie durant les vingt dernières années de sa vie. - Le 6 juin 1892, à minuit, il s'éteignit comme une lampe qui manque d'huile, sans aucune secousse. On se demandait s'il ne dormait pas. Il donnait, mais du sommeil du serviteur fidèle qui est allé recevoir la récompense de ses travaux.

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