P. Charles-Marc GERSPACHER
Not. Biog. IV p. 429-434
décédé à Port-au-Prince
le 4 octobre 1910, à l'âge de 47 ans


Charles Gerspacher naquit le 24 avril 1863 à Hombourg (Haute-Alsace). Il fut baptisé le lendemain, jour de saint Marc, dont le nom compléta son prénom de Charles. Son oncle dirigeait l'école communale - il la fréquenta jusqu'à l'âge de 14 ans. Le 15 avril 1878, il faisait sa première communion et cette année-là même, il fut admis à entrer au petit scolasticat de Merville. Son oblation eut lieu le 19 mars 1880. Il sollicita et obtint le nom de joseph, ayant une dévotion particulière à ce saint, comme patron de religion.

Certes, le jeune scolastique était plein du désir de se donner à Dieu, dans la Congrégation. Ses parents si chrétiens ne le désiraient pas moins pour leur fils. Une pièce intéressante de son dossier c'est l'acte, à signature légalisée de son père, où celui-ci écrit : « je soussigné Charles-Marc Gerspacher consens volontiers à ce que mon fils Charles­-Marc entre dans la Congrégation du Saint-Esprit et du Saint Coeur de Marie, pour s'y dévouer au salut des âmes, selon la volonté de ses supérieurs. - Fait à Hombourg le 15 août 1879. » Ainsi la volonté -de son père venait encourager et confirmer la sienne, par un généreux et chrétien acquiescement à ce que sa foi lui montrait une vocation religieuse. Exemple bien noble assurément, mais combien rare !

En 1885, ayant fait toutes ses classes de latin, de la huitième à la rhétorique, à MervilIe, il entrait au grand scolasticat de Chevilly. Que dire de ses dispositions pendant les années de formation qui suivirent? Elles étaient foncièrement bonnes, niais avec certaines oscillations, dues surtout à sa sensibilité, à une certaine brusquerie Ide caractère, et enfin à sa santé qui n'était pas des plus solides.

Un trait assez nettement accusé chez lui, c'est la sincérité et la droiture. Ayant à s’exprimer plus tard auprès de ses supérieurs sur les attraits éprouvés et ses goûts personnels, il écrivait : « La paix et la tranquillité dans une fonction la plus commune possible et susceptible d'être réglée uniformément. » Ce n'était pas héroïque, mais non plus pas ambitieux, et l'amour de la règle ramenant aux mêmes devoirs et en assurant l'accomplissement, faisait sans doute l'inspiration de ce souhait.

Les humbles sentiments qu'il avait de sa personne, les exprimait d'une façon parfois singulière, mais sans forfanterie comme on serait tenté de le croire. Dans sa lettre de demande pour la profession, il écrivait les lignes suivantes au T. R. Père - « La Congrégation aura bien de la chance si elle trouve dans son sein un poste, pour un individu nul et incapable comme moi. - Intelligence, instruction, piété et le reste de tout cela maigre quotient, je ne veux et ne peux pas d'ailleurs parler d'une certaine aptitude ou habileté à faire différentes choses toutes matérielles ; car cela ne saurait entrer en ligne de compte dans l'appréciation d'un prêtre religieux missionnaire. » (Lettre du 1er juin 1890).

Pénétré de la pensée de l'apôtre, que la piété est utile à tout, il recourait aux moyens qu'elle lui inspirait pour combler les déficits dont il faisait l'aveu. Il émit et renouvela les voeux privés, car la pratique lui en paraissait très opportune. « Ce n'est pas trop tôt, écrivait-il, que de commencer à pratiquer par dévotion ce que je devrai pratiquer par état - et plus tôt je m'y habituerai, mieux ce sera plus tard. » (Lettre du 4 mars 1888). D'ailleurs des vues toutes surnaturelles lui faisaient souhaiter de vivre de plus en plus parfaitement de la vie de la Congrégation.

« Je veux m'efforcer, disait-il, à en devenir un membre pas trop indigne, non pas par les qualités naturelles, car elles se réduisent à bien peu, mais par la pratique des vertus qui doivent les distinguer'. (Lettre 4 mars 1888). Ordonné prêtre à Grignon le 28 octobre 1889, il termina son noviciat le 15 août 1890, et après un voyage en Alsace, il s'embarqua pour Haïti, le 18 septembre suivant. Le 8 octobre il arrivait à Port-au-Prince.

Comme presque tout son ministère s'est exercé en Haïti et qu'il y est mort, nous ne pouvons mieux faire que Ide continuer ces quelques pages par la notice nécrologique qu'a donnée -de notre cher confrère la Semaine Religieuse de Port-au-Prince.

Comme presque tout son ministère s’est exercé en Haïti et qu’il y est mort, nous ne pouvons mieux faire que de continuer ces quelques pages par la notice nécrologique qu’a donnée de notre cher confrère la semaine religieuse de Port-au-Prince.

« Son talent de dessinateur ,et de peintre porta le R. Père Jaouen son Supérieur' à lui confier l'installation du théâtre établi au Musée. Il l'organisa tel qu'il subsiste encore après vingt ans. - Puis à la rentrée de Février 1891 il fut nommé professeur' de 6e et peu après sous-préfet de discipline. En Avril 1892, le P. Bertrand, qui depuis plusieurs années était économe, fut nommé Supérieur à la mort du P. Jaouen et céda ses précédentes fonctions au P. Gerspacher - ce dernier ne les exerça que 10 mois jusqu'en février 1893. Sa jeune ardeur ne connaissait pas d'obstacle , il manqua de ménagements en certains cas, par suite de cette même franchise qui le forçait à tout dire. Mais ces dix mois, furent employés par, lui avec unie entente parfaite des besoins de la maison qui lui était confiée. Il mit en place la moitié de la grille de clôture sur la rue Geffrard, répara l'entrée de la maison, la fit paver, bâtit des cuisines, installa la basse-cour, éleva un campanile pour l'horloge et sortit de charge avec d'autres projets dont le P. Bertrand lui confia l'exécution: la construction d'un bâtiment de classe le long de la rue Lamarre, un mur de clôture pour la cour à la suite de ce bâtiment, réfection des jardins et allées etc. Il avait en même temps repris sa classe de 6e

« Mais il tomba malade à la fin de Juillet 1893 et son cas fut jugé assez grave pour qu'on l'envoyât en France dès le mois d'août. A peine entré, il subit une opération qui le retint longtemps au lit et dont les suites se feront sentir jusqu'à sa mort. Il note au 4 Novembre : « Fête de Saint-­Charles, mon patron, première messe dite par moi après en avoir été privé pendant 14 semaines, 98 jours ». Le 16 Novembre, il sortait de l'Hôpital et en janvier 1894, il repartait pour Port-au-Prince.

« Son second séjour en Haïti dura du 7 Février 1894 au 13 mars 1897. De nouveau professeur de 6e et à l'occasion constructeur, il s'occupa beaucoup de photographie pendant ses loisirs. Sa maladie le reprend, nécessite un nouveau voyage en Europe et une nouvelle opération suivie trois mois après d'une seconde. Cette fois ses Supérieurs décident qu'il restera en Europe. En octobre 1897, il est nommé économe de la Maison-Mère, puis en Août 1898, il est envoyé au Portugal dans la maison de Cintra pour y remplir les mêmes fonctions. Il y resta trois ans : en novembre 1901, il revenait à Port-au-Prince. Il fut chargé des cours d'espagnol et comme au début, ces classes lui laissaient ides loisirs, il eut en même temps les fonctions de surveillant des principales récréations. La surveillance des récréations fut pour lui l'occasion d'exercer un apostolat fécond' qu'il continuait au confessionnal. Il suivait de près la conduite des élèves, s'intéressait :à leurs jeux, leur fournissait les moyens de les diversifier. Son cours, d'espagnol le captivait d'autre part: s'étant rendu compte des difficultés éprouvées par les élèves pour 1’ "étude de la grammaire, il avait coordonné de nombreuses notes qu'il voulait réduire en un manuel simple et rationnel afin de leur ôter tout embarras. A ce travail de coordination et de réduction, il devait employer ses vacances de Juillet-Août 1909, mais sur l'invitation de son Supérieur il . les dépensa entièrement à la construction d'un bassin de distribution des eaux et à la réfection des conduites d'eau, si bien qu'il désira ajourner son: voyage en France fixé d'abord au mois de Mars 1910, afin de terminer aux vacances de 1910 le travail déjà en grande partie préparé.

« Le bon Dieu en décida autrement. Au mois d'Octobre 1908 il avait eu un premier accès de goutte, mais dans les premiers 6 mois de 1910 ses indispositions et ses malaises devinrent fréquents. Le jour des prix 27 juillet, il se trouva malade et les jours suivants souffrit d'un violent rhumatisme: il lui devint impossible de remuer le bras droit.

« Il se sentit mieux vers la fin d'Août, mais on constata alors qu'il était atteint d'albuminurie.

« Au milieu de Septembre son état s'aggrava - il dut mettre ordre à ses affaires - ce qu'il fit - disaient ceux de ses confrères qui le virent alors de plus près - avec le même calme et la même méthode que s'il préparait sa classe. Quand il eut tout réglé il demanda les derniers sacrements qu'il reçut le lundi 19 Septembre devant tous ses confrères réunis pour la retraite annuelle. On espéra un moment qu'il guérirait, mais le samedi 1er Octobre son état parut désespéré. Cependant les symptômes d'une fin prochaine ne se manifestèrent de façon évidente que dans la nuit du 3 au 4 Octobre. Vers 5 heures du matin, il eut une faiblesse et on récita près de lui les prières des agonisants. Comme on y ajoutait quelques invocations, il eut le courage de se plaindre qu'on ne les récitait pas avec assez de lenteur pour qu'il put les répéter lui-même: il fallut se rendre à ses désirs et malgré les difficultés qu'il éprouvait à parler, il les articula avec une insistance tou­chante. Vers 9 h. 1/2 il réclama le crucifix qu'il porta à ses lèvres avec grande ;effusion, peu après il perdit connaissance et s'éteignit doucement à 9 h. 40.

«Ses obsèques eurent lieu le lendemain au milieu d'un concours de prêtres, d’amis et d'anciens élèves qui était la meilleure preuve de l'estime et de l'affection qu'il avait su inspirer. »
(Bulletin religieux d'Haïti, nov. 1910, no 15).

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