René
GAILLARD, éduqué dans le rude environnement de la mer de Champeaux, gardera
toute sa vie cette intrépidité au service d’une intelligence brillante, d’une
activité incessante et d’une profondeur spirituelle communicative. C’est un
titan de la Mission.
Son premier contact avec l’Ile Rouge, à Ambilobe, ne
fut pourtant pas des plus faciles, au moment des courants d’indépendance qui
agitaient Madagascar, où les massacres de 1947 avaient laissé de profondes
cicatrices. Il sera même pris à partie par des mouvements d’inspiration
communiste et largement critiqué pour son intransigeance. Il n’aimait pas trop
qu’on rappelle les positions conservatrices de ses débuts.
Sa pleine
mesure, il va lui donner libre cours à Andapa, où interpellé par le Concile et
le passage à l’Indépendance, il travaillera à doter le diocèse, et par la suite
d’autres diocèses, d’un catéchisme et de livrets d’accompagnement des
catéchumènes qui sont encore en usage soixante ans après. Il était devenu la
mission pilote : tous les jeunes spiritains arrivant à Madagascar faisaient leur
stage avec lui. Ces années fécondes de missionnaire lui serviront longtemps de
référence dans ses postes successifs. Le synode diocésain de 67, dont il fut une
des chevilles ouvrières, consacrera son œuvre pastorale.
En 69, nommé
Supérieur Principal de Madagascar, il en déplacera le siège à Joffreville, ayant
quelques difficultés avec le diocèse de Mahajanga, et la pastorale peu
compatible avec ses convictions. Inlassablement il parcourra au volant d’une
increvable «méhari», toutes les missions des deux diocèses, toujours prêts à
discuter: en coopération à Marovoay je me rappelle avoir rencontré ce
missionnaire «qui décoiffe»!
Après son service comme supérieur, il retourne
sur la Côte Est, à Mananara Nord, où ses talents de pêcheur et de jardinier lui
permettront de subsister de justesse. Privé de son compagnon pour cause
d’accident, on me demanda de lui tenir compagnie pendant 3 semaines… J’ai
apprécié la cohérence profonde de vie et la puissance de travail de ce
quinquagénaire sans arrêt en mouvement. Contraint de vivre avec de jeunes
prêtres diocésains, il dut faire face à de nombreuses critiques, souvent
partisanes, qui lui sapèrent quelque peu l’optimisme.
Et enfin, Vavatenina,
où il retrouve une communauté spiritaine, chose indispensable pour lui. Il
retrouvera son rôle de locomotive, menant de pair une activité pastorale énorme,
une ferme, un jardin, un atelier de menuiserie… On avait du beurre et du fromage
local! Et il n’en était pas peu fier. Mais la santé faiblissait.
En 2003, un
vilain cancer à la mâchoire l’obligea à rentrer. Commença alors son long séjour
à Chevilly, où son brillant esprit fut sollicité maintes fois pour les archives
et divers travaux de recherche. Il continuait de nous envoyer ses circulaires où
perçait toujours son optimisme réaliste. René restera un monument de la vie
spiritaine; il transpirait cette force tranquille et cette solidité que seules
peuvent donner une vie spirituelle et une disponibilité à l’Esprit de tous les
instants. Il a traversé toutes les grandes mutations de ces années :
Indépendance, Concile, malgachisation de l’église, dans la paix avec un regard
de foi critique mais plein de confiance.
Jean-Michel
JOLIBOIS
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