Mgr Henri FRITEAU,
décédé à Langonnet, le 17 mai 1956,
à l'âge de 71 ans.


Henri Friteau naquit à Saint-Etienne-en-Coglès (diocèse de Rennes), le 31 décembre 1884. En 1899, un de ses oncles, Frère des Écoles Chrétiennes, le fit entrer au petit scolasticat de Langonnet. En 1901, il continua ses études à Merville, puis à Gentinnes. Il fit profession le 28 octobre 1906.

Après son année de philosophie à Chevilly, il fut envoyé au Séminaire français de Rome et ordonné prêtre le 24 septembre 1910. De retour à Chevilly, à la consécration à l'apostolat du 3 juillet 1912, il fut nommé sous-maître des novices, sous la direction du P. Victor Lithard.

Mobilisé en janvier 1915, il participa, en 1917, à la bataille de Verdun, où il fit preuve d'une « conduite admirable au feu pendant les attaques et conre-attaques ennemies du 8 et 9 septembre 1917 ». Il fut ensuite affecté à un train sanitaire comme infirmier, puis à un régiment chargé de l'instruction des troupes américaines. Démobilisé le 3 mars 1919, il rejoignit le noviciat.

Quelques mois plus tard, il fut désigné pour le vicariat apostolique de Loango où il ariva en septembre 1919. Le vicaire apostolique, Mgr Léon Girod mourut peu après (le 13 décembre 1919) et le P. Friteau fut alors nommé administrateur apostolique. Il devint vicaire apostolique le 17 mars 1922 et le sacre eut lieu à Loango même, dans la cathédrale en planches, le 6 août suivant.

Le premier soin du vicaire apostolique, après son sacre, fut de partir à Mayumba, ordonner trois prêtres africains. Il amena avec lui le F. Quintien pour entreprendre la construction d'un séminaire en briques et à étage pour remplacer la cabane branlante qui menaçait de s’écrouler à chaque tornade. Ce faisant, Mgr Friteau entendait bien rester dans la ligne de conduite de Mgr Carrie pour qui la promotion d'un clergé indigène avait été l'un des premiers soucis.

Dans l'année suivante, Mgr Friteau, en plus de la visite des stations existantes, entreprit de voir le nord-est du vicariat et l'emplacement de l'ancienne mission de Boudianga, malheureusement fermée en 1906 et tranférée à huit jours de marche vers le sud-est, à Nséssé, à proximité de la frontière du Cabinda ; « recul stratégique le plus préjudiciable à l'évangélisation du vicariat ».

En parcourant ces régions immenses, à cette époque fort peuplées et pas encore atteintes par les Protestants suédois, l'évêque comprit la nécessité d'ouvrir au plus tôt de nouveaux centres d'évangélisation. mais les circonstances n'y étaient pas favorables : il était plus urgent encore de rouvrir la mission de Mourindi, de commencer à s'occuper de Pointe-Noire qui, avec les premiers travaux du chemin de fer, prenait de l'importance au détriment de Loango et de desservir la plaine du Niari, à partir de Kimbenza.

Les travaux du chemin de fer amenèrent une grosse perturbation dans le Mayombe. La population se rapporcha de la future ligne, si bien que Nséssé resta bientôt seule dans la forêt. On décida un nouveau transfert, à Pounga.

A Pointe-Noire, la ville prenait forme : on ne pouvait plus se contenter de la case en planches des premiers jours. En l'absence de frère compétent, Mgr Friteau dut s'adresser à un entrepreneur, qui, inévitablement, prit son bénéfice. Toutes les réserves financières du vicariat furent épuisées, avec l'édification d'un bâtiement à étage, dont le rez-de-chaussée servirait de chapelle, mais c'était, à l'époque, l'une des plus belles constructions de la nouvelle ville. En 1931, Notre-Dame fut érigée en station autonome.

C'est au cœur de la saison sèche de cette année 1931, que Mgr Friteau accomplit le périple : Loango, Mayumba, Sette-Cama, Mourindi, Divénié, Mossendjo, Sibiti, Mouyonszi, Kimbenza, Madingou, Pounga, Pointe-Noire ; une belle randonnée, toute à pied (sauf quelques étapes de la vallée du Niari et du Mayombe), qui lui permit de voir, en trois ou quatre mois, l'ensemble de son vicariat. Il fut décidé, au cours de ce voyage, de continuer les implantations à partir du chemin de fer et, comme on l'avait fait à Mouyondzi, de s'installer aux points qui seraient les plus vite réunis à la ligne par une antenne routière. La mort ou le départ de plusieurs missionnaires empêchèrent de mettre immédiatement ce projet à exécution. Ce n'est qu’à la fin de 1936 que la mission de Mossendjo put être fondée. Entre temps, en 1932, la vieille mission de Kimbenza avait donné naissance à celle de Madingou.

Vint la guerre de 1939, qui mobilisa la plupart des missionnaires, sous prétexte que les Italiens de Lybie et d'Erythrée se trouvaient à nos portes. Mais on s'aperçut que ces missionnaires avaient mieux à faire que d'exercer des recrues ou à faire la navette entre Pointe-Noire, Brazzaville et Fort-Archambault. La vie des stations, un moment désorganisée, reprit son cours presque normal.

Vint ensuite août 1940 et les Trois Glorieuses, avec le ralliement de l'AÉF au général de Gaulle. Mgr Friteau ne prit pas possition pour l'un ou l'autre camp et certains le lui reprochèrent. Il en résultat cet incident que rapporte le P. Molager : « Lorsque le général de Gaulle vint pour la première fois à Pointe-Noire, la ville avait à sa tête un administrateur farouchement anticlérical… Mgr Friteau voulant se rendre, avec toutes les notabilités sur le quai de la gare pour saluer le général, l'administrateur en question ordonna au commissaire de police de le prier de retourner sur l'esplanade, avec le gros du public. Monseigneur s'exécuta, tout en faisant savoir bien haut qu'il saurait parler à qui de droit… Lorsque le général parut devant la gare, apercevant le vicaire apostolique, il se dirigea aussitôt vers lui et le salua le premier. Devant toute la foule et l'administrateur qui en devint blême, Mgr Friteau relata l'incident qui venait de se produire. De Gaulle, comprenant la gaffe faite par son administrateur civil, l'excusa comme il put et promit sa visite à la mission, malgré le peu de temps dont il disposait. Effectivement, le soir, le général de Gaulle, accompagné de son état-major et de l'inévitable administrateur, de plus en plus livide, vint voir Mgr Friteau. »

La fin des hostilités a permis d'échelonner les départs des missionnaires, en commençant par les plus fatigués. Mgr Friteau attendit : son état de santé, sans être parfait, était encore satisfaisant ; il avait grisonné, mais il paraissait solide.

Fin 1945, on annonça la venue d'un visiteur apostolique envoyé par Rome. Le titulaire, le P. Prouvost, voulait aller vite, très vite : en moins de huit jours, voir le chef-lieu, le séminaire et trois ou quatre stations. C'était mal connaître le pays et ses moyens de communication restés encore rudimentaires et aléatoires. En fait, le visiteur, venu en février 1946, resta moins de 48 heures dans le vicariat. Mgr Friteau avait préparé cette visite avec la minutie qui lui était coutumière : en un rapport détaillé, il montrait la marche des œuvres, les difficultés, quelques échecs, mais aussi le progrès continu, riche d'expériences.

Dès le premier abord, il s'aperçut que son travail était parfaitement inutile : le P. Prouvost ne voulut même pas en prendre connaissance. Sa position était prise, son opinion déjà faite. Moins d'une heure après l'arrivée du visiteur, Mgr Friteau lui déclara tout net que, dans ces conditions, il allait démissionner. Rien ne put le faire revenir sur sa décision, d'autant plus qu'il avait déjà offert, quelques mois plus tôt, de se démettre de sa charge, pour des raisons différentes.

Les missionnaires étaient consternés : dans la personne de leur chef ils se sentaient eux-mêmes atteints. Ils auraient tant désiré fêter, sur les lieux mêmes de son sacre et de son labeur apostolique les 25 ans d’apostolat de leur évêque.

Episcopat fructueux, car, sous la direction de Mgr Friteau, le chiffre des chrétiens étaient passés de 7 000 à 52 000 et le nombre des stations avaient plus que doublé.

Le 1er mais 1947, il quitta pour toujours cette terre où il avait tant travaillé, emportant la sympathie de tous ceux qui l'avaient connu. Quelques mois après, dans l'église de sa paroisse natale, il fêtait ses 25 ans d'épiscopat.

Il se retira ensuite à l'abbaye de Langonnet, où il eut souvent l'occasion de présider les Pardons célébrés dans les environs. Il se ressentit, physiquement et moralement de deux attaques d'hémiplégie et, à partir de 1954, il sortit de moins en moins de la communauté, jusqu'à sa mort, le 17 mai 1956. - Adolphe Cabon et Johannès Molager -
BG, t. 44, p. 483.

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